30 mars : Innocente acquittée, juste condamné … Seigneur, vraie lumière !

Lire cette la 1° lecture dans son bureau ou à la chapelle en prenant un temps de médiation, c’est une chose, lire cette lecture dans les jours qui nous préparent à la semaine sainte, c’est autre chose ! Parce qu’en filigrane de ce procès de Suzanne, c’est déjà le procès de Jésus qu’il nous est donné de lire. Et alors, nous voyons mieux le drame se dessiner : on a pu sauver une innocente, mais on ne sauvera pas le Juste ! Suzanne est innocente de ce péché que ces vieillards lubriques veulent lui faire endosser, tellement furieux de ne pas avoir pu parvenir à leurs fins, mais une chose est d’être innocente, et c’est tout autre chose que d’être juste. Car Suzanne, comme chaque être humain, est pécheresse, certes, elle est innocente de ce péché, mais pas de tout péché. Alors que Jésus, lui, il est le seul véritable juste puisqu’il est innocent de tout péché. Et voilà le drame : l’innocente a été sauvée, ce qu’elle méritait amplement, mais le Juste a été condamné, ce qu’il ne méritait vraiment pas.

Suzanne a été sauvée grâce à l’intervention de Daniel qui a eu le courage de monter en 1° ligne pour rappeler les principes essentiels de la Loi : on ne peut condamner sans juger en veillant à ce que le jugement soit juste. Suzanne a bénéficié du soutien de Daniel, un jeune homme qui était un inconnu pour elle, Jésus ne bénéficiera du soutien de personne alors qu’il était connu par tant de personnes qui avaient pu bénéficier de son ministère de Salut. Personne ne lèvera le petit doigt pour que le Juste puisse échapper à ce procès et à la condamnation injustes. Personne, pas même l’un de ses apôtres, personne ne prendra le moindre risque pour lui au moment du procès. L’innocente a été sauvée par le courage d’un jeune homme, le juste sera condamné parce que tout le monde va se défiler, pris par la peur. Quel drame !

Evidemment, nous n’avons pas à juger ceux qui n’ont pas osé lever le petit doigt car qu’aurions-nous fait si nous avions été là-bas à ce moment-là ? Tous, il nous est arrivé de nous défiler, de ne pas oser intervenir en voyant une injustice autour de nous, dans la vie communautaire par exemple ou de manière plus lointaine, dans notre société ou dans un coin du monde. Souvent en allant un peu trop vite, nous nous justifions en disant que nous n’y pouvons rien ou que nous ne savons pas quoi dire, pas quoi faire … Le rappel de toutes nos lâchetés nous invite non seulement à ne pas juger tous les amis de Jésus de l’époque, mais il nous invite aussi à oser reconnaître notre part de responsabilité dans ce silence de lâcheté, silence assourdissant qui conduira à la condamnation de Jésus. 

Et nous savons comment Jésus traitera tous ces lâches et particulièrement Pierre, le premier d’entre eux ! Sa miséricorde à lui, Jésus, viendra rencontrer la misère de Pierre et c’est ainsi que Pierre pourra devenir plus miséricordieux en gardant le souvenir de sa misère miséricordiée ! Qu’il en soit ainsi pour nous ! Qu’à l’approche de ces jours saints, où notre prière va s’intensifier, il nous soit donnée la grâce de voir un peu mieux notre misère et de la présenter à sa miséricorde pour que, miséricordiés, nous vivions toujours plus dans la gratitude pour cette miséricorde divine et devenions toujours plus miséricordieux à l’égard des autres.

Une fois n’est pas coutume, je voudrais m’arrêter sur le psaume, ce si beau psaume mais que je ne peux plus écouter simplement comme un très beau chant spirituel depuis une expérience que j’ai vécue en Afrique du Sud. J’avais eu la chance, en 1990, de faire un voyage qu’on appelait voyage d’immersion. Nelson Mandela avait été libéré juste quelques semaines avant notre arrivée. Pour bien tout comprendre, il faut se rappeler le contexte politique de l’époque.

Le pouvoir blanc était en place et avait installé l’apartheid, cette séparation drastique et raciste entre les noirs et les blancs. Le problème c’est que les noirs étant beaucoup plus nombreux que les blancs, 80% de noirs, 20% de blancs, représentaient une menace pour les blancs. Ils avaient donc appliqué le vieux principe : diviser pour mieux régner. Comme l’ANC de Nelson Mandela était devenu trop puissant, même au temps de sa détention, le pouvoir blanc a créé un parti noir, l’Inkatha qui pourrait devenir concurrent de l’ANC en soudoyant un chef de tribu qui en a pris la tête, Buthélézy. Et, pour tenter de ravir le leadership à l’ANC, l’Inkatha s’était mis à massacrer les militants de l’ANC : pour les blancs, c’était gagné, ils avaient divisé pour mieux régner ! Maintenant que vous savez ça, je peux vous raconter ce qui nous est arrivé.

Nous avions été invités à visiter un centre pastoral de l’Eglise anglicane dans une petite ville dont j’ai oublié le nom. Quand nous sommes arrivés, nous avons été accueillis dans une des salles et j’ai bien trouvé qu’il y avait deux détails étonnants : il n’y avait que des femmes et, le long des murs, il y avait des matelas, manifestement, cette salle avait été transformée en centre d’accueil. Le groupe des femmes, comme on le fait en Afrique nous a accueillis en chantant. J’ai vu que celui qui nous guidait avait des larmes qui coulaient en entendant ce chant. J’ai compris d’où lui venait cette émotion. 

Il nous a expliqué que ces femmes, en guise de chant de bienvenue, venaient de nous chanter le psaume 22, ce psaume 22 que nous venons d’entendre. Sur le moment, nous n’avons pas compris, nous pensions juste que ces femmes étaient pieuses pour puiser dans le répertoire religieux leur chant de bienvenue. Mais, en fait, il nous a expliqué que ces femmes logeaient dans cette salle parce qu’elles avaient tout perdu. Leur village était un village ANC et l’Inkatha était venu faire une expédition punitive, ils avaient brulé toutes les maisons, c’est pour cela qu’elles étaient venues s’installer dans cette salle paroissiale, l’Inkatha avait aussi tué tous les hommes, c’est pour cela qu’il n’y avait plus que des femmes et celle qui avait chanté en soliste, on lui avait découpé son enfant sous les yeux car son mari était le chef. Et elle, cette maman veuve et ayant perdu son enfant, accompagnée de toutes les autres veuves, elles nous chantaient : Le Seigneur est mon berger : je ne manque de rien ! Elles venaient de tout perdre, mais en chantant, elles affirmaient que, jamais, on ne leur prendrait Jésus et que, tant qu’elles avaient Jésus elles pourraient tenir. Ce jour-là, j’ai senti combien ma foi était encore petite ! Qu’ils nous font du bien ces témoignages et, en ces jours, ils nous montrent la fécondité du don de Jésus qui n’a pas donné sa vie pour rien !

Cette publication a un commentaire

  1. Wilhelm Richard

    La miséricorde de Dieu de Mandela … Et vous la recevrez pour mieux la redonner au prochain.
    Un virus (invictus ?) forcement gagnant, une belle contagion par les temps qui courent..

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