J’aime tellement cet épisode des serpents dans le désert et, là encore, il me semble tellement parlant dans la situation que nous vivons. Si jamais vous aviez eu quelques distractions dans la lecture, je me permets de le résumer rapidement. Nous sommes dans le désert et le peuple d’Israël en a marre de ce confinement au grand air dans le désert ! Face à cette difficulté du moment, ils vont devenir oublieux, rappelez-vous, il y a quelques jours je nous mettais en garde contre ce grand risque de la vie spirituelle : devenir oublieux ! Ils oublient donc tout ce que Dieu a fait pour eux, pour les sortir de leur esclavage, ils ne voient plus que les problèmes du moment. Alors, comme le dit la Bible dans un doux euphémisme, « ils murmurent » contre Dieu, ce qui signifie qu’ils n’arrêtent pas de rouspéter, de se rebeller, de rendre Dieu responsable de tous les problèmes qu’ils rencontrent.
Avançant dans leur marche au milieu du désert, ils vont arriver dans un coin infesté par le coronavirus, pardon par de serpents très venimeux. Tous ceux qui étaient piqués mouraient, ce fut une hécatombe. Evidemment, comme le font d’ailleurs aujourd’hui quelques esprits peu éclairés ou quelques esprits qui ont tout avantage à donner cette interprétation, ils vont dire que c’est une punition de Dieu. Bon, à l’époque de la traversée du désert, ils avaient des circonstances atténuantes, ils ne connaissaient encore pas tout de l’amour de Dieu, on en était juste aux débuts de la Révélation … nous, nous n’avons pas ces circonstances atténuantes car Jésus nous a tout dit, nous a entièrement révélé l’amour de Dieu. Les hébreux pensaient donc que c’était Dieu qui leur avait envoyé ces serpents pour les punir de leurs incessantes récriminations. Ils vont donc trouver Moïse, tout penaud, regrettant leur comportement infantile, pour qu’il intercède en leur faveur.
C’est ce que va faire Moïse. Et Dieu va intervenir, mais la façon dont il va intervenir est très intéressante et porteuse de leçons pour toute la suite de l’histoire humaine. Dieu dit à Moïse : tu feras un serpent en bronze et tu le fixeras au sommet d’un mât, ceux qui seront piqués n’auront qu’à lever les yeux vers lui et ils ne mourront pas. C’est clair, Dieu n’avait pas envoyé les serpents pour faire mourir, par contre, c’est Dieu qui offre le remède qui sauve la vie et, encore une fois, il s’y prend d’une manière étonnante ! Dieu ne va pas supprimer les serpents, mais il fait en sorte que les serpents n’aient pas la victoire finale. La victoire finale elle reviendra à la Vie, cette vie que les hébreux garderont s’ils regardent vers ce mât quand ils sont piqués.
Gardons bien la leçon à tirer de cet épisode, parce que, de tout temps, les hommes demandent à Dieu de supprimer le mal auquel ils sont confrontés. Mais Dieu ne supprime pas le mal parce que le mal ne vient pas de lui ! La plupart du temps, le mal, il vient de la compromission des hommes avec le Malin.
Ainsi donc, si nous ne voulons plus de mal, c’est le cœur de l’homme qu’il faut changer. Nous ne pouvons pas tout attendre de Dieu comme s’il était un magicien qui pourrait passer à longueur de journée derrière nous pour réparer, avec une baguette magique, tout ce que nous gâcherions. Dieu ne le peut pas, parce que c’est notre liberté qui est en jeu. Or Dieu ne peut pas être Amour s’il ne laisse pas la liberté aux hommes. Est-il pensable de concevoir un Amour qui ne laisse pas l’être aimé libre, vraiment libre ? Hélas, je vous l’accorde, souvent les hommes se servent de ce cadeau de la liberté pour se compromettre avec le mal et il nous faut reconnaître que ça nous arrive, nous aussi, plus souvent qu’à notre tour !
C’est vrai, tous les malheurs ne viennent pas d’une compromission avec le mal. On le voit bien avec le coronavirus. Mais l’ampleur de la pandémie a bien quelque chose à voir avec nos comprissions. Dès le départ, si les chinois n’avaient pas caché le drame pour tenter de ne pas entacher leur dictature, ça ne serait pas allé aussi vite ! Si les pays s’étaient montrés plus vite plus solidaires, au lieu de de se réjouir de n’être pas touchés et de plaindre hypocritement ceux qui enterraient leurs morts. Si tout le monde respectait les règles de confinement. Et puis, si les riches étaient plus généreux pour faire plus de dons, et puis et puis …bref, je pourrais continuer longtemps, il y a bien, dans l’ampleur de cette pandémie une compromission avec le mal. C’est donc à cause de nos compromissions avec le mal que Dieu ne peut pas supprimer le mal. La balle n’est pas dans son camp, elle est dans notre camp !
Par contre, si Dieu ne peut pas supprimer le mal, il peut faire en sorte que le mal n’ait pas le dernier mot. Et c’est bien pour cela qu’il a envoyé Jésus dans le monde, c’est pour que l’amour vienne s’attaquer aux racines du mal. Oui, mais voilà le mal n’a pas voulu s’avouer vaincu comme ça, il a cherché à supprimer celui qui était venu apporter l’Amour comme antidote au venin du mal, il l’a fait mourir sur le bois de la Croix. C’est alors que Dieu a sorti son ultime cartouche : comme il avait demandé à Moïse de dresser un mât qui sauverait tous ceux qui le regarderaient, il a demandé à Jésus de faire de sa mort, au sommet de ce mât de la croix, un ultime acte d’amour qui sauverait tous ceux qui décideraient de le regarder en le suppliant de pardonner toutes leurs compromissions avec le mal. C’est ce mystère d’amour que nous contemplerons la semaine prochaine.
Et c’est pour nous y préparer que nous sont donnés ces derniers jours du temps du carême. Ils doivent, à la fois nous permettre de débusquer toutes nos compromissions avec le mal, c’est à dire demander la lucidité de voir quel mal nous faisons et aussi tout le bien que nous pourrions faire et que nous ne faisons pas ! En même temps, il va nous être proposé, avec de plus en plus d’ardeur, de regarder vers le Christ qui a fait de sa mort un acte d’Amour, de Salut, pour nous, afin que le venin du mal n’ait pas le dernier mot.
Et, pour nous préparer à recueillir les fruits du sacrifice de la croix, n’hésitons pas, nous qui ne sommes pas confinés comme les élèves, à vivre la démarche du pardon sacramentel. Cette démarche nous invite à reconnaître lucidement nos compromissions avec le mal et c’est pour nous aider à la lucidité, à ne pas nous contenter de l’à peu près, que l’Église nous propose la démarche auprès d’un prêtre. Mais c’est aussi et surtout parce qu’il nous faut élever notre regard et notre cœur vers Celui qui a donné sa vie par Amour pour nous que le prêtre est là. Les paroles inouïes du pardon qu’il prononcera attestent que le venin du Mal ne sera pas le poison mortel qui nous entrainera toujours plus bas. Qu’il est grand, qu’il est beau ce mystère de la Foi !