5 janvier : mercredi après l’épiphanie. Nous avons connu l’amour et nous y avons cru … même au coeur des tempêtes !

Dans la 1° lecture, au détour de toutes ces belles affirmations sur l’amour, que nous pouvons méditer inlassablement pendant l’adoration par exemple, il y avait l’énoncé de la seule raison qui puisse justifier notre présence ici. Ceux qui ne sont pas dans la communauté pourront trouver aussi la justification la plus profonde de leurs choix de vie exigeants. Voilà cet énoncé qu’on trouvait dans la 2° partie de cette lecture : « Et nous, nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. » Je vous avoue que j’ai été aidé pour dire cela par un souvenir qui reste gravé dans ma mémoire, peut-être l’ai-je déjà partagé si c’est le cas, je ne rabâche pas, je répète !

Quand j’étais jeune, j’aimais aller dans un Carmel qui se trouve non loin de la communauté de Taizé, le carmel de Mazille, un carmel plutôt ouvert ! Et, quand je suis devenu prêtre et que je m’occupais des jeunes, j’y ai souvent conduit des groupes. Evidemment, on ne passait pas nos journées avec les sœurs, mais on les voyait aux offices, on pouvait travailler avec elles, dans le silence, ça va de soi, elles avaient un très grand domaine et avaient toujours besoin de bras. Elles acceptaient toujours de passer une petite heure pour répondre aux questions des jeunes. Régulièrement, les jeunes leur demandaient : mais pourquoi avez-vous choisi de vous enfermer ici ? Et elles répondaient invariablement de la même manière : la raison est écrite au-dessus de la porte d’entrée du monastère ! Et au-dessus de la porte, vous l’avez deviné, c’était ce verset de St Jean qui était écrit : « Et nous, nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. »

Il y a un certain nombre d’années, les gens pensaient et disaient volontiers qu’une jeune femme qui rentrait dans un couvent y entrait suite à une déception amoureuse, je ne sais pas si on disait les mêmes nigauderies pour celles qui entraient dans un Foyer de Charité ! Dans la tradition populaire, on disait que puisque cette pauvre fille avait été malheureuse dans ses amours humains, elle entrait au couvent pour pleurer toute sa vie cette déception ! Quelle horreur ! Ce verset de St Jean dit exactement le contraire ! Elles ne sont pas entrées au monastère parce qu’elles avaient perdu l’amour, mais, au contraire, parce qu’elles l’avaient trouvé ! Quand vous êtes assoiffés et qu’on vous indique où se trouve la source, vous y courrez ! « Et nous, nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. » 

Ça semble finalement assez évident que, dans ce petit verset, se trouve la seule raison qui puisse justifier une vie donnée au Seigneur. Ce n’est évidemment pas une déception qui nous conduit à donner notre vie au Christ. Ce n’est pas parce que nous n’avons pas trouvé l’amour que, faute de mieux, nous nous consacrons au Seigneur. Non ! « Nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. » 

Quand je m’occupais de jeunes, je devinais assez facilement quand il y en avait un qui était tombé amoureux, et ça se voyait tout de suite. Alors, nous pouvons nous interroger sur ce que nous donnons à voir personnellement et communautairement. Est-ce qu’en nous voyant, ceux qui passent voient des personnes qui rayonnent l’amour ? Est-ce que ceux qui passent voient une communauté qui rayonnent l’amour ? Est-ce qu’ils ont envie de dire : « Eux, c’est sûr, ils ont reconnu l’amour que Dieu a pour eux, et ils y ont tellement cru qu’ils ont décidé de lui donner leur vie pour que beaucoup d’autres puissent à leur tour rencontrer cet amour. » C’est sûrement ce qui nous a conduit à donner notre vie en nous engageant dans les Foyers ou en répondant à un autre appel du Seigneur, prions pour que des années après, ça puisse encore se voir !

Ça ne veut pas dire que, parce que nous avons reconnu l’amour et que nous y avons cru, il n’y aura plus de problèmes dans notre vie ! Oh si, il y en aura toujours parce qu’il y en a Un qui n’est jamais content quand il voit des femmes et des hommes trouver la source de l’amour et s’y désaltérer. Le malin ne supporte pas qu’on vive de l’amour de Dieu, il va essayer de mettre un certain nombre de peaux de bananes pour essayer de nous faire déraper en espérant nous faire carrément sortir du chemin.

De ce point de vue, l’Evangile de la tempête apaisée que nous avons entendu est très instructif. C’est Jésus qui oblige les disciples à monter dans la barque et voilà qu’au cours de la traversée une tempête assez terrible se lève. Les apôtres qui, pour la plupart, sont pourtant des pêcheurs aguerris, ont bien du mal à s’en sortir et peut-être aussi s’interrogent-ils : comment se fait-il qu’en obéissant à un ordre du Seigneur, on se retrouve aux prises à de telles difficultés ? 

Il pourra donc nous arriver de connaître, nous aussi, des tempêtes dans notre vie. En venant ici ou en répondant à un autre appel du Seigneur, comme les apôtres, nous avons obéi sinon à un ordre du Seigneur au moins à son appel, nous avons discerné que c’était sa volonté et nous avons voulu faire sa volonté. Or voilà qu’en étant fidèle à la volonté du Seigneur, nous nous trouvons soumis à des tempêtes. Et ces tempêtes pourront parfois nous faire peur, par leur violence, leur soudaineté, elles pourront risquer de nous faire chavirer. Comme la tempête qui remue profondément la mer, nous pouvons être profondément remués et voir remonter à la surface des choses que nous pensions définitivement réglées.

Quand nous sommes dans la tourmente, l’Evangile d’aujourd’hui nous donne cette certitude de foi : jamais le Seigneur ne nous abandonnera. Dans la tempête, il nous rejoindra forcément à un moment ou à un autre, mais pour cela, il faudra que nous acceptions de reconnaître que nous ne pourrons pas nous en sortir seuls. Il est donc très important de connaître les grandes règles de la vie spirituelle et plus encore de nous faire accompagner car, seuls, nous sommes si peu lucides sur nous-mêmes ! En effet, seuls, nous risquons de penser que ces tempêtes viennent remettre en cause nos choix profonds, qu’elles sont le signe que nous nous sommes trompés. Non ! Ces tempêtes sont souvent, pas toujours, mais souvent quand même, le signe que le Malin cherche à nous mettre des peaux de bananes pour nous faire déraper ! Et s’il cherche à nous faire déraper, c’est précisément parce que nous sommes sur le bon chemin, car, lui, il n’aime pas que les gens soient sur le bon chemin ! 

Je signale juste au passage que c’est très beau de constater que c’est parce qu’il est en prière que Jésus perçoit les difficultés auxquelles ses apôtres sont confrontés. La prière, si elle est authentique ne nous fait pas nous évader, au contraire, elle vient renforcer notre acuité, elle nous rend plus disponibles aux appels de nos frères.

En conclusion je nous invite, c’est-à-dire vous et moi, à ne pas rêver pas d’une vie sans tempête, ça n’existe pas. Par contre, je nous invite à la foi pour croire que le Seigneur viendra forcément à notre secours quand nous crierons vers lui. Il finira forcément par monter dans notre barque et sa présence suffira largement à nous redonner confiance, à nous encourager à persévérer. Et c’est précisément quand nous serons au cœur de la tempête qu’il faudra que nous puissions nous rappeler que « nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. »

Cet article a 3 commentaires

  1. Adéline

    Magnifique !
    Alléluia!

  2. Jean Marc Franchellin

    Où sont Amour et Charité Dieu est présent

  3. wilhelm richard

    Vivre dans un monastère n’est pas la trappe nigaud comme beaucoup pourraient le penser !

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