28 février : mardi 1° semaine de carême. Jésus met le doigt là où ça fait mal !

Ce que le St Esprit m’a inspiré pour aujourd’hui, c’est de chercher à entendre la 1° lecture et l’Evangile, comme en stéréo, dans une oreille la 1° lecture et dans l’autre l’Evangile. C’est-à-dire que ce que dit la 1° lecture sur la puissance de la Parole de Dieu s’applique bien sûr à toute l’Ecriture, mais aujourd’hui, pour nous, cela s’applique plus particulièrement au Notre Père. En effet cette prière n’est pas une invention humaine, elle est un cadeau de Jésus, une Parole qu’il nous offre pour alimenter notre prière. Tout ce que dit Dieu et qu’Isaïe rapporte sur la puissance de la Parole s’applique donc à cette Parole si particulière qu’est la prière du Notre Père. Avant de m’arrêter sur ce qu’il y a de plus spécifique dans cette version du Notre Père que Matthieu nous livre et que nous avons entendue, je veux donc reprendre quelques éléments de la 1° lecture et les appliquer au Notre Père.

Dieu, car c’est lui qui parle dans la 1° lecture d’Isaïe, souligne 3 fonctions essentielles de sa Parole qu’il compare à la pluie ou à la neige, je le cite : La pluie et la neige qui descendent des cieux n’y retournent pas sans avoir abreuvé la terre, sans l’avoir fécondée et l’avoir fait germerPuisque c’est Dieu lui-même qui l’affirme, nous pouvons lui faire confiance, c’est forcément vrai ! Ainsi donc nous pouvons dire que la prière du Notre Père, puisqu’elle n’est pas composition humaine, mais Parole de Dieu, peut aussi avoir cette triple fonction : elle peut abreuver nos cœurs, elle peut les féconder et elle peut faire germer

Vous avez entendu que j’ai mis une restriction que Dieu, lui, ne met pas ! Pour chaque fonction, j’ai dit que la prière du Notre Père pouvait abreuver, pouvait féconder, pouvait faire germer. Dieu, en Isaïe, lui, il disait que sa Parole abreuve, féconde, fait germer. Pourquoi cette restriction ? Tout simplement pour tenir compte de la remarque préalable de Jésus : Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens. Si nous récitons le Notre Père, si nous le rabâchons, il est clair que cette prière ne produira pas grand-chose en nous. C’est pourquoi, avant ou après une réunion, ne disons pas que nous allons DIRE ou pire RECITER ensemble un Notre Père, disons plutôt que nous allons PRIER un Notre Père. DIRE, RECITER un Notre Père, ça risque vite de tourner au rabâchage. A la messe, au moment de l’introduction du Notre Père, le prêtre précise que c’est dans l’Esprit-Saint que nous allons dire cette prière, cette précision est là pour nous inviter à ne pas la rabâcher ! Je me rappelle cette réflexion des enfants du caté à qui je demandais ce qu’ils n’aimaient pas à la messe. Ils m’ont répondu : on n’aime pas quand les vieux parlent, ils parlent tellement vite qu’on ne comprend pas ce qu’ils disent ! Vous aurez compris que, dans leur bouche, les vieux, c’était vous et moi ! La vérité sort de la bouche des enfants ! Ne rabâchons donc pas !

1° action bénéfique, prier le Notre Père, ça peut abreuver notre cœur. Nous connaissons tous ce très beau psaume 41 : Comme un cerf altéré cherche l’eau vive, ainsi mon âme te cherche toi, mon Dieu. Mon âme a soif de Dieu, le Dieu vivant. C’est vrai, nos cœurs ont soif ! Le tentateur veut nous faire croire que nous pourrons étancher cette soif en buvant à n’importe quelle source. Mais comme c’est de Dieu que notre âme a soif, si ce n’est pas à la source de sa Parole que nous allons étancher notre soif, tout ce que nous boirons ailleurs nous laissera justement sur notre soif ! Les mots du Notre Père vont étancher notre soif de Dieu et le 1° mot en particulier : « Abba, Père », passer et repasser ce mot dans notre cœur nous fera à tous le plus grand bien.

2° action bénéfique, prier le Notre Père, ça peut féconder notre cœur. Nous le savons, la pluie qui tombe a une propriété excellente, elle n’est pas calcaire. Et le calcaire, c’est terrible parce que, précisément, il calcifie. Alors au sens propre, calcifier, ça veut dire recouvrir d’une couche de calcaire, mais au sens figuré, ça veut dire, rendre dur, inflexible. Eh bien, le Notre Père, quand il est bien prié et non rabâché, il va avoir cette action bienfaisante de décalcifier nos cœurs, de les assouplir, de les mettre au diapason du cœur de Dieu. Quelle merveille !

3° action bénéfique, prier le Notre Père, ça peut faire germer ce qui est dans nos cœurs. Vous connaissez le chant tiré du psaume 138 : Je te bénis mon créateur pour la merveille que je suis. Il continue en disant : tous ces trésors, au fond de moi, que tu as mis, sans faire de bruit. Oui, il y a des trésors dans nos cœurs et c’est Dieu qui les a mis ! Ces trésors sont tous nos grands et beaux désirs de faire du bien. Eh bien, le fait de prier le Notre Père va faire germer tous ces désirs pour qu’ils n’en restent pas au stade de simples désirs. Prier le Notre Père va nous permettre de porter de beaux fruits. Tous ces désirs étaient comme autant de promesses qui ne demandaient qu’à se concrétiser. Du coup, en ce temps du carême, il est peut-être bon que nous ne soyons pas uniquement focalisés sur ce qui ne va pas en nous, sur ce qui est à changer. Il faudrait aussi, et sûrement bien plus, repérer ces grands désirs qui habitent notre cœur et leur donner une chance de porter du fruit. La prière du Notre Père puisqu’elle porte cette capacité de faire germer nous y aidera.

Venons-en maintenant à la spécificité de cette prière du Notre Père, telle que l’Evangile de Matthieu nous la rapporte. Vous savez qu’il y a une autre version du Notre Père qui nous est rapportée dans l’Evangile de Luc. Bien évidemment et, heureusement, pour l’essentiel, elles disent la même chose ! Mais il y a quand même une particularité dans l’Evangile de Matthieu, c’est cette insistance sur le pardon fraternel. Dans le déroulé de la prière, il y a cette demande : Remets-nous nos dettes, comme nous-mêmes nous remettons leurs dettes à nos débiteurs.Luc, lui, parlera d’offenses quand Matthieu parle de dettes, mais ce n’est pas sur cette différence que je veux insister aujourd’hui, même si elle a son importance. Et Matthieu semble rajouter une couche à cette demande en rapportant une parole supplémentaire de Jésus à la fin de la prière : Car, si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi. Mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père non plus ne pardonnera pas vos fautes. Et ce rajout nous fait problème parce qu’il met le doigt où ça fait mal !

J’imagine que, comme moi, vous avez déjà entendu des personnes dire que lorsqu’elles priaient le Notre Père, elles sautaient une phrase parce qu’elles ne pouvaient pas la dire et c’est justement la phrase qui dit : pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés. Je viens de parler d’une triple action bienfaisante du Notre Père, mais là, on semble sortir de ce registre du bienfait puisque Jésus appuie là où ça fait mal et il appuie bien fort en reprenant cette demande deux fois de suite. Comment comprendre ? Si vous souffrez et que vous allez voir le médecin, inévitablement, à un moment ou à un autre, en vous auscultant, il va mettre le doigt là où ça fait mal et c’est bien possible qu’il insiste ! Mais s’il le fait, ce n’est pas pour vous faire souffrir, c’est pour vous soigner, pour vous guérir ! Donc, si dans la prière du Notre Père, Jésus met le doigt là où ça nous fait mal et s’il insiste, ce n’est pas pour nous faire souffrir, mais c’est pour nous guérir.

C’est vrai que certaines personnes ont pu nous infliger de profondes blessures et nous pouvons en souffrir longtemps. Et c’est bien parce qu’elles souffrent encore trop que certaines personnes disent qu’elles sautent cette demande du pardon fraternel. Elles ne voient pas comment pardonner et cela se comprend tout à fait. Certaines paroles, certains comportements certains actes ont pu laisser des blessures tellement douloureuses que le pardon semble inenvisageable. Et il semble d’autant plus inenvisageable que ces personnes ont une idée déformée du pardon. Pardonner, ça serait passer l’éponge, faire comme s’il n’y avait rien eu ! Sûrement pas ! Avec toute la réflexion qui a été faite autour des abus, nous avons compris qu’il ne peut y avoir de miséricorde sans justice. Tant qu’une personne coupable ne s’est pas dénoncée et tant que la justice ne s’est pas prononcée, de fait, le pardon est inenvisageable. Mais après, comment faire parce que la blessure risque bien de rester très longtemps encore bien douloureuse ! 

Eh bien, la 1° chose à faire est de ne pas confondre ces deux sentiments : je ne veux pas pardonner et je ne peuxpas pardonner. Si je ne veux pas pardonner et que je reste sur cette décision, le dossier est clos, mais la blessure risque de devenir toujours plus douloureuse car la rancune finira par me pourrir la vie. Un psychologue disait qu’entretenir de la rancune, c’est se menotter à son bourreau. Quelle vie pourrie que d’être menotté, psychologiquement, en permanence à son bourreau ! Ce que le Seigneur nous demande, après le passage de la justice, c’est de vouloir, même si nous ne voyons encore pas comment ça pourrait devenir possible. Et c’est là que la prière du Notre Père va avoir une action bienfaisante. En mettant le doigt là où ça nous fait mal, à chaque fois que nous prions le Notre Père, Jésus, tel un bon médecin, nous refait cette promesse qu’il peut nous guérir si nous lui demandons la grâce de pouvoir un jour, de vouloir ce pardon qui nous semble légitimement hors de notre portée.

Alors, n’hésitons pas, dans cette retraite à prier, à méditer le Notre Père pour que cette prière accomplisse en nous cette triple action bienfaisante et laissons Jésus mettre son doigt là où ça nous fait mal sans oublier que ce doigt, dans l’Ecriture, désigne l’Esprit-Saint consolateur qui nous fera du bien.

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