30 mai : mardi 8° semaine temps ordinaire Avec Dieu nous ne sommes pas dans des négociations de marchands de tapis !

Nous avons entendu en 1° lecture un extrait du livre de Ben Sira, le Sage et vous savez qu’il y a deux autres appellations possibles pour désigner le livre de Ben Sira, selon les Bibles, il peut aussi s’appeler « le Siracide » ou « l’Ecclésiastique » qu’il ne faudra pas confondre avec un autre livre qui, lui s’appelle « l’Ecclésiaste » ou le livre de Qohéleth. Voilà pour la précision de vocabulaire ! Comme son nom l’indique ce livre de Ben Sira dit « le Sage » est un livre de Sagesse écrit vers 200 avant Jésus-Christ. C’est dire que la Révélation a déjà bien progressé puisque depuis des siècles, les prophètes, au nom de Dieu, ont aidé le peuple à mieux comprendre qui est Dieu et comment on entre en relation vraie avec lui. `

Et, dans ce passage, on voit très bien que la révélation a avancé puisque Ben Sira va commencer à remettre en cause ce pilier du judaïsme qu’est le système des sacrifices. Dans le judaïsme, mais comme dans toutes les religions de l’époque, il y avait cette idée bien ancrée que les faveurs de Dieu se paient. Si tu veux obtenir de Dieu une grâce, tu ne peux pas te présenter les mains vides pour demander cette grâce. Et plus ce que tu demanderas sera important, plus il te faudra offrir quelque chose de valeur. Pour une petite grâce, une tourterelle, pour une grâce moyenne, une brebis et pour une grande grâce, un bœuf ! 

C’est ainsi que le Temple était devenu un véritable marché aux bestiaux dégageant des bénéfices considérables pour ceux qui travaillaient dans ce bisness. Cela générait aussi des bénéfices considérables pour les changeurs de monnaie, car il fallait utiliser la monnaie du Temple. Enfin, les prêtres, eux-mêmes avaient leur part du gâteau puisqu’ils touchaient pas mal de dividendes en nature. Les sacrifices étaient pour Dieu, mais, comme vous pouvez le constater, un bon nombre de personnes avaient tout intérêt à entretenir le système !  

Plus tard, nous verrons que, ce bisness d’une part et la mentalité qu’entretenait ce système ne plairont pas du tout à Jésus parce qu’il ne voulait pas qu’on trafique avec Dieu. Il ne pouvait pas supporter l’idée que Dieu ferait payer les grâces qu’il accorde, que Dieu ferait payer son amour qu’il répand si largement et gratuitement. C’est donc pour cela qu’il va prendre un coup de sang, renverser les tables des changeurs et libérer les bêtes pour purifier le Temple. Mais, en agissant ainsi, c’était surtout la religion qu’il voulait purifier de cette conception si fausse de Dieu. Dieu n’est pas un marchand de tapis avec qui il faudrait négocier pour obtenir les meilleures grâces au meilleur prix !

Comme nous le constatons dans la 1° lecture, Jésus n’aura donc pas été le 1° à remettre en cause ce système, Ben Sira l’avait fait 200 avant lui et pour être tout à fait honnêtes, les prophètes avaient déjà commencé à le faire. Nous avons entendu dans la 1° lecture ces paroles si fortes : « N’essaye pas de l’influencer par des présents, il ne les acceptera pas ! » Si vous avez écouté avec attention, vous pourriez me dire : oui, mais il y avait aussi cette parole qui semble contredire ce que vous venez d’expliquer : « Ne te présente pas devant le Seigneur les mains vides. »C’est vrai ! Mais justement, Ben Sira va dire que Dieu ne s’intéresse pas à ce qu’on lui offre habituellement, ce que Dieu attend, c’est tout autre chose. Ecoutez comme c’est révolutionnaire pour l’époque ce que dit Ben Sira : « On obtient la bienveillance du Seigneur en se détournant du mal ; on offre un sacrifice d’expiation en se détournant de l’injustice. » 

Du coup, Ben Sira va expliquer de manière très concrète comment remplacer les sacrifices de bestiaux par des sacrifices qui plaisent bien plus à Dieu, il semble donner un tableau de concordance pour qu’on trouve l’équivalence des valeurs : « C’est présenter de multiples offrandes que d’observer la Loi ; c’est offrir un sacrifice de paix que s’attacher aux commandements. C’est apporter une offrande de fleur de farine que se montrer reconnaissant ; c’est présenter un sacrifice de louange que faire l’aumône. » 

Nous pourrions légitimement nous demander : mais en quoi ça nous concerne ces vieilles histoires ? Ça fait belle lurette que nous sommes sortis de la religion des sacrifices ! Oui, sans doute, mais sommes-nous vraiment sortis du donnant-donnant dans notre relation avec Dieu ? N’agissions-nous pas, dans nos relations avec Dieu, comme des marchands de tapis ? Et j’oserais presque dire que nous sommes pires que les juifs. Parce que les juifs, eux ils payaient avant, ils payaient pour recevoir … alors que nous, nous promettons de payer après seulement si le Seigneur aura effectué la livraison des grâces demandées ! Si tu m’accordes telle grâce, je ferai ceci ou cela, on promet de payer, mais après … pas fou, comme ça, si ne marche pas, on ne doit rien ! Comme nous avons du mal à croire en la gratuité de l’amour de Dieu sur lequel nous avons médité longuement. 

Dieu ne demande rien pour nous donner son amour et, quand il l’a donné, il n’exige rien en retour. L’amour de Dieu est gratuit ! Dès l’office de Laudes, ce matin, nous l’avons entendu dans la Parole à travers ces si belles paroles d’Isaïe : « Vous tous qui avez soif, venez, voici de l’eau ! Même si vous n’avez pas d’argent, venez acheter et consommer ; venez acheter du vin et du lait, sans argent et sans rien payer. » 

Et finalement, avec l’Evangile, nous restons bien dans ce même thème de la gratuité. Pierre qui est le capitaine de l’équipe apostolique s’avance pour négocier les primes de match ! « Et nous avons tout quitté pour te suivre, qu’est-ce qu’on aura de plus que les autres ? » Pierre a bien du mal à vivre dans le registre de la gratuité, il est dans le donnant-donnant : on a beaucoup donné puisqu’on a tout quitté, il serait donc normal que nous recevions beaucoup plus que les autres ! Et alors, je trouve la réponse de Jésus d’une infinie délicatesse ! Jésus ne s’énerve pas en disant à Pierre qu’il n’a rien compris et qu’il ne comprendra jamais rien ! Non, il répond à Pierre en utilisant son registre : tu veux plus et moi je te dis que non seulement tu auras plus, vraiment plus, mais je te dis que tu as déjà tout puisque tu m’as, moi ! Puissions-nous être convaincus qu’en ayant Jésus, nous avons tout !

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