Il vous est sûrement arrivé de dire ou au moins de penser que vous préfériez le Nouveau Testament au Premier Testament en expliquant que, dans le Nouveau Testament, Jésus venait largement répandre la miséricorde et l’amour alors que dans le Premier Testament, Dieu est souvent un impitoyable justicier. Eh bien, ce dimanche, on a franchement l’impression que c’est le contraire !
Vous avez entendu la 1° lecture, tirée du prophète Ezéchiel, qui nous présente Dieu comme un bon berger : Voici que moi-même, je m’occuperai de mes brebis, et je veillerai sur elles…C’est moi qui ferai paître mon troupeau, et c’est moi qui le ferai reposer, la brebis perdue, je la chercherai ; l’égarée, je la ramènerai. Celle qui est blessée, je la panserai. Celle qui est malade, je lui rendrai des forces. Magnifique ! Alors que dans l’Evangile, il est question de ce jugement terrible effectué par Jésus lui-même décrit sous les traits de ce Fils de l’homme. Je parle jugement terrible à cause de ces paroles qui font froid dans le dos tellement elles nous semblent dépourvues de miséricorde : Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : ‘Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges. Comment comprendre tout cela ? Puisque c’est la fête du Christ-Roi de l’Univers, Jésus serait-il un roi faisant régner la terreur avec cette perspective d’un jugement qui classera les hommes en deux catégories : les bons et les mauvais, classement qui ne peut que générer de l’angoisse puisque nous ne pourrons pas ne pas nous poser la question : et moi, de quel côté, je serai ?
D’abord, je tiens à faire remarquer que dans la 1° lecture qui est si belle, qui présente Dieu comme un bon berger, il est aussi question de jugement, de tri. J’avais volontairement sauté ce verset dans le rappel du texte, mais il existe bel et bien : Ainsi parle le Seigneur Dieu, voici que je vais juger entre brebis et brebis, entre les béliers et les boucs. Comme ce jugement, ce tri arrive juste après cette description si forte de l’amour de Dieu, je pense que c’est une invitation à comprendre le jugement et le tri comme une véritable manifestation de l’amour de Dieu. Puisque Jésus apparait dans les Evangiles comme celui qui fait miséricorde, qui a été envoyé par le Père pour sauver tous les hommes et n’en perdre aucun, je crois qu’il faut encore comprendre le jugement et le tri effectué dans le passage que nous avons entendu comme une manifestation de l’amour de Jésus pour nous. C’est ce que je voudrais développer maintenant et vous comprenez que l’enjeu est grand car il y en a qui sont plongés dans une profonde angoisse quand ils pensent au moment où ils arriveront devant le Seigneur. En faisant lucidement le bilan de leur vie, ils se disent : moi, je serai parmi les maudits,
dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges !
Je voudrais faire plusieurs remarques pour nous aider à bien comprendre l’extraordinaire bonne nouvelle que ces textes veulent nous transmettre.
1° remarque, ce tri, il se fera au moment où nous passerons dans l’éternité. Eh bien, la 1° bonne nouvelle, c’est que ce tri nous assure que le mal ne passera pas la frontière de l’éternité pour ceux qui seront auprès de Dieu. Le mal, nous y aurons été confrontés toute notre vie et ce mal, ces derniers temps semble redoubler de vigueur. Eh bien, nous en serons débarrassés dans l’éternité, il sera bloqué et ne passera pas la porte de l’éternité. Plus d’annonces de guerres, de massacres, de violence gratuite, plus de réchauffement climatique, plus de jalousie, plus d’égoïsme, plus de pauvres qui meurent de faim, fini ! Tout cela sera fini ! Avouez que c’est une vraie bonne nouvelle !
2° remarque : Ce que je viens de dire est bien beau mais comment le mal sera-t-il bloqué aux portes du paradis ? Si c’est en mettant dans une quarantaine éternelle tous ceux qui ont été complices du mal pour qu’ils n’apportent pas le virus au paradis, nous sommes mal barrés ! Parce que, qui d’entre nous, pourrait prétendre ne jamais avoir été complice du mal, ne jamais avoir fermé les yeux sur le mal en le laissant s’installer et même proliférer ? C’est là qu’il faut être clair, le tri ne se fera pas entre les personnes, Jésus mettant en paradis les bons et en enfer les mauvais. Un tel tri est impossible parce que personne n’est que bon ou que mauvais. Il n’y a que dans les westerns qu’on voit les bons d’un côté et les mauvais de l’autre … mais la vie réelle est bien plus complexe qu’un western ! Nous avons tous une part de bon et une part de moins bon.
Pour que le mal n’entre pas en paradis, pour qu’il ne puisse pas continuer éternellement son œuvre de destruction, le tri ne s’effectuera pas entre les personnes mais à l’intérieur de chaque personne. Jésus, tel un grand chirurgien de l’amour viendra enlever toutes les tumeurs malignes qui ont pu se développer en nous. Et c’est cela qu’on appelle le purgatoire, cette nécessaire purification pour que le mal n’entre pas en paradis avec moi. Car moi, chacun de nous, nous sommes appelés à partager l’éternité bienheureuse de Dieu, c’est Jésus qui l’a dit en affirmant qu’il était venu pour sauver TOUS les hommes afin qu’AUCUN ne soit perdu. Jn 6,39 Ce TOUS et ce AUCUN sont suffisamment explicites pour que nous n’allions pas douter que Dieu nous veut avec lui, mais débarrassés du mal pour que ce mal ne nous pourrisse pas l’éternité comme il a pu nous pourrir une partie de notre existence et pourrir une partie de l’existence de ceux qui auront eu à subir le mal dont nous aurons été responsables.
Mais alors l’enfer, me direz-vous, dans ces conditions, c’est une légende ? Comment comprendre que Jésus parle d’un feu éternel ? D’abord, vous aurez remarqué que Jésus dit que ce feu éternel, il a été préparé non pas pour les hommes, mais pour le diable et ses anges. Ce qui indique bien son désir, sa volonté que le mal ne passe pas les portes du paradis, l’auteur du mal sera cantonné dans le feu de l’enfer. Et vous savez que, dans toute l’histoire de l’Eglise, jamais l’Eglise ne s’est permis de dire que telle ou telle personne était en enfer. Le Catéchisme de l’Eglise Catholique dit que l’enfer c’est un auto-exclusion (n° 1033), c’est-à-dire que ne seront en enfer que ceux qui choisissent délibérément et en toute connaissance de cause de refuser Dieu et sa miséricorde. Parce qu’il est amour, Dieu n’obligera pas quelqu’un qui le refuserait à vivre avec lui dans l’éternité d’amour. Mais, seuls se retrouveront en enfer ceux qui, refusant l’intervention du grand chirurgien de l’amour, persisteront dans leur enfermement dans le mal … et le mot enfermement, vous en conviendrez, est bien choisi !
3° remarque : Il convient de nous préparer pour que nous ne soyons pas trop dépaysés, lorsque, après l’intervention du chirurgien de l’amour, nous serons accueillis auprès du Roi et de tous les bénis qui l’entoureront. Pour cela, il faut commencer, dès maintenant, à vivre le plus souvent possible en sa présence pour qu’il nous apprenne ses manières, celles qui auront cours au royaume de l’amour. Pour cela, il y a, bien sûr, la messe et tous les sacrements, la prière, la méditation de la Parole, mais dans ce texte Jésus nous révèle aussi l’importance de ce que nos frères orientaux aiment appeler « le sacrement du frère ». Il s’agit de rencontrer tous les autres, particulièrement les plus pauvres, les plus petits, comme des reflets du visage du Christ. Une histoire de la mère Térésa l’illustre parfaitement. Un jour, un journaliste la suivait dans sa visite des personnes proches de la mort dans son mouroir de Calcutta. Mère Térésa s’arrête auprès d’une personne défigurée par une maladie de peau qui était justement en train de mourir, elle prend cette personne dans ses bras l’embrasse, lui caresse le visage jusqu’à ce qu’elle meure. Le journaliste, en la raccompagnant lui dit : ma mère ce que vous avez fait pour cette personne à l’aspect si repoussant, je ne l’aurais pas fait pour tout l’or du monde ! Et la mère Térésa lui répond : moi, non plus ! Le journaliste lui dit : pourtant, vous l’avez fait ! Oui, mais tout l’or du monde ne m’aurait pas donné la force nécessaire, c’est l’amour de Dieu qui m’en a donné la force, c’est parce que j’ai vu dans cette personne le visage de mon Jésus que j’ai pu le faire en y mettant tout mon cœur. Voilà comment nous pouvons nous entrainer et faciliter la tâche du chirurgien de l’amour pour qu’il n’ait pas trop de travail. Et vous voyez que, finalement, plus que de chercher à éviter le mal, ce qui est le plus important, c’est de faire du bien. Et c’est ainsi que Jésus, notre Roi nous dira comme à la femme pécheresse qui avait pourtant fait beaucoup de mal : il lui sera beaucoup pardonné parce qu’il ou elle a beaucoup aimé ! Lc 7,47
Avec tout cela vous comprenez mieux pourquoi Jésus est proclamé « Roi le de l’univers ». Il est Roi précisément dans sa capacité de dominer le mal, de le bloquer pour qu’au Royaume de son Père, il n’y ait que l’amour qui puisse passer et demeurer.