27 décembre : parfum d’humanité et de résurrection sur Bethléem

Hier, c’était un parfum de mort qui flottait sur Bethléem et je vous ai expliqué qu’en choisissant le 26 décembre pour fêter Etienne, le premier martyr, l’Eglise voulait nous plonger au cœur du mystère de la Foi. Cet enfant qui est né, il est celui qui donnera sa vie pour notre Salut. Aujourd’hui, c’est un parfum d’humanité et de résurrection qui flotte sur Bethléem. 

1/ Je commence par le parfum d’humanité. Hier, je nous invitais à ne pas en rester au bébé de la crèche, à ne pas se contenter d’un Noël, fête de l’enfance. Pour autant, ce bébé, il a son importance parce qu’il nous dit la réalité du mystère de l’Incarnation. Marie a changé les langes de Jésus ! Jésus a eu mal quand ses premières dents ont poussé parce qu’il n’est pas né avec toutes ses dents ! Il a appris à marcher et à se relever quand il tombait parce qu’il n’est pas né en sachant déjà marcher. Je ne sais pas si les enfants dessinaient à cette époque où il n’y avait ni papier ni crayons de couleurs … peut-être a-t-il appris à dessiner sur le sable et que cette habitude lui est restée ! En tout cas, s’il dessinait, ce n’étaient pas des croix qu’il dessinait ! Mais sûrement maman et papa avec un soleil derrière ! 

Bon, je ne vais pas tout passer en revue, mais il ne faut rien enlever au réalisme de l’Incarnation, c’est à cela que nous invitait St Jean dans la 1° lecture. St Jean est l’évangéliste qui nous transportera le plus haut dans la contemplation du mystère, c’est pour cela que le symbole qui le représente est un aigle. Mais, vous le savez, un aigle qui vole très haut est capable de voir le moindre détail en bas. C’est tout St Jean, ses écrits sont caractérisés par un réalisme extraordinaire. Nous l’avons entendu dans la 1° lecture : « Ce que nous avons entendu, ce que nous avons vu de nos yeux, ce que nous avons contemplé et que nos mains ont touché du Verbe de vie, nous vous l’annonçons. » Ce n’est pas possible de faire plus concret : entendre, voir, toucher. 

St Jean écrit à la fin du 1° siècle, à un moment où l’hérésie gnostique commence à poindre le bout de son nez. Cette doctrine puise son inspiration dans la philosophie grecque où, vous le savez, il y a une dévalorisation du corps, les partisans de ce courant aiment faire un jeu de mots à partir de deux mots grecs : sôma qui signifie le corps et sêma qui signifie le tombeau : notre corps est un tombeau, une prison qui enferme notre âme. Dieu a créé l’âme mais pas le corps qui nous alourdit, le but de la vie sera donc de libérer notre âme de ce pesant fardeau et cette libération s’obtient par la connaissance, une connaissance réservée à des initiés.

Eh bien, ça, c’est tout sauf chrétien … et il faut se méfier car toutes ces idées reviennent en force par différents biais. Le pape François a d’ailleurs mis en garde les chrétiens contre le gnosticisme dans son exhortation sur la sainteté. St Jean va donc prêcher un réalisme de l’incarnation, j’ai cité les paroles de la 1° lecture, mais on pourrait aussi citer quantité de paroles de l’Evangile. Notamment dès le prologue que nous avons lu le jour de Noël et que nous relirons à minuit dans la messe du passage à l’année nouvelle, il est dit : le verbe s’est fait chair. Il n’y a pas de mot plus réaliste que celui que Jean utilise pour désigner la chair. 

Vous comprenez pourquoi j’insistais sur les langes, les premières dents, l’apprentissage de la marche … Jésus est vraiment homme, il a tout voulu connaître de notre humanité, excepté le péché, mais pour le reste, il a tout connu. On est vraiment loin du gnosticisme et de tout ce qui tourne autour.

Contrairement à tout ce qu’on a pu dire, le christianisme est sûrement la religion qui fait la plus belle place au corps puisque Dieu lui-même a pris Corps en Jésus et que ce corps est promis à la résurrection. C’est là que se trouve le fondement de la morale chrétienne qui nous invite à respecter infiniment le corps, le nôtre, celui des autres, et de tous les autres sans exception de race et cela depuis la conception jusqu’à la mort naturelle. Le drame, c’est que, dans notre société, le corps est de moins en moins respecté mais de plus en plus idolâtré ! Oui, vraiment, cette fête de St Jean fait flotter sur Bethléem un très beau parfum d’humanité.

2/ En célébrant la fête de St Jean au lendemain de celle d’Etienne et au surlendemain de la nativité, l’Eglise nous invite aussi à embrasser la totalité du mystère du Salut. Hier, il nous était rappelé que l’enfant de la crèche donnera sa vie dans une mort sanglante et héroïque. Mais cette mort, aussi belle soit-elle ne suffit pas à nous sauver, elle ne peut pas être le dernier mot de sa vie. C’est pourquoi, avec cette fête de St Jean et l’évangile que nous avons entendu, c’est aussi un parfum de résurrection qui flotte sur Bethléem.

Nous aurons l’occasion de réfléchir plus en détail sur le sens et la portée de la résurrection de Jésus dans le cheminement de cette semaine de retraite. Mais vous voyez que l’Eglise mérite vraiment le titre de « Mater et Magistra » c’est-à-dire mère et enseignante. Sa manière de déployer le mystère de Noël est un enseignement tellement riche !

Je termine en évoquant le fait que l’Evangile de St Jean est structuré autour de 3 verbes : venir, voir et croire. Nous les avions tous les trois dans l’évangile de ce jour. Ils sont venus et même en courant, ils ont vu et au moins pour Jean, ce qu’il a vu a suffi pour qu’il puisse croire. Reprenons ces 3 verbes si importants. « Venir », on dit, fort justement que la foi commence par les pieds, sans démarche personnelle, démarche concrète, il ne peut y avoir de foi. Si tu ne te bouges pas, il ne se passera rien dans cette retraite. « Voir » la foi se nourrit de ce que l’on voit, le croyant porte un regard contemplatif sur la vie, le monde, la nature et St Jean insistera particulièrement sur tous les signes que Jésus a donné à voir. Le chrétien est fondamentalement un contemplatif quelqu’un qui a ses yeux reliés à son cœur comme Jésus qui était ému de compassion par tout ce qu’il voyait. Et tout ce qu’il voit le conduit à la foi. Alors, vous êtes sur le bon chemin : vous êtes venus … vous avez commencé à voir, mais vous êtes loin d’avoir tout vu ! Soyez sûrs qu’au terme il y aura un renouvellement de votre foi ! Ainsi donc la devise du chrétien si elle est proche de celle de Jules César comporte quand même une nuance de taille. César, c’était : Veni, vidi vici, c’est-à-dire je suis venu, j’ai vu et j’ai vaincu. Pour les chrétiens, c’est veni, vidi, vinctus qu’on pourrait traduire par je suis venu, j’ai vu et je me suis laissé vaincre. Car c’est cela la foi, accepter de se laisser vaincre, c’est-à-dire, laisser à Dieu le dernier mot et nous, dans la joie, de grand cœur, on dit : Amen !

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