7 janvier : dimanche de l’épiphanie : est-on bien sûr de cette histoire ?

Cet épisode des Mages est sans doute celui qui a été le plus enrichi par l’imagination de la Tradition au cours des siècles ! Il faut dire que le récit est d’une sobriété telle que la curiosité naturelle qui nous anime tous reste sur sa faim. En écoutant le texte, vous aurez remarqué, que nous ne savons pas combien étaient ces mages et qu’à aucun moment, ils ne reçoivent le titre de roi. C’est la tradition qui parlera de 3 personnages et la raison est bien simple, c’est en raison des 3 cadeaux : or, encens et myrrhe. Oui, mais il y aurait très bien pu avoir deux mages qui offrent de l’or, 3 de l’encens et 4 de la myrrhe ! C’est Origène, à la fin du 1° siècle qui tranchera en fixant à 3 le nombre des mages. Un peu avant, Tertullien, les avait désignés comme des rois en référence à ce passage de l’Ecriture, plus précisément dans les Psaumes qui disait : Tous les rois se prosterneront devant lui, toutes les nations le serviront (Psaumes 72, 10-11) Enfin, c’est au 6° siècle qu’un nom et une origine sera donnée à chacun de ces mages. C’est ainsi que Melchior, celui qui nous ressemble le plus par son teint, sera représenté sous les traits d’un homme mûr qui offrira l’or à Jésus ; Gaspard, venu d’Asie, représenté par un homme encore jeune offrira l’encens à Jésus quant à Balthazar, venu d’Afrique, un « koushit » comme on disait à l’époque, lui, il offrira la myrrhe.

J’espère que votre curiosité est satisfaite par toutes ces données ! Seulement, voilà, en entendant cela, assez vite une question peut monter à vos esprits : mais si tout a été rajouté par la Tradition, quelle assurance avons-nous que l’événement, lui-même, a bien eu lieu ? On est prêt à ne pas s’offusquer sur le nombre, ni sur le nom, ni sur l’origine des Mages, mais est-ce qu’il y a bien eu des Mages qui sont venus ? Ça, il faudrait quand même en être sûr ! Parce que cet événement a une portée considérable dans le mystère du Salut et c’était magnifiquement formulé par Paul dans la 2° lecture : Ce mystère, c’est que toutes les nations sont associées au même héritage, au même corps,

au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus. Quelques années après la mort de Jésus, quand la question de l’intégration des païens dans l’Eglise se posera, j’imagine qu’on a dû se référer à cet épisode des Mages pour dire que, dès le début, la mission de Salut initiée par Jésus avait une dimension universelle. C’était absolument incontestable et l’épisode de Pierre chez Corneille ne venait que confirmer cette orientation que Dieu a choisie de donner dès le début avec cette visite des Mages à la crèche… mais pour cela, encore fallait-il être sûr que l’événement ait bien eu lieu !

Benoit XVI- Joseph Ratzinger, dans son excellent livre sur Jésus de Nazareth fait le point sur les recherches scientifiques qui ont été menées pour prouver le caractère historique de l’événement. Et il donne deux arguments, l’un concernant les mages et l’autre concernant l’étoile que je développe.

  • Les Mages, derrière ce nom on peut classer des hommes très différents. Les experts s’accordent pour dire que ces mages étaient des savants possédant une culture religieuse, philosophique et scientifique. Avec un tel profil, on comprend qu’ils aient eu envie de faire le voyage pour découvrir ce qu’un signe du ciel semblait leur indiquer.
  • Mais ce sont, sans doute, les recherches scientifiques menées autour de ce signe venu du ciel qui sont les plus intéressantes pour notre sujet. D’abord, on sait aujourd’hui, de certitude sûre, qu’à l’époque, il y avait à Babylone un centre astronomique qui commençait à décliner mais qui comportait encore de bons observateurs du ciel. On a retrouvé dans les fouilles des tablettes en terre cuites, datant de cette époque, recouvertes de calculs astronomiques. Et on sait aussi que, précisément à cette époque, et ça, on peut le dater de manière assez fiable par des calculs d’astronomie, il y a eu dans le ciel un phénomène étonnant que les astronomes décrivent ainsi : une grande conjonction de Jupiter et de Saturne dans le signe zodiacal du poisson avec un phénomène de supernova qui se rajoute. C’est peut-être de l’hébreu pour vous, ça l’est aussi pour moi ! Vous me permettrez donc de ne pas développer plus ! Les curieux, les passionnés d’astronomie (attention, pas d’astrologie !) si vous voulez en savoir plus, lisez le livre de notre ancien pape qui s’intitule « Jésus de Nazareth » !

Voilà donc ce que je pouvais vous transmettre concernant l’historicité de ce récit des Mages et vous avez compris qu’il y a un grand enjeu à montrer que ce n’est pas une invention, même si la tradition a brodé ensuite sur un événement réel mais sur lequel St Matthieu avait donné trop peu de détails.

Maintenant, j’aimerais plus m’intéresser à la portée de ce texte d’Evangile, et, là, nous nous sentirons tous concernés même ceux qui ne sont pas des fans de la recherche de preuves sur l’historicité des textes d’Evangile ! Dans ce texte d’Evangile, il y a 3 catégories de personnes qui nous sont présentées : Les Mages, les scribes et prêtres du Temple et enfin Hérode. Regardons leur posture pour comprendre en quoi ils peuvent nous aider à vivre notre foi.

1/ Commençons donc par les Mages puisque ce sont eux les héros du jour ! Le texte d’Evangile nous dit qu’ils se sont mis en route parce qu’ils ont vu une étoile, signe qu’ils scrutaient le ciel. Pas étonnant, me direz-vous pour des astronomes, c’est vrai, mais ils n’étaient pas qu’astronomes, ils étaient aussi des religieux instruits et des philosophes avertis. Mais, comme on le voit, ils n’ont pas la science orgueilleuse, ils n’ont pas essayé de faire entrer ce phénomène étrange dans les catégories de ce qu’ils savaient déjà. Manifestement, ce qui était en train de se passer les obligeait à sortir de leurs certitudes, alors ils se mettent en route, ils doivent aller voir pour comprendre. Et arrivés à Jérusalem, ils acceptent d’en référer aux responsables religieux, ils ne trouveront pas tout, ils ne comprendront pas tout en ne s’appuyant que sur eux. Ayant eu les renseignements, ils partent à Bethléem, arrivés là-bas, ce qu’ils découvrent ne les rend pas furieux ; ils ont fait tant de chemin pour voir une scène d’une banalité affligeante : un bébé dans les bras de sa maman ! Ils sont sûrement surpris, mais pas déçus, alors ils se prosternent en signe d’adoration et offrent leurs précieux cadeaux. Quelle belle attitude qui nous invite à ne pas enfermer Dieu dans notre savoir, à rester ouverts à l’inattendu qu’il veut faire surgir pour nous emmener toujours plus loin.

2/ Les scribes et les prêtres. Alors, eux, ce sont les antithèses des Mages ! Eux, ils savent, ils n’ont donc aucune difficulté à répondre à la question des Mages : c’est à Bethléem que devait naître le Messie, ils le savaient depuis toujours ! Et voilà que d’éminents personnages viennent leur dire qu’ils ont fait beaucoup de chemin parce qu’ils avaient de bonnes raisons de croire que ce roi attendu, ça y est, il était né. Que croyez-vous qu’ils fassent ces plus hauts dignitaires de la religion juive ? Eh bien, ça parait impensable, mais ils ne font rien ! Ils ne se mettent pas en route avec les mages, ils auraient au moins pu leur proposer de les guider car, eux, ils savaient comment aller à Bethléem, mais non, ils ne font rien ! Peut-être pensent-ils que si le Messie était vraiment né, Dieu les aurait quand même prévenus, eux qui sont les personnages les plus importants de la religion juive. Prions pour ne jamais leur ressembler ! Que nous ne soyons jamais des chrétiens installés, des chrétiens immobiles, incapables de bouger ni dans nos têtes, ni avec nos pieds ! 

3/ Quant à Hérode, c’est un bien triste individu. Dans l’annonce que lui font les Mages, il ne retient qu’une seule chose : son trône est menacé puisqu’un concurrent vient de naître ! Il a déjà fait supprimer tous ses concurrents potentiels, j’en avais parlé le jour de la fête des Saints Innocents : il a fait noyer son beau-frère, assassiner son beau-père, puis assassiner un autre beau-frère, ensuite c’est sa femme qu’il fait tuer et, même trois de ses enfants, le dernier étant supprimé juste 5 jours avant sa mort. Hérode, le pouvoir absolu l’a rendu fou, la religion, elle ne l’intéressait que dans la mesure où il pouvait en tirer des bénéfices, c’est un opportuniste sans foi ni loi ! Nous pouvons aussi prier pour ne jamais lui ressembler ! Mais il y a quand même peu de risques que nous finissions en ayant un cœur aussi noir que le sien ! Cependant, nous pouvons quand même nous interroger pour voir si, comme lui, nous ne nous servons pas un peu trop souvent de la religion, de la foi en ne prenant que ce qui nous arrange, en ne faisant que demander sans donner grand-chose.

Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce de repartir de cette messe, comme les Mages, par un autre chemin, c’est-à-dire en quittant tous les chemins qui nous conduisent à des impasses mortifères et en prenant résolument le chemin qui nous conduira à la rencontre du Seigneur. Demandons à Notre Dame de Laghet d’accepter par avance, que sur ce chemin, le Seigneur puisse se révéler à nous comme il le voudra, quand il le voudra pour nous emmener toujours plus loin jusqu’au jour où nous ne le quitterons plus.

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