31 août : mercredi 22° semaine ordinaire. La lettre aux Corinthiens, une problématique si actuelle !

Dans la 1° lecture, nous poursuivons la lecture de la 1° épitre aux Corinthiens, épitre dont la lecture commençait pendant la retraite des lycéens, mais que nous avons peu entendue. En effet, pour éviter la série des Evangiles sur les « malheur à vous scribes et pharisiens » on a pris chaque jour une messe votive ou alors c’était une fête qui nous sauvait en nous proposant des lectures plus appropriées au public des jeunes. Cette semaine étant plus calme, nous sommes revenus aux textes proposés habituellement, donc cette 1° lettre aux Corinthiens, et puisque la lecture de cette 1° lettre va nous occuper encore 3 semaines, je me suis dit qu’il ne serait pas inutile de vous donner quelques repères pour mieux la comprendre.

Par le livre des Actes (Ch.18), nous savons que Paul a fondé cette communauté après l’échec retentissant de sa prédication à Athènes. Les débuts n’ont pas été faciles même si d’emblée, il a trouvé le soutien de Priscille et Aquillas. Il a failli repartir presque aussi vite qu’il était venu à cause d’un nouvel échec de sa prédication à la synagogue, échec qui ravivait le souvenir douloureux d’Athènes. Pour que, finalement, il accepte de rester, il faudra que le Seigneur lui donne une vision dans laquelle il l’entendra lui dire : « Sois sans crainte : parle, ne garde pas le silence. Je suis avec toi, et personne ne s’en prendra à toi pour te maltraiter, car dans cette ville j’ai pour moi un peuple nombreux. » Ac 18,9-10 Et il obéira à cette vision, le texte mentionnant jusre après qu’il séjourna un an et demi à Corinthe enseignant la parole de Dieu. C’était dans les années 50 à 52 et c’est en 56 qu’il écrira cette lettre, écriture rendue nécessaire suite à un certain nombre de difficultés et de questions délicates et essentielles qui lui sont parvenues.

La communauté de Corinthe était une belle communauté mais pas simple à manager ! Il y a plusieurs raisons, j’en souligne deux. 

  • D’abord sa composition, Corinthe était une grande ville portuaire avec de nombreux esclaves nécessaires au chargement et déchargement des bateaux. Du coup, la composition de la communauté va être à l’image de la ville : il y aura des très riches et des très pauvres dont un bon nombre d’esclaves. On pourrait se dire que c’est merveilleux cette mixité sociale. Oui, sans doute, mais ce n’est pas sans problème, on en aura un écho dans la manière dont se célébrait l’Eucharistie où les riches se dépêchaient de manger le repas pré-eucharistique pour ne pas avoir à partager avec les pauvres quand ils arriveraient, plus tard, après leur travail harassant. Paul aura des paroles vigoureuses, disant aux riches qu’en agissant ainsi, lorsqu’après ce repas, ils communiaient au cours de la liturgie de la messe, ils mangeaient leur propre condamnation !
  • Et puis l’autre problème, c’est celui de l’inculturation. L’implantation du christianisme dans la culture grecque alors qu’il était né en milieu juif ne sera pas toujours simple. On en a de nombreux échos dans cette lettre qui, sous cet angle, se trouve d’une grande actualité. La question reste toujours posée : jusqu’où ne pas aller trop loin dans l’inculturation, que prendre en le christianisant et que rejeter parce que c’est radicalement incompatible avec la foi ? Dans le domaine de l’éthique, des mœurs, par exemple, nous sommes perpétuellement confrontés à ces questions. A Corinthe, les habitants étaient fascinés par la beauté des raisonnements philosophiques mais aussi par les manifestations extraordinaires que vivaient les adeptes des religions à mystère, les chrétiens, ne vivant pas hors-sol, le seront aussi, au moins certains d’entre eux. Du coup, ils se retrouveront comme des poissons dans l’eau avec tout ce que Paul leur enseignera de la vie charismatique, mais ils tomberont aussi dans certains excès que Paul devra gérer. Et c’est ainsi que, grâce à ces difficultés, nous pourrons recueillir, entre autres, 2 très beaux enseignements de Paul, l’un sur la prédication qui ne s’appuie pas sur le prestige de la sagesse humaine et l’autre sur l’excellence des charismes et leur nécessaire encadrement.

J’arrête là cette présentation générale même s’il y aurait évidemment beaucoup d’autres points à souligner, si vous voulez en savoir plus, lisez l’introduction à cette épitre que vous trouverez dans vos Bibles, elles sont souvent très bien faites, mais, hélas, rarement consultées !

Dans le passage d’aujourd’hui, il est question d’un certain Apollos et de la division qu’a entrainé sa présence dans la communauté. Après son passage, il y avait ceux qui se réclamaient de Paul et ceux qui se réclamaient d’Apollos. Ce problème de division évoqué dans cette épitre la rend encore d’une belle actualité, citez-moi une communauté, une paroisse, un diocèse qui soit à l’abri de ces problèmes de division, de clans ! Qui était cet Apollos ? C’est le livre des Actes qui nous en parle (Ac 18,24ss) en nous disant qu’il était originaire d’Alexandrie, l’une des capitales intellectuelles de l’époque, le livre des Actes nous dit qu’il était éloquent et versé dans les Ecritures. Apollos va arriver à Ephèse dans cette communauté où il y avait un gros problème car les gens, là-bas, n’avaient connu que le baptême de Jean-Baptiste. Très vite conquis par le message de l’Evangile, Apollos met son don d’éloquence au service de l’évangélisation en prêchant. Priscille et Aquillas que Paul avait envoyés dans la région, en l’entendant prêcher, vont se rendre compte qu’il y a un problème, ils vont donc le prendre sous leur coupe pour compléter sa formation. Quand ils se rendent compte qu’Apollos est au point, ils décident de l’envoyer à Corinthe car ils savent que la communauté est tout à la fois enthousiaste et fragile. Apollos a un bon profil pour aider la communauté, ils l’envoient donc avec une lettre de recommandation pour légitimer sa mission. 

Apollos va donc exercer, avec talent, son ministère de prédicateur. Mais voilà, très vite, la communauté va se diviser. Il ne semble pas que ce soit Apollos qui cherche à se constituer une cour, mais les chrétiens vont comparer Paul et Apollos. Apollos est brillant, Paul semblait l’être beaucoup moins. On a en effet cet aparté dans la 2° épitre aux Corinthiens qui nous dit que les lettres qu’il envoyait quand il était absent étaient exigeantes, sévères et que lorsqu’il était présent, il se révélait faible avec une parole pas brillante du tout ! (2Co10,10). Le poison de la comparaison est à l’œuvre dans la communauté ! Vous aurez compris que ce ne sont pas les prédicateurs qui se comparent, qui sont en compétition, ça peut arriver, mais ce n’est pas le cas ici, ce sont les chrétiens qui comparent les prédicateurs. Ils leur décernent des médailles en fonction de leurs propres goûts au lieu d’accueillir ce que l’Esprit peut leur dire car l’Esprit-Saint parle autant à travers une prédication brillante qu’à travers une prédication pauvre pour peu que le prédicateur ait voulu résolument se mettre à son service. 

Paul, ayant eu vent de cela, dans la lettre qu’il adresse à la communauté va donc prendre le taureau par les cornes et dire ce qu’il pense de cette situation. Il ne fait pas une crise de jalousie à l’égard d’Apollos, il veut remettre les choses d’aplomb : vous n’appartenez ni à Paul, ni à Apollos, mais au Christ ! Ce n’est ni Paul, ni Apollos qui ont versé leur sang pour vous sauver mais le Christ. Donc chacun à sa place, le boss, c’est le Christ, Apollos et Paul ne sont que des serviteurs ! Ceci dit, et je trouve ça merveilleux chez Paul, il dit quand même que par rapport à Apollos, il a une place particulière parce que c’est lui qui a planté. Il n’hésitera jamais à revendiquer sa paternité, samedi, dans la lecture, nous entendrons cette affirmation très forte de Paul : « Dans le Christ, vous pourriez avoir dix mille guides, vous n’avez pas plusieurs pères : par l’annonce de l’Évangile, c’est moi qui vous ai donné la vie dans le Christ Jésus. » Paul saura toujours ne rester rien qu’à sa place en reconnaissant sans peine que le boss, c’est le Christ, mais il ne dira jamais dans une espèce de fausse humilité qu’il n’est rien, il reste à sa place, mais occupe toute sa place.

Que la méditation de ces versets nous aide à laisser chacun à sa place en lui donnant toute sa place et qu’elle nous aide, chacun, à rester à notre place en occupant toute cette place ! Je n’ai plus le temps de parler de l’Evangile, mais, comme c’est la suite de l’épisode d’hier, on peut dire que, dans ce texte, Jésus ne fait que déployer le discours programmatique lu à la synagogue de Nazareth avec cette insistance particulière sur la libération qui vient comme authentifier la prédication de l’Evangile. 

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