4 février : samedi 4° semaine ordinaire. Quelle pépite dans la lettre aux Hébreux !

Nous arrivons au terme de la lecture de cette lettre aux Hébreux que le grand spécialiste de cet écrit, le cardinal Vanhoye, aimait plutôt appeler l’homélie sacerdotale. Ce changement de titre était important pour lui puisqu’il permettait de montrer que ce texte nous invitait d’une part à accueillir Jésus comme grand-prêtre, offrant, une fois pour toutes, le sacrifice qui nous sauve et dans lequel nous nous replongeons à chaque Eucharistie et d’autre part, le texte nous invite à nous offrir à la suite du Christ Prêtre. Alors, bien sûr, ce texte est une aide précieuse pour les prêtres qui veulent apprendre à se donner toujours plus et mieux, mais il l’est aussi pour vous tous puisqu’à votre Baptême, vous avez tous reçu l’onction qui vous configurait au Christ prêtre, prophète et roi. Prophète parce que le Baptême nous donne la grâce de parler au nom de Dieu ; Roi, parce que le Baptême nous donne de la grâce de gouverner notre vie, donc de nous maitriser, mais aussi de nous mettre au service de nos frères ; et enfin prêtre, parce que le Baptême nous donne la grâce de faire de nos vies une éternelle offrande, comme le dit la Prière Eucharistique 3 et de conduire à Dieu.

La finale de cette homélie sacerdotale que nous venons d’entendre est de toute beauté pour nous aider à vivre cette dimension sacerdotale de notre Baptême, à comprendre comment nous pouvons toujours plus ou mieux nous offrir. C’est bien ce que disait le 1° verset de la lecture : en toute circonstance, offrons à Dieu, par Jésus, un sacrifice de louange. Je laisse tomber la 1° partie qui donnait une série de conseils pour nous aider à trouver les attitudes extrêmement concrètes qui nous permettront de nous offrir. C’est la 2° partie qui m’intéresse plus parce qu’elle renferme une véritable pépite, elle nous donne le secret qui nous permettra de nous offrir mais sans nous vider. 

Parce que c’est bien beau de s’offrir, de tout donner, mais si à force de nous donner, nous devenons secs, les autres ne pourront pas apprécier notre don, ils ne pourront pas être nourris par cette offrande de nous-mêmes, généreuse peut-être, mais sans fécondité puisqu’à force de nous donner, nous nous sommes desséchés, ratatinés. J’aime beaucoup cette parole du père Chevrier, ce prêtre lyonnais, fondateur du Prado, une parole que je cite souvent dans les retraites que je prêche aux prêtres, il disait : le prêtre est un homme mangé, mais il rajoutait malicieusement : oui, mais encore faut-il qu’il soit du bon pain ! On peut dire la même chose des membres de Foyer et des parents et de tous ceux qui veulent se donner généreusement : nous sommes mangés … oui, mais écoutons l’Esprit-Saint nous interroger malicieusement : très bien, mais es-tu sûr d’être du bon pain ? 

Le suspens a assez duré, elle est où cette pépite dans la lecture ? Eh bien, elle n’est pas facile à trouver en raison de la manière dont le lectionnaire liturgique a traduit ce verset. Vous avez entendu dans la lecture : que Dieu vous forme en tout ce qui est bon pour accomplir sa volonté. Quand on entend ça, on se dit : une formation de plus ! Des formations, on en a tous suivi, plus ou moins, mais on peut faire le constat que, hélas, elles n’ont pas toujours changé radicalement nos manières de faire. Alors, là, d’accord, le formateur, c’est Dieu, lui-même, le texte disait que Dieu allait nous former en tout ce qu’il nous fallait pour accomplir sa volonté donc, avec Dieu comme formateur, ça sera forcément le top ! Oui, mais le problème, c’est que moi, je reste moi et que moi, mis à part pour les orgueilleux aveugles, moi, ce n’est pas toujours brillant, moi, je ne suis pas toujours suffisamment malléable, je ne suis pas ce que je voudrais être.

En fait, le texte ne dit pas que Dieu nous forme en tout ce qui est bon pour accomplir sa volonté. En lisant le cardinal Vanhoye, j’ai découvert qu’il disait : Dieu forme en vous tout ce qui est bon pour accomplir sa volonté ! Si vous avez été attentifs à la nouvelle formulation, il n’y a aucun mot de changé, simplement le « vous » a changé de place. Version liturgique : Dieu vous forme, version cardinal Vanhoye : Dieu forme en vous tout ce qui est bon pour accomplir sa volonté ! Ce petit changement change tout, enfin de mon point de vue ! Quand on dit que Dieu nous forme pour que nous devenions capables d’accomplir sa volonté en toutes choses, cette formation arrive comme une action extérieure. Alors, certes, elle va être très belle, comme le sont la plupart des formations, mais comme je le disais, moi, je reste moi ! L’auteur de la lettre aux Hébreux l’avait bien compris. 

C’est pour cela qu’il dit que Dieu forme en nous tout ce qui est nécessaire pour que nous puissions accomplir sa volonté. Nous le savons, cette volonté de Dieu à accomplir au quotidien, elle exige souvent un dépassement de nous-mêmes dont nous sommes absolument incapables par nos propres forces. Et même un bon coaching opéré par Dieu, lui-même, ne sera pas suffisant parce qu’il restera toujours une action extérieure. Du coup, ce n’est plus par une action extérieure que Dieu intervient, mais par une transformation intérieure. Bien sûr, il ne fera rien sans que nous le lui demandions et pour le demander, il faut souvent avoir touché du doigt, de manière douloureuse, nos propres limites. Alors, nous demanderons, nous supplierons et Dieu fera en nous ce qui est nécessaire pour que nous parvenions à accomplir sa volonté non plus en serrant les dents mais en comptant sur Lui.

Si l’épitre aux Hébreux a été placée dans le corpus paulinien alors qu’elle n’est pas de Paul, c’est parce qu’elle est quand même traversée par la théologie paulinienne. Dans tout ce que je viens de dire, nous reconnaissons bien l’aveu de Paul en Rm 7 : le bien que je voudrais faire, je ne le fais pas assez souvent et le mal que je ne voudrais pas faire, je le fais trop souvent. Oui, ça, c’est moi, c’est vous, c’est nous, nous qui voudrions, comme le dit l’épitre aux Hébreux accomplir parfaitement la volonté de Dieu en nous offrant totalement. C’est ce que nous promettons chaque matin, notamment dans la prière de consécration, et, le soir, au cours de notre examen de conscience, pour le dire positivement, nous constatons qu’il y a encore une bonne marge de progression possible ! Ça pourrait finir par nous déprimer à la longue. 

Eh bien, pour que nous ne chantions pas, toute notre vie, comme des déprimés « j’voudrais bien, mais j’peux point » Dieu a décidé de faire pour nous quelque chose d’extraordinaire. Il a décidé de venir opérer en nous la transformation nécessaire pour que, ce que nous voulons, devienne plus souvent ce que nous faisons : Dieu forme en vous tout ce qui est bon pour accomplir sa volonté ! Encore une fois, il ne le fera que si nous le lui demandons, que si nous acceptons de nous laisser faire. Et, je le redis, pour cela, il faut avoir toucher du doigt nos fragilités fondamentales qui viennent tuer tout orgueil en nous. Ce terrible orgueil qui nous fait dire qu’à force d’efforts, on finira bien par y arriver et qu’on donnera à tous cette grande leçon : quand on veut, on peut ! Non, ce n’est pas vrai, nous en faisons la douloureuse expérience bien trop régulièrement, je veux être bon et je n’y arrive pas.

C’est alors que le Seigneur nous dit : si tu veux me laisser travailler en toi, avec ma grâce, tu pourras, parce que je vais former en toi tout ce qui est bon pour accomplir ma volonté ! Oui, ça c’est la grande théologie paulinienne, ce que Paul appellera « son Evangile », l’Evangile de la grâce. En préparant cette homélie, le St Esprit a fait remonter en mon cœur une citation de Paul qui est comme une cousine de cette citation que je qualifie de pépite dans la lettre aux Hébreux. C’est Eph 2,10 : C’est Dieu qui nous a faits, il nous a créés dans le Christ Jésus, en vue de la réalisation d’œuvres bonnes qu’il a préparées d’avance pour que nous les pratiquions. Dieu sait que nous voulons faire le bien, mais il sait aussi que ce que nous voulons, trop souvent nous ne le faisons pas, nous ne le pouvons pas. Alors Dieu prépare des bonnes œuvres qu’il nous livre à domicile, toutes chaudes pour que nous n’ayons qu’à les accomplir ! Ça devrait être notre prière chaque matin : Seigneur, je crois qu’au cours de cette nuit, tu as été au fournil et que tu as préparé un certain nombre de bonnes œuvres que ton Esprit-Saint me livrera en temps et en heure pour que je les accomplisse. Et, ainsi, notre foi ayant été aiguisée par cette prière, notre charité pourra être plus vive tout au long de la journée. Quand je me retrouverai confronté à une personne avec qui j’ai des difficultés, une situation compliquée je pourrai prier en disant : Esprit-Saint, livre-moi la bonne œuvre que le Seigneur a préparé et qu’il veut que j’accomplisse maintenant !

Je termine en disant : mais à quoi ça sert que le Bon Dieu se décarcasse toutes les nuits à nous préparer de très bonnes œuvres si nous, nous préférons celles que nous fabriquons avec notre sueur et notre maladresse ? C’est sans doute ce que, dans l’Evangile, Jésus aurait aimé expliquer à ses apôtres qui revenaient de mission en lui partageant toutes les bonnes œuvres qu’ils avaient accomplies. Jésus voulait les conduire à l’écart pour leur dire : surtout ne faites pas les malins, les bonnes œuvres que vous avez accomplies, ce sont celles que le Bon Dieu a préparé pour vous et que l’Esprit-Saint vous a livrées sur un plateau en temps et en heure. Il n’a pas eu le temps de le faire à cause des foules, mais il a sûrement pris le temps de le faire par la suite et aujourd’hui, il a pris le temps de le faire pour nous !

Cet article a 3 commentaires

  1. Franchellin Jean Marc

    Merci Roger pour cet éclairage du placement du « nous ».
    Il me semble que dans le silence de la barque, lors de la traversée, avant de rejoindre la foule, dans le clapotis des vagues, il c’est passé des choses. Quand nous sommes dans l’intensité de l’action, ce n’est pas le temps de la méditation. Un silence de quelques secondes peut nous aider à garder le cap. On peut appeler cela des « clins Dieu ».

  2. NGENDAKURIYO

    Merci beaucoup pére Roger pour cette homélie.Soyez bénis

  3. Adéline

    Seigneur, forme en moi tout ce qui est bon pour accomplir Ta volonté !!!

    Merci pour cette image du fournil, de la préparation de Dieu de ces oeuvres, alors que nous sommes endormis !!! Pour qu’au matin, nous ayons de quoi faire ! 😉

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