C’est encore une belle page du livre des Actes que nous avons entendue en 1° lecture ! Après Césarée, hier, nous sommes conduits à Antioche pour nous réjouir de la fondation assez exceptionnelle de l’Eglise en cette ville, nous rappelant que c’est là que les disciples de Jésus ont reçu pour la 1° fois le nom de chrétiens. Je fais remarquer que le livre des Actes précise que c’est encore une conséquence bienfaisante de la persécution qui a suivi le meurtre d’Etienne. Comme quoi les épreuves que nous avons à vivre en Eglise, quand nous les vivons dans la foi, peuvent déboucher sur une réelle fécondité.
Ce qui est extraordinaire, c’est la manière dont a été fondée cette Eglise d’Antioche. C’est toujours le même processus, on a dispersé les pyromanes du St Esprit, le feu s’est répandu plus vite et plus loin. Mais, là, pour la première fois, parmi les pyromanes dispersés, il n’y avait aucun diacre, aucun apôtre, ni aucun disciple, ces fameux 70, ce sont des laïcs qui ont été dispersés et ce sont eux qui vont fonder cette Eglise. Ils ont pris au sérieux leur Baptême et sont devenus disciples-missionnaires. Nous pouvons prier pour que tous les chrétiens prennent au sérieux leur baptême et deviennent disciples missionnaires encouragés par les prêtres. Parce que c’est la mission des prêtres d’encourager les baptisés à prendre au sérieux leur Baptême ; la mission d’un Père, c’est d’engendrer des fils. On m’a envoyé, il y a quelques jours, ce très beau texte du père Jacques Philippe sur la paternité, je vous en donne quelques extraits, il correspond très bien à ce que je viens de dire et je suis sûr qu’il peut nous rejoindre en ce moment.
« Configuré au Christ, le prêtre devient une icône du Père : « Qui me voit voit le Père ». Il reçoit progressivement la grâce d’une paternité, qui n’a rien à voir avec une revendication de pouvoir. Tout au contraire, être père, c’est se vider de soi-même pour permettre à l’autre d’exister en plénitude … La paternité comporte deux versants indissociables. D’une part, un amour inconditionnel, une miséricorde sans limite, un accueil absolu de l’autre quelles que soient ses limites et ses défaillances. Le père a toujours un regard d’espérance sur son enfant. Il croit en l’autre, même quand celui-ci ne croit plus en lui-même. Il a une tendresse particulière pour les plus pauvres, les plus petits, les plus blessés. Il exerce une patience sans limites, fondée sur l’espérance. Il n’a pour personne un regard de mépris, de dureté ou de rejet. D’autre part, la vraie paternité implique la transmission d’une parole, d’une exigence de vérité, qui trace pour l’autre un chemin de conversion, de croissance et de vie. Être père signifie être témoin d’une Parole, d’une exigence qui n’écrase pas mais qui fait grandir et libère. Elle aide l’autre à ne pas rester enfermé dans ses ambiguïtés, ses attitudes stériles ou infantiles, ses limites dans la perception du réel. Elle encourage à reconnaître les appels de Dieu, l’appel à devenir vraiment soi-même et à y répondre avec confiance … Pour le prêtre, cet appel à devenir icône de la paternité divine est une terrible exigence. Elle requiert une conversion permanente, en particulier pour devenir de plus en plus pauvre de soi-même, de ses prétentions, de ses besoins de reconnaissance et de réussite personnelle. Elle est en même temps un immense bonheur : la joie de donner la vie, d’engendrer l’autre à l’existence véritable, celle qui ne passera jamais, la vie même de Dieu. »
Revenons à Antioche ! Ce qui est encore extraordinaire, c’est la manière dont réagissent Pierre et les apôtres, ils ne disent pas : on va aller vérifier si ce qui se passe est bien chrétien … avec les laïcs, il faut toujours se méfier ! Non ! Ils envoient Barnabé dont j’ai beaucoup parlé, précisément parce que Barnabé est un fils d’encouragement. Cette communauté naissante, elle a plus besoin d’être encouragée que redressée ! Aujourd’hui encore, on fait plus de bien en encourageant qu’en redressant et s’il y a à redresser, c’est toujours en encourageant qu’on le fera de la manière la plus féconde.
Ce qui est encore extraordinaire dans ce qui se passe à Antioche, c’est la manière dont Barnabé va s’y prendre. Dès qu’il arrive, il est sûrement profondément touché par l’enthousiasme de cette communauté, il en voit aussi les fragilités, c’est toujours comme ça avec les communautés nouvelles. Alors, très vite Barnabé va chercher Saul. Oui, parce que Saul, le persécuteur est converti ! Nous n’avons pas pu lire le récit de sa conversion car c’était le 1° mai et nous avons lu, ce jour-là, les lectures du Sanctoral. Pourquoi je dis que c’est une réaction extraordinaire de la part de Barnabé ? Eh bien, il y a deux raisons :
- D’abord ça fait un bien extraordinaire à Paul. Parce que vous savez qu’après sa conversion, il n’a pas été très bien accueilli par l’Eglise de Jérusalem. On les comprend aussi, il avait tellement de morts de chrétiens sur la conscience. Mais du coup, Paul, l’enflammé du St Esprit devait ronger son frein parce qu’on ne lui demandait rien ! En l’invitant à le rejoindre à Antioche, Barnabé joue vraiment son rôle de fils d’encouragement à l’égard de Paul.
- Mais, et c’est la 2° raison pour laquelle la décision de Barnabé, Barnabé ne choisit pas Paul d’abord pour lui faire du bien ! Parfois, il peut nous arriver de confier une mission à quelqu’un en nous disant : ce n’est pas tout à fait ajusté, mais ça lui fera du bien … et souvent c’est une catastrophe par la suite ! Non, Barnabé a perçu que Paul en avait besoin de cette mission et qu’elle était parfaitement ajustée pour lui ! Pour accompagner cette jeune communauté enthousiaste, Barnabé avait besoin d’un jeune converti enthousiaste et, là, Paul correspond parfaitement à la mission. Et c’est ainsi que Barnabé a inventé l’évangélisation du semblable par le semblable, une intuition missionnaire qui sera reprise des siècles plus tard. Barnabé avait perçu que, le plus essentiel, pour cette jeune communauté n’était pas de redresser ses erreurs, mais d’entretenir son enthousiasme. Peut-être que, à cette époque, Paul n’était pas encore parfaitement au point d’un point de vie doctrinal, mais il était enthousiaste et c’était le plus important. Je ne dis pas que la justesse doctrinale n’est pas importante, mais, hélas, on voit trop de personnes, de prêtres d’une rigueur doctrinale irréprochable rester dans une redoutable stérilité car ils n’ont pas ou ils n’ont plus d’enthousiasme. Attention à la rigueur doctrinale quand elle se transforme en rigidité cadavérique ! Gardons toujours à l’esprit l’intuition de Barnabé.
Un mot sur l’Evangile ! Il aurait été intéressant de parler du contexte dans lequel Jésus prononce ces paroles, c’est la fête de la dédicace du Temple, autrement dit, la fête de Hanoukka, vous savez, c’est la fête des lumières qui correspond un peu pour les juifs à l’ambiance de la fête de Noël pour les chrétiens, c’est là que les enfants reçoivent les cadeaux. Mais je n’ai pas le temps de m’y arrêter ! Je préfère souligner ces paroles de Jésus que nous avons besoin d’entendre : « Mes brebis écoutent ma voix ; moi, je les connais, et elles me suivent. Je leur donne la vie éternelle : jamais elles ne périront, et personne ne les arrachera de ma main. Mon Père, qui me les a données, est plus grand que tout, et personne ne peut les arracher de la main du Père. Le Père et moi, nous sommes UN. »Rien, c’est-à-dire aucun événement, même le plus terrible, ni personne ne peut arracher de la main de Jésus et de main du Père qui ne font qu’un ceux qui ont décidé de s’y réfugier. Quand le Malin, profitant des événements, veut nous voler notre paix, notre joie et même notre vocation, c’est dans leurs mains qu’il faut se réfugier parce que leurs mains, elles leur servent à nous serrer contre leurs cœurs, c’est pour cela que leurs mains sont le refuge le plus sûr.
Merci beaucoup père Roger de ces homélies quotidiennes qui me nourrissent.
Aussi serait-il possible d’avoir un son plus haut pour les écouter en audio. Cela fait quelques jours qu’elles sont invisibles.
En communion de prière
Jean Marc et Agnès