La liturgie est vraiment formidable, les textes qui nous sont donnés collent tellement souvent à l’actualité que nous vivons que nous en sommes émerveillés. Notre actualité, c’est le début de cette retraite et les 3 textes que nous venons d’entendre semblent avoir été choisis tout exprès pour nous. Je les prends les uns après les autres.
La première lecture nous a fait entendre ce fameux songe de Jacob. Si jamais certains d’entre vous ont du mal à situer les personnages bibliques, je précise que Jacob est le petit-fils d’Abraham et fils de Jacob, il est le frère jumeau d’Esaü mais qui est venu au jour avant lui et qui est donc son aîné. La fête de St Thomas, samedi, ne nous a pas permis d’entendre le texte bien connu dans lequel, il va par une ruse voler le droit d’ainesse de son frère en roulant son père devenu âgé dans la farine ! Enfin, c’est une expression ! Alors c’est intéressant parce que l’épisode d’aujourd’hui se situe juste après celui que je viens d’évoquer où Jacob n’a quand même pas très bien agi.
- J’en tire un premier point pour notre méditation : Dieu arrive à passer dans nos existences, même quand elles sont marquées par des décisions tordues, pour dérouler son projet d’amour. Vous connaissez cette belle parole : Dieu écrit droit avec des lignes courbes. Dieu écrit droit son projet d’amour avec les lignes courbes de nos vies tortueuses. J’aime bien aussi cette parole qui dit cela encore autrement : les pécheurs ont tous un avenir et les saints ont tous un passé quand ce n’est pas un passif ! Comme c’est important, consolant d’entendre cela dès le début de notre retraite.
- Le deuxième point que je veux garder de cette lecture, c’est cette image de l’échelle que voit Jacob avec les anges qui montent et descendent. Quelle belle image aussi en ce début de retraite. C’est exactement ce qui se passe dans une retraite, parce que nous ouvrons nos cœurs, le ciel s’ouvre et les anges, messagers de Dieu, font une navette incessante entre Dieu et nous. Ils descendent du ciel vers nous pour nous porter les messages de Dieu, ses grâces qu’il veut répandre largement sur nous, les bénédictions qu’il veut accorder largement. Et ils montent aussi vers Dieu pour lui porter nos demandes, nos désirs, nos appels qui peuvent parfois être des appels de détresse. Je ne sais pas si, au ciel, il existe un système ressemblant à bison futé qui régule la circulation angélique sur cette échelle parce que cette semaine, comme toutes les semaines de retraite d’ailleurs, ça va être une période noire selon les couleurs de bison futé, c’est-à-dire que la circulation sera intense, très intense même pour les anges entre le ciel et la terre !
- Le 3° point que je retiens, c’est cette parole du Seigneur à Jacob qui se trouvait au cœur de la lecture : « Voici que je suis avec toi ; je te garderai partout où tu iras, et je te ramènerai sur ta terre ; car je ne t’abandonnerai pas avant d’avoir accompli ce que je t’ai dit. » Il faudrait avoir du temps pour commenter chaque élément de cette promesse, je ne peux pas le faire, je vous laisse le travail à faire dans un moment de méditation. Mais gardons ces paroles gravées dans nos cœurs en ce début de retraite : « Je suis avec toi, je te garderai partout où tu iras, je te ramènerai sur une bonne terre, je ne t’abandonnerai pas, j’accomplirai toutes mes promesses. » Entendant un tel programme, avec la communauté, nous avons déjà hâte d’entendre les actions de grâce vendredi soir parce que, c’est clair, Dieu promet du lourd ! Mais laissons-lui bien toute la semaine pour agir !
- Le 4° et dernier point, c’est la belle prière que Jacob fait à la fin du texte : « Si Dieu est avec moi, s’il me garde sur le chemin où je marche, s’il me donne du pain pour manger et des vêtements pour me couvrir, et si je reviens sain et sauf à la maison de mon père, le Seigneur sera mon Dieu. » Jacob n’est pas mesuré dans ses demandes, puisque Dieu a beaucoup promis, lui il demande beaucoup. Ce n’est pas mal élevé de se comporter ainsi avec Dieu, au contraire, il aime bien ! Rappelons-nous, c’était l’audace de la petite Thérèse qui ne s’était pas encombrée avec les bonnes manières devant une boite d’objets que l’une de ses sœurs présentait aux autres pour qu’elles choisissent ce qui leur ferait plaisir : moi, je choisis tout, dit la petite Thérèse. Ayons la même audace, pas de bonnes manières avec Dieu !
Venons-en au Psaume, là encore, je ne peux pas le commenter, faute de temps et puis, les psaumes se prient plus qu’ils ne se commentent. Mais reprenez-le dans votre méditation. C’est le psaume 90 dans la liturgie, 91 dans vos Bibles. Quelle belle attitude pour bien vivre cette retraite nous était décrite dans les premiers versets que nous avons lus : Se tenir sous l’abri du Très-Haut, reposer à l’ombre du Puissant, dire au Seigneur : mon refuge, mon rempart, mon Dieu, dont je suis sûr ! Oui, commençons tous en entrant dans ces attitudes et en redisant cet acte de foi : Mon Dieu dont je suis sûr ! Et écoutons la réponse de Dieu, ce que Dieu promet à ceux qui entreront dans cette attitude : « Puisqu’il s’attache à moi, je le délivre ; je le défends, car il connaît mon nom. Il m’appelle, et moi, je lui réponds ; je suis avec lui dans son épreuve. » C’est magnifique !
Quant à l’Evangile, il a sûrement un air de déjà entendu puisque c’est celui que nous avons entendu dimanche, il y a une semaine, mais c’était dans la version donnée par l’Evangile de Marc, alors qu’aujourd’hui, c’était la version de Matthieu. Pour moi, cet Evangile avec les deux miracles imbriqués contient encore de belles promesses qui ne font que confirmer ce que je disais : Dieu promet d’envoyer du lourd cette semaine ! Il y a d’une part la résurrection de la fille de ce notable dont on ne connait pas le nom dans cette version et il y a la guérison de cette femme qui voyait sa vie comme la quitter peu à peu. Peut-être que certains se reconnaissent bien dans ces situations et sont venus pour ça, pour que le Seigneur ressuscite la joie, la foi, la confiance dans leur vie, pour qu’il les guérisse de ce qui semble les pousser inéluctablement vers la mort, qu’il colmate toutes les fuites en eux qui les empêche de garder les grâces qu’ils reçoivent. Chacun pourra développer ces images en fonction de sa situation. Eh bien, avec cet Evangile en début de retraite, c’est comme si le Seigneur nous disait : tu as bien fait de venir, je vais m’occuper de toi !
Je me rappelle, quand j’étais Responsable de la Pastorale des Jeunes dans mon diocèse, une fille d’un des groupes que j’animais était partie vivre un temps en Inde auprès de mère Térésa. Elle m’avait envoyé une carte avec cette phrase de mère Térésa : « Ne laissez personne venir à vous et repartir sans être plus heureux. » Bon, mère Térésa, elle y parvenait sûrement assez souvent, vous et moi, nous n’y parvenons pas toujours, mais il y en a un avec qui ça marche à tous les coups, c’est Jésus ! Et cet Evangile nous le montre bien : ce notable et cette femme sont repartis plus heureux et même très heureux d’être venus à Jésus. Et c’est comme ça dans tout l’Evangile, les pauvres, les petits, les malades, les exclus, ceux dont la vie était un enfer, ceux qui, d’une manière ou d’une autre, perdaient la vie, tous ceux-là, ils avaient compris qu’en approchant Jésus, ils ne repartiraient pas comme ils étaient venus. Du coup, ils étaient prêts à tout pour le rencontrer. Ce notable, il avait dû faire du chemin pour aller chercher Jésus ; cette femme, elle avait dû braver tous les interdits pour oser s’approcher de Jésus, en effet, normalement une femme qui avait des écoulements de sang ne pouvait approcher personne et surtout pas un homme. Mais ils étaient prêts à tout puisqu’ils savaient qu’une rencontre avec Jésus porte toujours de beaux fruits. Et c’est vrai, Jésus n’a jamais laissé quelqu’un venir à lui et repartir sans qu’il ne soit plus heureux, libéré, restauré dans sa dignité, guéri, réintégré, renouvelé dans sa foi et son enthousiasme… on pourrait continuer la liste de tous les bienfaits opérés par une rencontre avec Jésus.
Eh bien, j’espère que vous croyez ce que dit la lettre aux Hébreux quand elle affirme que « Jésus est le même hier, aujourd’hui et à jamais. » Hb 13,8 Rappelez-vous, c’était le slogan du grand jubilé de l’an 2000. C’est-à-dire que ce que Jésus a fait, il y a 2000 ans pour ceux qui venaient le voir ou pour ceux que lui, il avait décidé d’aller voir, il reste capable de l’accomplir aujourd’hui. « Jésus est le même hier, aujourd’hui et à jamais. » Les merveilles accomplies hier, il peut et il veut les accomplir aujourd’hui, il ne demande qu’une chose pour les réaliser : que nous reconnaissions nos faiblesses, nos pauvretés, nos fêlures tout en croyant à sa puissance d’amour.