6 avril : Jeudi Saint – Cène du Seigneur. Quel manager notre Jésus !

Imaginez, vous êtes le manager général d’une petite affaire appelée à se développer de manière exponentielle, une belle startup, quoi ! Et voilà que, pour des raisons bien indépendantes de votre volonté, pour vous l’aventure à l’intérieur de la startup comme manager général va s’arrêter ce soir. Vous n’en saviez rien jusqu’à ces dernières heures et eux n’en savent toujours rien ! Vous avez passé 3 ans à les former et vous avez eu pas mal de travail parce que vous ne vous êtes pas facilité la tâche par vos choix ! Le groupe, dès le départ n’était pas homogène, le niveau de compétence des collaborateurs pas extraordinaire, mais c’est comme ça vous vous êtes embarqués dans l’aventure avec eux et vous y croyez, vous êtes un homme de foi ! Au fur et à mesure que le temps passait, vous avez réalisé qu’il vous faudrait sans doute plus de temps que prévu pour que vous réussissiez à les impliquer et à leur permettre de déployer leurs potentialités. Vous aviez déjà désigné le successeur pour qu’un jour, aidés par les autres, il puisse faire prospérer l’affaire. Il y a bien des moments où vous aviez été tenté de revenir sur votre choix parce que l’heureux élu s’il avait un tempérament enthousiaste, manifestait quand même pas mal de signes de faiblesse et vous étiez tenté parfois de le remplacer par le petit jeune de la bande qui semblait se montrer plus fiable, plus fin. Mais finalement, convaincu que votre 1° choix devait être le bon, vous n’êtes jamais revenu dessus. Là encore, avec le temps, vous pensiez qu’il allait finir par s’y mettre et finir par habiter sa mission. Et voilà que, patatrac, les événements se sont accélérés et pour x raisons, vous n’avez plus de temps, vous réalisez que le diner programmé pour ce soir avec vos collaborateurs va être le dernier diner que vous passerez avec eux. Imaginez comment vous managez ce dernier dîner avec vos collaborateurs ? Vous avez une heure et je ramasse les copies !

J’espère que vous avez compris de qui, de quoi je parle ! C’est, juste avec un brin d’actualisation, la situation dans laquelle se trouvait Jésus au soir du jeudi saint. Moi, si j’avais été à la place de Jésus, voilà me semble-t-il comment j’aurai conduit les affaires pour être le plus performant possible. 

   1/ j’explique la situation, le temps est compté, donc on ne va rien faire d’inutile ! 

   2/ Je commence par Pierre en voyant où il en est, comment il compte tenir son nouveau rôle et, 

   au besoin, je le corrige, et le connaissant, il y aura sûrement besoin de corrections ! 

   3/ Je passe l’ensemble des apôtres en revue pour voir comment ils comptent s’impliquer, vérifier 

   leur degré de loyauté à mon égard, car je resterai le fondateur et leur degré de loyauté à l’égard 

   de mon successeur Pierre. Dans ce tour, je prends bien soin de ne pas m’attarder sur Judas ! 

   4/ Ensuite j’explique à tous quelle était ma vision et comment à mon sens, il faudrait s’y prendre   

   pour que la startup Eglise dans laquelle j’ai tout investi puisse se développer.

Il n’y avait que Jésus pour imaginer le scénario qui s’est déroulé réellement dans cette soirée du Jeudi Saint et qui nous est rapporté dans la 2° lecture et L’Evangile ! Ce qui est frappant, quand on se met dans la perspective que j’évoquais, c’est qu’il n’y aura rien d’opérationnel dans ce que va faire et dire Jésus au cours de ce dernier repas.

Ce repas commence avec cette décision de Jésus de prendre soin de ses apôtres. Il sait qu’ils vont être profondément bouleversés par son départ et surtout par la violence qui marquera son départ. Alors, Jésus décide de prendre soin de ses apôtres et il met en œuvre cette décision de manière très étonnante, il leur lave les pieds. Oui, bien sûr, il y a d’abord cette profonde humilité de Jésus qui fait ce que, normalement, seul un esclave doit faire et encore, si c’est un esclave juif, on doit le dispenser de cette trop basse besogne qui consiste à laver les pieds des invités. C’est sûr que cette dimension d’humilité est présente et que Jésus veut ainsi par, l’exemple, montrer à quelle condition l’Eglise pourra croitre : la seule condition, c’est que tous ceux travaillent dans son Eglise y travaillent comme d’humbles serviteurs. Mais je crois qu’il y a encore deux autres raisons pour lesquelles, dans ce moment si particulier, Jésus décide de laver les pieds de ses disciples.

La 1° raison, c’est qu’il veut montrer que la mission première de ses disciples et de tous ceux qui, répondront à son appel, est de prendre soin de ceux qui leur sont confiés. Pas prendre soin dans de belles paroles qui n’engagent pas beaucoup, mais prendre soin de manière extrêmement concrète. Un évêque vient d’écrire un livre sur le « care » chrétien ou la révolution de l’amour, je m’excuse, je ne parle pas anglais, peut-être que je prononce mal, mais « care » c’est justement le fait de prendre soin d’une personne dans toutes les dimensions de son être. Oui, c’est vraiment ce que veut Jésus pour son Eglise et il l’a montré par ce geste du lavement des pieds. Mais il ne veut pas que ça reste de belles pages d’un livre, il veut que ça devienne le mot d’ordre général : prendre soin les uns des autres avec une injonction encore plus forte pour ceux qui sont responsables !

La 2° raison pour laquelle Jésus a lavé les pieds de ses apôtres, je l’ai un peu abordée dans mon enseignement de cette après-midi en évoquant les kilomètres et les kilomètres qu’il a parcourus pour sillonner le pays afin d’aller chercher et sauver ceux qui étaient perdus. Il n’y a pas dû y avoir un seul centimètre carré qu’il n’ait pas foulé à la recherche d’une brebis perdue. Marie de Béthanie, qui lui a fait cette belle onction que nous avons célébrée hier soir, l’avait bien compris. Ce sont ces pieds qu’elle a oints, ces pieds qui ont tant aimé le monde. Et je vous ai dit que je rêvais qu’on fasse une statue des « sacrés pieds » comme il y a des statues du Sacré Cœur et qu’on promulgue une nouvelle prière : Jésus rend mes pieds semblables aux tiens ! En prenant soin des pieds de ses apôtres, Jésus a voulu leur dire combien il espérait qu’ils allaient, eux-aussi, sillonner les routes, non plus seulement de la Palestine, mais progressivement, les routes du monde entier pour qu’aucun de ceux que le Père lui avait confié ne soit perdu. 

D’ailleurs la preuve que mon interprétation n’est pas totalement foutraque, c’est que lorsqu’il a fini de laver les pieds de ses apôtres, Jésus leur dit : « Si donc moi, le Seigneur et le Maître, je vous ai lavé les pieds, vous aussi, vous devez vous laver les pieds les uns aux autres. C’est un exemple que je vous ai donné afin que vous fassiez, vous aussi, comme j’ai fait pour vous. » Vous aurez remarqué que ce sont à peu près les mêmes paroles impératives qu’après le récit de l’Institution de l’Eucharistie où Jésus dit : Faites ceci en mémoire de moi. Je vais y revenir, mais retenons déjà que Jésus a voulu mettre sur le même plan l’obligation de célébrer l’Eucharistie que l’obligation de prendre soin des autres, en accomplissant ce service dans l’humilité pour permettre à l’Eglise d’être toujours, comme le dit le Pape François, une Eglise en sortie qui va sur les chemins à la recherche des brebis perdues. Finalement, Jésus, je reconnais une nouvelle fois que tu es trop fort ! Par ce geste et sa parole conclusive, tu dis bien plus, bien mieux ce que tu veux pour l’avenir de ton Eglise et quelle doit être la place de chacun que si tu avais développé un discours de manager.

Maintenant, Jésus ne se fait aucune illusion, il sait que cette feuille de route dépasse complètement la capacité des apôtres qu’il a as choisis. Et ce n’est parce que ses apôtres ne seraient pas assez bons que cette feuille de route les dépasse. Mais ce que Jésus leur demandes de faire, il n’y a que Lui, Jésus, qui soit réellement capable de le faire. C’est pour cela qu’après leur avoir lavé les pieds, il a voulu se donner, toi-même, à chacun d’eux en instituant l’Eucharistie. Car, c’est sûr, le repas a commencé par le lavement des pieds et la manière dont St Jean nous rapporte la solennité préparatoire ce lavement des pieds nous montre que Jésus l’a accompli comme une véritable liturgie. Et cette liturgie, il a voulu la compléter d’une manière qui a dû bien étonner les apôtres. Il s’est considérablement écarté du rituel de la Pâque juive pour manifester que ce qu’il faisait n’avait encore jamais été fait : il se livrait lui-même à ses disciples comme pour leur rappeler cette parole qu’il leur avait déjà dite dans l’allégorie de la vigne : en dehors de moi, vous ne pouvez rien faire. Il ne restait plus aux apôtres qu’à formuler positivement cette déclaration et d’en faire leur ligne de conduite générale : par Toi, avec Toi et en Toi, nous pourrons tout faire !

Bénis sois-tu Seigneur de nous avoir donné ton Eucharistie pour que, forts de ta présence permanente en nous, comme tu nous l’as montré, nous puissions travailler dans ton Eglise avec un réel esprit de service, prendre soin de manière très concrète de tous nos frères et permettre à ton Eglise d’être toujours une Eglise en sortie, à la recherche des brebis perdues.

Cette publication a un commentaire

  1. Adéline

    Amen !

    Merci pour cet exposé de la sanctification des pieds de Jésus et des nôtres ! 😉

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