Hier, nous avons eu le début de ce que je me permets de qualifier le début de l’histoire du petit Samuel. Nous avions vu la détresse de cette femme, Anne qui ne pouvait avoir d’enfants. Elle était bien la préférée de son mari qui avait deux épouses, mais elle n’avait pas d’enfants et c’était un drame pour elle. A partir du texte d’aujourd’hui, il y a deux points que je voudrais souligner
1/ Son désir d’enfant n’était pas un désir égoïste comme on entend aujourd’hui certaines revendications qui parlent d’un « droit à l’enfant. » Il n’y a rien de cela dans le désir d’Anne puisque cet enfant, si le Seigneur le lui donne, elle le lui redonne par avance, il sera à son service. Quel grand et beau désir que de prier le Seigneur pour qu’il nous accorde ce que nous lui demandons afin de mieux lui montrer la vérité de notre amour en lui offrant ce qu’il nous aura donné. Une oraison de la messe dit cela très bien, elle nous invite à reconnaître notre pauvreté fondamentale et à demander au Seigneur qu’il nous donne pour que nous expérimentions quand même la joie du don, elle dit : Seigneur, nous ne pourrons que t’offrir les biens venant de toi.
2/ Cette insistance d’Anne et tout ce qu’elle a pu mettre en œuvre pour obtenir cet enfant en allant sans cesse prier au Temple nous invite aussi à regarder nos vies comme étant vraiment sacrées. Nous ne connaissons pas tout ce qui s’est passé avant notre conception. Et si jamais nous avons l’impression de ne pas forcément avoir été désirés, nous pouvons nous dire que, Dieu, lui nous désirait et qu’il a fait ce qu’il fallait pour que nous arrivions à l’existence. Avec ce poids de désir de la part de nos parents ou et de Dieu, nos vies sont vraiment sacrées. Aux moments de découragement, il peut être bon de nous le rappeler : Seigneur tu m’as voulu, ne permets pas que la manière dont je conduis ma vie soit un affront à ton entêtement à me faire advenir.
Quant à l’Évangile, vous avez entendu par deux fois le mot autorité pour qualifier l’enseignement de Jésus. « On était frappé par son enseignement, car il enseignait en homme qui a autorité. » « Qu’est-ce que cela veut dire ? Voilà, un enseignement nouveau, donné avec autorité ! » Mais qu’est-ce qui donne cette autorité à l’enseignement de Jésus ? Et qu’est-ce que l’autorité ?
L’autorité, c’est la capacité de faire grandir les autres. C’est ce que suggère l’étymologie de ce mot qui vient de latin « augere » qui a donné augmenter, faire grandir. Tous ceux qui reçoivent une autorité, dans une famille, dans une école, dans la société, dans l’Eglise reçoivent, en fait, cette mission de faire grandir ceux qui leur sont confiés. On entend encore bien cette définition dans l’utilisation de l’expression « élever ses enfants. » Il faut visualiser ce qu’il y a derrière ce verbe « élever » il s’agit bien de faire grandir. Dans cette messe nous pourrons prier pour tous ceux qui ont reçu une autorité afin qu’ils restent conscients de l’enjeu de cette mission dans laquelle se joue, pour une grande part l’avenir de ceux qui leur sont confiés, leur capacité à s’épanouir et à exercer, demain, de manière saine, l’autorité qui leur sera confiée, un jour.
Et alors, qu’est-ce qui donne l’autorité ? L’évangile suggère la réponse en disant que Jésus n’enseignait pas comme les scribbes, son enseignement était fait avec auorité. On le sait, dans le judaïsme de l’époque, ce qui donnait autorité à un enseignement, c’est le fait qu’il était appuyé sur la Tradition. C’est-à-dire qu’il fallait prouver que le grand maître rabbi Untel le disait déjà et qu’il le tenait lui-même de rabbi Untel. Il fallait donc pouvoir mettre sous le patronage des rabbis les plus prestigieux ce que l’on disait et c’est ainsi que sa propre parole pouvait avoir de l’autorité.
Jésus n’a jamais cité tel ou tel rabbi et pourtant, ses auditeurs sont admiratifs devant l’autorité de sa Parole ce qui signifie clairement qu’ils avaient compris que cette Parole qui n’avait donc pas sa source dans la tradition répétée venait directement de Dieu. De fait, on sent bien quand une parole est vraie, quand elle vient du cœur, ce lieu intime dans lequel Dieu se sent si bien et on sent bien quand quelqu’un ne fait que répéter ce qu’il entend avec plus ou moins de convictions.
Et le deuxième élément qui donne l’autorité à la Parole de Jésus, c’est que c’est ce qu’on appelle aujourd’hui une Parole performative, c’est-à-dire qu’elle fait ce qu’elle dit. Jésus est venu pour annoncer la libération apportée par Dieu, il ne se contente pas de le dire, il agit en conséquence comme nous le montre cet évangile. L’autorité, elle vient donc aussi de la cohérence entre nos paroles et les actes que nous posons. Je reviens d’une semaine passée à Ars où je prêchais une retraite pour les prêtres du diocèse de St Etienne et du curé d’Ars un de ses paroissiens dira à son procès de canonisation : « notre curé, il faisait ce qu’il disait ! »
Eh bien, demandons, pour nous et pour tous ceux qui exercent une autorité, cette capacité à dire des paroles qui sortent vraiment du cœur et qu’elles soient marquées de ce label de vérité : nos actes devenant le plus possible accordées à nos paroles.