8 juin : mercredi 10° semaine temps ordinaire La foi d’Elie … toujours à purifier !

Avec tout ce que j’ai dit hier sur le contexte historique dans lequel Elie a exercé son ministère de prophète, nous sommes à même de goûter la saveur de cette 1° lecture qui est comme une cinéscenie, un grand spectacle. Mais il ne faudrait pas imaginer qu’Elie a monté ce grand scénario juste pour défier les prêtres de Baal et crâner un moment. Sûrement pas, même si, hélas, il va déraper à la fin en égorgeant les prêtres de Baal, ce que le Seigneur, évidemment ne lui avait pas demandé. Mais au point de départ, l’objectif était bon et même essentiel car je vous rappelle que l’une des significations du nom de ce dieu-Baal, c’est propriétaire. Il s’agit donc de voir une bonne fois pour toutes à qui appartient ce peuple : est-il à Baal, ce dieu nouveau venu et païen, comme le prétendent la reine Jézabel et ses prêtres ou est-il au Dieu des Pères qui a tout fait pour lui ?

La sécheresse imposée par Dieu était déjà un premier élément de preuve, Baal se prétendait Dieu de la fertilité, c’est ce qu’on va voir dit le Seigneur qui, à la manière du grand fontainier de Manon des sources, ferme le robinet céleste. Mais cette mise en scène grandiose vise à prouver définitivement que Baal est un usurpateur. De fait, il va se révéler incapable de faire tomber le feu du ciel sur le sacrifice préparé par ses prêtres qui, pourtant, sont en très grand nombre et multiplient les incantations. Du coup, devant leur échec, Elie va même se permettre de charrier les prêtres de Baal : « Criez plus fort, puisque c’est un dieu, il est forcément préoccupé par des soucis ou il règle des affaires, ou bien il est en voyage ; il dort peut-être, mais il va se réveiller ! »  Elie a intérêt à réussir parce qu’après les avoir brocardés de cette manière, il ne peut pas se permettre un échec ! Mais Elie est tranquille, il a foi en Dieu, il a beau être tout seul, sans aucun moyen, il ose encore se compliquer la tâche en versant de grandes quantités d’eau sur le bois. Et voilà que par une simple prière, Elie va obtenir ce qu’il demande : le feu du ciel tombe sur l’autel. Le Seigneur, le Dieu des Pères a montré qui est le boss, qui est le propriétaire ! Le Peuple le reconnait en répétant : « C’est le Seigneur qui est Dieu ! C’est le Seigneur qui est Dieu ! »

Je dis un petit mot de la suite parce que nous ne l’entendrons pas, le lectionnaire de la liturgie a fait ce choix sans doute pour nous épargner une scène particulièrement sanglante.  Pour Dieu, c’était fini, la preuve avait été apportée que Baal était un usurpateur, que cette religion, c’était du ventOui, pour Dieu, c’était suffisant, mais pas pour Elie qui décide d’égorger les 450 prêtres de Baal en pensant rendre gloire à Dieu. Elie a beau être prophète, il est encore loin de connaître vraiment Dieu. Parce que, bien évidemment Dieu ne le lui avait pas demandé et ne pouvait se sentir glorifié par ce massacre. Dieu avait manifesté sa puissance, il n’y avait pas à humilier encore plus ces hommes, et encore moins à les tuer. Si, au bout d’un temps, ils avaient oublié qui était le vrai Boss, Elie n’aurait eu qu’à relancer un défi et le Seigneur se serait imposé à nouveau. 

Mais Elie, emporté par sa fougue, peut-être aussi par son désir de briller aux yeux de Dieu décide d’égorger les prêtres de Baal pour supprimer définitivement cette religion. Mais pour Dieu la vérité ne s’impose jamais par la violence, elle triomphe en rayonnant à travers le témoignage des hommes qui la défendent. Très vite, comme nous l’entendrons demain, la pluie va se mettre à tomber, Dieu a manifesté sa puissance, la vérité est manifeste, la religion des Baals est une escroquerie. Pour Dieu, le dossier est clos, enfin pas tout à fait parce que Dieu veut quand même éduquer son prophète et lui faire comprendre que jamais la violence ne pourra être utilisée par des hommes qui se réclament de lui, quels que soient les objectifs de ces hommes. Ça va être difficile à accepter pour Elie qui va sombrer dans une profonde déprime en constatant que Dieu a refusé de bénir son initiative … mais n’anticipons pas car ça c’est pour les jours qui viennent !

Retenons les leçons de ce texte, j’en mets deux en avant :

  • La grandiose mise en scène d’Elie nous montre à l’évidence que n’est pas la puissance des moyens qui donne la victoire. Nous rêvons toujours d’avoir toujours plus de moyens à notre disposition pour réussir ce que nous entreprenons, pour mener à bien nos projets, plus de moyens matériels, plus de moyens humains. Ce texte nous a montrés que, parfois avec de très gros moyens, on n’arrivait à rien alors qu’avec des moyens dérisoires on pouvait parfaitement réussir à condition de compter sur Dieu, mais de vraiment compter sur lui ! En fait, c’est de foi que nous manquons le plus souvent, c’est l’accroissement de notre foi qu’il faut demander plus que l’accroissement de nos moyens.
  • Quand nous rêvons d’humilier ceux qui se mettent en travers de notre route pour bloquer nos projets ou au moins les contrarier, ce désir ne peut jamais venir du Seigneur et, tôt ou tard, la violence que nous utilisons pour humilier se retournera contre nous, qu’il s’agisse de la violence des paroles, des écrits ou des actes.

Venons-en à l’Evangile. Nous sommes toujours étonnés d’entendre Jésus dire : « Ne pensez pas que je sois venu abolir la Loi ou les Prophètes : je ne suis pas venu abolir, mais accomplir. » ou encore : « pas un seul iota, pas un seul trait ne disparaîtra de la Loi. » Oui, Jésus en défenseur de la Loi, ça nous étonne parce qu’on a plus l’habitude de le voir ferrailler avec les pharisiens précisément sur ce sujet de la Loi. Mais, que ce soit bien clair, ce n’est jamais la Loi que Jésus remet en question, comment pourrait-il le faire puisque la loi a été donnée par Dieu ! C’est au légalisme que Jésus s’attaque et le légalisme, il ne peut le supporter. C’est pour cela qu’il dit qu’il est venu accomplir la loi et c’est Paul qui donnera toute la clarté nécessaire à cette expression dans la lettre aux Romains en disant que l’accomplissement parfait de la Loi, c’est l’amour. Jésus recadre donc les pharisiens et tous ceux qui auraient tendance à se laisser aller à un légalisme étroit, la loi, son seul but, c’est de conduire à l’amour. Si l’homme n’était pas pécheur, il n’y aurait pas besoin de loi, il serait naturellement porté à faire le bien, mais ce n’est pas le cas, alors il faut la loi.

Et la Loi, vous savez que ce sont les 10 paroles de vie qu’on devrait appeler ainsi et non pas les 10 commandements plus les 613 prescriptions qui ont été rajoutées pour expliciter cette loi générale. J’aime bien rappeler régulièrement que les juifs, aimant jouer sur les nombres disent que 613, c’est 365 + 248 ! Or, dans les 613 prescriptions, il y a 365 prescriptions négatives et 248 obligations. Avec leur passion des nombres, ça devient très intéressant car 365 c’est le nombre de jour de l’année, c’est un peu comme si la loi disait : chaque jour, tu dois rester vigilant pour ne pas franchir la ligne rouge et rester dans l’amour puisque l’accomplissement parfait de la loi, c’est l’amour. Donc, il n’y a, aucun jour pour te relâcher, pas même les jours de vacances, tout doit toujours être vécu dans l’amour. Et, 248, on considérait que c’était le nombre de parties qui composaient le corps humain. Si vous additionnez les deux oreilles, le nez, les dents et tout le reste, ça fait 248 selon les connaissances de médecine de l’époque ! Donc, c’est un peu comme si la loi disait : tout ton corps doit être engagé dans le respect de la loi, il n’y a pas un seul organe qui soit dispensé de bien se comporter !

Oui, l’accomplissement parfait de la loi, c’est l’amour, il n’y a donc pas à supprimer la loi, il suffit juste de la libérer du corset trop serré du légalisme dans laquelle est finit par étouffer. Jésus ne supprime donc pas la Loi, car, bien comprise, elle va nous permettre de ne pas seulement parler d’amour ou d’avoir des idées sur l’amour, mais de nous y engager totalement et tous les jours. Que l’Esprit-Saint nous donne de rester dans ce parfait équilibre auquel Jésus nous invite et que Marthe me semble avoir si bien résumé dans cette belle parole : « La fidélité à l’amour par l’exactitude dans l’accomplissement des petites choses. »

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