28 octobre : Fête de Simon et Jude, apôtres. Quand le Seigneur appelle des hommes insuffisants pour que sa puissance soit plus manifeste.

S’il y a une chose qui est sûre, c’est que Jésus ne prenait aucune décision à la va-vite ! Le choix des apôtres est précédé par une longue nuit de prière. On aurait pu penser qu’étant le Fils de Dieu, il avait la lumière immédiate pour toutes les décisions qu’il avait à prendre et qu’il n’avait donc pas besoin de ces longs temps de prière pour se préparer aux décisions importantes, eh bien si ! Alors, si lui, le Fils de Dieu avait besoin de se préparer par de longs temps de prière à prendre des décisions importantes, à combien plus forte raison, nous, qui ne sommes pas dans l’union permanente à Dieu, nous qui ne sommes pas branchés H24 sur le Saint-Esprit, nous aurons besoin de nous laisser éclairer dans la prière. Nous le voyons d’ailleurs très bien, souvent, les décisions prises dans la précipitation et l’impréparation ne donnent pas les résultats que nous espérions. Hier je regardais l’intervention du cardinal Aveline pour les prêtres au Congrès Mission et il disait que son prédécesseur, au moment de lui passer la charge lui a dit : j’ai un seul conseil à te donner, au fur et à) mesure qu’on augmentera ta charge, augmente ton temps de prière. Et il rajoute : c’est le meilleur conseil qu’on m’ait jamais donné !

Mais alors, justement, quand on prend conscience qu’il a passé une nuit de prière pour faire un tel choix, on a envie de se demander si la prière sert vraiment à quelque chose ! Parce que quand même, ce choix n’est quand même pas extraordinaire. Passons une rapide revue d’effectif ! Simon-Pierre, c’est un bon gars, mais très inconstant, capable du meilleur comme du pire ! Et, en plus, c’est à lui qu’il va confier la responsabilité du groupe et au-delà de l’Eglise en germe. André, lui, il est plutôt sympa, on le verra plusieurs fois dans l’Evangile avoir le charisme de mettre les personnes en relation avec Jésus. Mais pour autant, il n’est pas parfait, à la multiplication des pains, il ne croit pas que ce qu’un gamin a apporté, Jésus puisse en faire quelque chose ! Jacques et Jean, eux très bien, surtout Jean pourrions-nous penser, lui qui a été fidèle jusqu’au bout. Oui, mais il y a aussi ce moment où il propose à Jésus avec son frère Jacques d’éliminer tout un village qui a refusé de les accueillir en faisant tomber le feu du ciel ! Philippe, pas brillant, non plus après tant de temps passé avec Jésus, il lui demande : montre-nous le Père ! Et Jésus lui répond : mais Philippe, tu n’as donc rien compris, qui me voit, voit le Père ! Barthélémy : quand Philippe vient lui parler de Jésus qui pourrait être le Messie, sa réflexion n’est pas sympa du tout : De Nazareth, que peut-il sortir de bon ? Matthieu, lui, il était collecteur d’impôts, il ramassait l’argent des juifs pour le donner aux Romains en se servant généreusement au passage, comme Zachée, un collabo, quoi ! Thomas, un bon gars mais qui ne fait pas confiance au témoignage de ses collègues apôtres quand ils lui disent que Jésus est ressuscité ! Judas qui aimait trop l’argent et que se laissera donc corrompre assez facilement pour livrer Jésus. Quant aux autres, nous ne savons pratiquement rien d’eux : Jacques, fils d’Alphée et les deux que nous fêtons aujourd’hui : Simon le zélote et Jude, appelé aussi Thaddée dans certains évangiles. Le fait qu’on ne sache rien d’eux ou presque dit à quel point ils ont été brillants ! 

Quand on prend la liste des apôtres en voyant les fragilités de chacun, c’est vraiment impressionnant. Et si on se rappelle que Jésus a prié toute une nuit pour être sûr de faire un bon choix, on a envie de dire : Tout ça pour ça !? Oui, c’est vrai que selon les critères humains de recrutement, on pourrait penser que Jésus n’a pas fait un choix judicieux. Pourtant, on peut être certain que, lorsqu’il les appelés, il savait très bien ce qu’il faisait. La nuit de prière passée par le Fils de Dieu ne pouvait pas conduire à un choix catastrophique ou autrement dit : quand Jésus les appelés, il savait exactement qui il appelait. Il connaissait parfaitement leurs faiblesses, leurs insuffisances, la preuve, il ne tardera pas à annoncer à Pierre qui fanfaronne en prétendant être meilleur que les autres, qu’un jour il s’effondrerait et le renierait. Oui, en les appelant, eux, avec leurs insuffisances, Jésus savait ce qu’il faisait, il ne s’est pas trompé, ça signifie qu’il a délibérément choisi des pauvres. C’est un bien grand mystère sur lequel l’apôtre Paul méditera dans le fameux texte de la 2° épître aux Corinthiens où il compare les apôtres à des poteries sans valeurs contenant un immense trésor. 2 Co 4,7. Quelle consolation pour nous de repenser à ce choix éclairé de Jésus qui le conduit à appeler des hommes qui sont loin d’avoir toutes les qualités. 

Si nous avons un minimum d’humilité, nous pouvons tous reconnaître que nous sommes des serviteurs insuffisants. C’est vrai pour tous ceux qui ont été appelés à des responsabilités dans l’Eglise, mais c’est vrai en dehors de l’Eglise : éduquer des enfants, quelle responsabilité ! Etre parent, quelle responsabilité ! Oui, nous sommes tous des serviteurs insuffisants et le Seigneur le savait quand il nous a appelés comme il le savait quand il a appelé ses apôtres.

Mais attention, la prise de conscience de nos insuffisances ne doit pas nous conduire à nous contenter de mener une vie moyenne ou pire encore une vie médiocre en nous rassurant à bon compte, en disant : le Seigneur le savait quand il m’a appelé ! Non, prenant conscience que nous sommes des serviteurs insuffisants, nous devons nous ouvrir toujours plus largement au travail de la grâce. C’est vraiment ce que Paul dit dans le passage que j’ai déjà cité de la 2° épître aux Corinthiens : « Mais ce trésor, nous le portons comme dans des vases d’argile ; ainsi, on voit bien que cette puissance extraordinaire appartient à Dieu et ne vient pas de nous. » Le Seigneur ne veut pas que sa puissance soit limitée par notre pauvreté, que nous ne donnions que ce que nous sommes capables de donner dans les bons jours ! Non ! Il nous a choisis, nous serviteurs insuffisants pour que nous soyons comme acculés à compter sur lui, pour que, conscients de nos faiblesses, nous lui demandions que ce soit lui qui agisse à travers nous, que ce soit sa puissance qui se déploie dans notre faiblesse et qui accomplisse les merveilles que nous ne sommes pas capables d’accomplir nous-mêmes. C’est ce que feront les apôtres après la mort de Jésus, ayant touché le fond de leurs insuffisances, ils attendront d’être revêtus de la force du St Esprit pour enfin être à la hauteur.

Ce que je viens de dire, j’aurais pu le dire pour la fête de n’importe quel apôtre, c’est vrai que l’apparente insignifiance de ceux que nous fêtons aujourd’hui s’y prête encore mieux ! Mais je voudrais encore souligner deux points qui sont plus particulièrement adaptés à cette fête.

Le 1° point, c’est la diversité de ceux qu’il a appelés, parmi les deux que nous fêtons aujourd’hui, il y avait un zélote, Simon le Zélote et je lisais un texte de Benoit XVI qui disait que Jude-Thaddée l’était peut-être aussi. Les zélotes, c’étaient des révolutionnaires, prêts à tout pour mettre les romains dehors. A côté d’eux Mélanchon passerait presque pour un enfant de chœur ! Alors vous imaginez l’ambiance dans le groupe des apôtres ? Un ou deux révolutionnaires et un collabo, Matthieu. Ça ne devait pas être évident tous les jours dans le groupe ! Commentant cela, Benoit XVI en tirera deux conclusions.

Première conclusion, il n’y avait que Jésus qui pouvait assurer la cohésion du groupe ! Entre ces hommes aux options politiques si tranchées, entre ces hommes au niveau de culture si différent, il ne pouvait y avoir que Jésus pour assurer la cohésion. Il en va ainsi dans nos communautés qui réunissent des personnes qui ne se seraient jamais choisies entre elles ! Du coup, nous comprenons que lorsque certains ont une relation plus distendue à Jésus, la vie devient plus tendue !

La Deuxième conclusion que tire Benoit XVI, je le cite : « Le groupe des Douze est la préfiguration de l’Eglise, dans laquelle doivent trouver place tous les charismes, les peuples, les races, toutes les qualités humaines, qui trouvent leur composition et leur unité dans la communion avec Jésus. » L’Eglise ne sera vraiment l’Eglise de Jésus, l’Eglise voulue par Jésus que si elle permet à chacun de trouver sa place.

Le 2° point que je voulais souligner plus propre à cette fête de Jude et Simon, c’est qu’il est plutôt bon d’avoir des apôtres sur lesquels nous ne savons pas grand-chose. Alors, vous pourriez quand même me dire que Jude a écrit une épitre, c’est vrai, mais ce n’est pas la plus connue et elle a eu du mal à se faire une place dans le canon des Ecritures ! Mais peu importe, parce que nous savons quand même quelque chose de très important, c’est que Jude et Simon étaient apôtres et que, à ce titre, ils ont tenu leur place et une place essentielle, c’est ce que disait Paul dans la 1° lecture. Et finalement, nous ne sommes pas tous appelés à laisser une trace dans l’histoire, par contre, nous sommes tous appelés à tenir notre place. Que par l’intercession de Jude et Simon, nous puissions bien tenir notre place et, comme aimait le dire St François de Sales, fleurir là où Dieu nous a plantés.

Cette publication a un commentaire

  1. Adéline

    « L’Eglise ne sera véritablement l’Eglise de Jésus que si elle permet à chacun de trouver sa place » : cela me fait du bien.

    Et puis l’assonance trace/place… 😉

    Excellent dimanche.

Laisser un commentaire