5 février : 5° dimanche temps ordinaire. Quand Pepe, le héros de Astérix en Hispanie nous aide à comprendre l’Evangile !

Est-ce que vous avez lu Astérix en Hispanie ? Je sais que je retarde un peu parce qu’en ce moment, c’est plutôt Astérix et l’empire du milieu ! Mais dans Astérix en Hispanie, il y a le jeune Pépé, il faut quand même être fort pour donner le nom de Pépé à un jeune ado ! Ce Pépé, c’est le fils de Soupalognon y Crouton, un peu caractériel, il en fait voir de toutes les couleurs à tout le monde. Dès qu’il n’est pas content, il s’arrête de respirer et c’est pas pour faire semblant… à chaque fois, il frôle la mort ! C’est comme ça qu’il finit par obtenir tout ce qu’il veut. Les gens ont tellement peur qu’il finisse par mourir qu’on lui cède sur tout !

Figurez-vous que c’est l’image de Pépé tout rouge, s’arrêtant de respirer, qui est remontée à ma mémoire en méditant sur ce texte d’Evangile ! Pépé, comme tous les êtres humains, il a été fait pour respirer et s’il s’arrête de respirer, il meurt. Eh bien, Jésus dit : Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde. Il dit ce pour quoi nous sommes faits, quelle est notre identité profonde quand nous sommes devenus disciples. Il y a quelque chose qui s’est imprimé en nous et qui fait que nous sommes lumière du monde et sel de la terre, c’est notre nouvelle identité. C’est ce que la théologie appellera le « caractère » à propos des sacrements du Baptême, de la confirmation et de l’ordre qui impriment en nous un sceau indélébile. Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde, devenus disciples, marqués par le baptême et confirmés, vous n’avez pas à vous forcer à être, vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde.

La rose, le matin, elle ne se prend pas la tête entre les mains pour se faire une séance de motivation en cherchant à se convaincre qu’elle doit être très gentille en acceptant de sentir la rose pour tous ceux qui passeront à côté d’elle ! La rose, parce qu’elle est une rose, elle sentira la rose, à la fois sans se forcer et sans pouvoir se retenir ! Le baptisé-confirmé parce qu’il est disciple, il devient sel de la terre et lumière du monde. Et cela sans se forcer puisque Jésus nous dit que c’est désormais dans sa nature profonde. Alors, pour revenir à mon image du début, si le baptisé, devenu disciple et même disciple-missionnaire, voulait ne plus être sel de la terre, lumière du monde, il finirait par mourir comme le jeune Pépé dans Astérix en Hispanie quand il s’arrêtait de respirer puisqu’il était fait pour respirer, que c’était dans sa nature.

Vous avez peut-être l’impression que je me répète, mais j’essaie de le dire sur tous les tons parce qu’il y a là quelque chose de tellement important que je voudrais être bien sûr que nous comprenons tous. Allez, je vous partage le fond de ma pensée, ça veut dire qu’un baptisé quand il décide de laisser tomber sa foi, quand il refuse non seulement de faire mais d’être ce pourquoi il est fait, il finit par mourir. Et c’est un principe qui ne souffre aucune exception ! Que de baptisés sont comme morts parce qu’ils n’ont pas laissé s’épanouir en eux le don reçu. Ils ont bloqué le don reçu en disant que ça ne les intéressait plus, mais irait-on dire, un jour que ça ne nous intéresse plus de respirer ? La rose irait-elle dire que ça ne l’intéresse plus de sentir la rose ? 

Peut-être pensez-vous que j’exagère quand je dis que bien des baptisés sont comme morts quand ils bloquent le don reçu. Mais, si je le dis, c’est en écoutant le témoignage des convertis, particulièrement des recommençants, ces personnes qui, pour x raisons, avaient bloqué un jour le don reçu, tournant le dos à la foi. Quand elles sont relancées, elles disent toutes combien cette redécouverte de la foi a été comme l’oxygène qui leur manquait. Elles pensaient vivre, mais ne vivaient pas vraiment. Certaines sont très lucides, d’ailleurs, en reconnaissant qu’elles étaient habitées par un tel spleen qu’elles cherchaient à oublier dans toutes formes d’excès, quand elles ne cherchaient pas comment quitter la vie qui leur paraissait devenue trop absurde. Et voilà que par 1000 chemins différents, le Christ a fait, à nouveau, irruption dans leur vie, dans l’instant, elles témoignent que les problèmes ont été terminés et que ça leur a fait souvent pleurer bien des larmes de se rendre compte combien elles avaient été inconscientes d’avoir voulu arrêter de respirer l’oxygène de la foi. Elles étaient bien conscientes d’être passées près de la mort de manière symbolique ou de manière bien réelle. Vous êtes le sel de la terre, vous êtes la lumière du monde dit Jésus, ne vous étonnez donc pas que lorsque vous refusez de vivre en étant ce que vous êtes profondément vous courriez à votre perte !

Bien des crises vécues par des personnes qui avaient décidé de se donner totalement au Christ, de consacrer totalement leur vie au Christ, peuvent aussi trouver ici leur explication. Avec l’usure des années, aggravée par une vie spirituelle devenue médiocre, un accompagnement spirituel en pointillé, le sacrement de la réconciliation vécu uniquement dans les années bissextiles, on peut aussi finir par s’asphyxier. Alors ça se voit ou ça ne se voit pas parce qu’on peut trouver de bons dérivatifs dans le service, mais devant le Seigneur, c’est manifeste, plus rien, vocation à électro-encéphalogramme plat ! La rose ne peut sentir la rose sans se forcer, que tant qu’elle restera sur le rosier ! A n’être plus suffisamment, véritablement greffé sur Celui qui est l’Amour, notre amour ne peut que finir par s’éroder et tel Pépé s’arrêtant de respirer, nous finissons par mourir ou laisser mourir notre vocation, laisser mourir l’appel reçu qui nous avait pourtant projeté vers des sommets de bonheur. Dans Evangelii Gaudium, j’aime beaucoup entendre le pape François parler d’acédie pastorale, cette fatigue inexplicable chez les agents pastoraux provoquée par le fait qu’ils ne font plus, ne vivent plus en donnant ce pourquoi ils ont été programmés quand ils ont été greffés sur le Christ par l’appel qui leur a été lancé.

Mais, comme je l’ai dit, ce n’est pas uniquement valable pour les personnes conscrées, il y a bien des situations de mal-être chez des jeunes, des jeunes adultes et des moins jeunes, d’ailleurs, qui peuvent s’expliquer de cette manière. En décidant d’arrêter l’oxygène de la foi, alors que leur baptême les avait programmés pour vivre du souffle de l’Esprit, ils finissent par s’asphyxier. C’est pour cela qu’il est si important qu’existent des lieux-source, comme les monastères, les sanctuaires, les centres spirituels, les Foyers de Charité. Ils vont permettre à des personnes qui s’asphyxiaient de retrouver le souffle de l’Esprit. Je ne dis pas que les paroisses ne sont pas importantes, mais c’est souvent dans un lieu particulier, hors de chez elles, que les personnes les plus en difficulté, les plus asphyxiées vont venir crier au-secours et demander de pouvoir être rebranchées, regreffées.

Maintenant, je voudrais quand même dire un mot de ces deux images que Jésus donne. Le sel et la lumière ne sont pas deux images qui s’opposent comme on l’a cru pendant un temps ! C’est vrai qu’en apparence, il y a une contradiction : le sel disparait quand il est mis dans un plat alors que la lumière reste bien visible. Mais, en fait, il y a une profonde unité entre ces deux images. En effet, le sel, tout comme la lumière, n’ont pas de but en eux-mêmes, c’est pour cela que Jésus rajoute sel de la terre et lumière du monde. Le sel n’a d’intérêt que dans un plat pour en rehausser la saveur et la lumière n’a d’intérêt que dans la nuit pour éclairer. Le chrétien n’a pas comme ambition d’être sur le devant de la scène, sa mission, c’est d’éclairer, de donner de la saveur, finalement de conduire à Jésus. Autrement dit, Jésus donne deux images que je qualifierai d’effacement. C’est sans doute ce que voulait dire St Thomas d’Aquin quand il affirmait qu’il est meilleur pour un chrétien d’éclairer que de briller ! 

C’est vrai, le chrétien ne vivra jamais autant sa vocation que lorsqu’il arrive à se faire oublier en ayant apporté aux autres ce dont ils avaient le plus besoin pour s’épanouir. A trop vouloir qu’on parle de nous, à trop vouloir se mettre en scène, nous risquons de ne plus correspondre à ce que Jésus attend de nous. Notre plus grande joie, comme chrétiens, c’est de voir que des personnes ont retrouvé goût à la vie, vous êtes sel de la terre, que des personnes voient à nouveau clair sur ce qu’elles sont appelées à vivre, vous êtes la lumière du monde. Et nous ne pouvons que rendre grâce au Seigneur pour toutes les fois où il nous a permis de vivre à fond notre vocation en nous permettant d’être ce sel qui redonne goût, cette lumière qui éclaire et en disparaissant heureux d’avoir pu donner le meilleur de nous-mêmes. 

Mais ce meilleur, nous ne pourrons le donner qu’en restant greffés à Celui qui, seul, a vraiment le pouvoir de redonner goût et d’éclairer les chemins de vie. C’est bien pour cela que nous participons régulièrement à l’Eucharistie.

Cet article a 2 commentaires

  1. Adéline

    « Le sacrement de réconciliation reçu uniquement les années bissextiles » et « la rose qui sent la rose sans se forcer »… J’aime beaucoup ! 😉

    Merci.

    1. Père Roger Hébert

      Merci

Laisser un commentaire