7 août : 19° dimanche temps ordinaire. Mais pourquoi don tient-il tant à venir la nuit, ce moment où nous risquons d’être si peu présentables ?

Il y a au moins un mot qui revient dans la 1° lecture et dans l’Evangile et qui a attiré mon attention, c’est le mot nuit. C’est la nuit qu’a eu lieu la délivrance pascale nous disait le livre de la Sagesse et c’est de nuit que risque de revenir le maître, il faut donc nous tenir prêt et ça c’est un thème assez récurrent dans les Evangiles. Mais pourquoi donc le Seigneur aime-t-il tant la nuit ? Pourquoi donc tient-il tant que ça à nous surprendre ? Vous aussi, tenez-vous prêts : c’est à l’heure où vous n’y penserez pas que le Fils de l’homme viendra. S’il veut être sûr qu’on puisse bien l’accueillir, ça serait quand même plus simple qu’il vienne le dimanche entre 11h15 et 12h15, là on est prêt ! Ou encore tous les jours entre 18h et 18h30, ce moment où toute la communauté est rassemblée devant le Saint Sacrement pour prier le chapelet avec les retraitants ou encore le jeudi soir dans le temps d’adoration qui précède la grande nuit d’adoration au cours de laquelle les retraitants vont assurer une présence non-stop devant le Saint-Sacrement ! Pourquoi la nuit ?

D’abord une précision qui s’impose : Le Seigneur n’a pas le projet de venir la nuit pour nous faire peur. Son objectif n’est pas de chercher comment nous surprendre au mauvais moment. Il n’est pas un surveillant de collège ou de lycée qui chercherait à coincer les élèves dissipés pour mieux les punir. Oublions toutes ces représentations grimaçantes de Dieu, installées dans nos têtes à cause de notre éducation ou à cause des manœuvres répétées du Tentateur qui a fini par nous persuader que Dieu était l’adversaire de l’homme alors qu’en vertu de l’Alliance sans cesse renouvelée et scellée dans le sang de Jésus, il est notre principal allié. Dieu ne cherche donc pas à nous coincer. Quand nous avons de la difficulté à comprendre une parole de l’Evangile ou une parabole de l’Evangile qui nous parle de Dieu, de son attitude vis-à-vis des hommes, nous devons toujours chercher à l’interpréter en fonction de cette grande vérité : Dieu est amour et même Dieu n’est qu’amour. C’est dans ce « ne que » Dieu n’est qu’amour que réside l’originalité chrétienne. Alors pourquoi un Dieu qui n’est qu’amour aime tant sortir la nuit pour venir à la rencontre des hommes ?

La réponse est assez simple : parce que c’est précisément la nuit que nous avons le plus besoin de Lui, de le voir venir à notre rencontre. Evidemment, je ne parle pas de ces nuits où nous sommes sous la couette et où nous dormons comme des bienheureux ! Dans ces nuits-là, je suis sûr que le Seigneur nous contemple dormir comme des parents peuvent le faire vis-à-vis de leur petit enfant. Ces nuits-là, Dieu est tellement heureux de nous voir reposer, récupérer, faire le plein d’énergie pour mieux nous donner le lendemain. Mais toutes les nuits ne sont pas forcément aussi roses, il en est d’autres qui sont franchement très noires et donc particulièrement inquiétantes.

Je pense à ces nuits où tous ceux, toutes celles qui traversent de lourdes épreuves, qui vivent une grave maladie, qui sont accablés de souffrances ne peuvent fermer l’œil. Qu’elles sont longues ces nuits sans sommeil quand l’angoisse semble être la seule compagne ! Je pense encore à ces nuits qui sont le moment où tant de forfaits sont commis, cambriolages, viols, meurtres, où à ces nuits au cours desquelles tant de débordements entrainent, particulièrement les jeunes, à tutoyer les bas-fonds de la vie en vivant des expériences déstructurantes qui commencent dans l’alcool et finissent dans un non-respect absolu des corps. Je pense aussi à ces nuits de la foi que certains traversent. Ces nuits de la foi peuvent être la conséquence de nos choix tordus qui nous ont conduit si loin de Dieu que nous n’arrivons plus à croire que sa miséricorde peut nous rejoindre et nous sortir de nos gouffres sans fond. Ces nuits de la foi peuvent aussi être la conséquence des abus dont certaines personnes ont été victimes. Les témoignages sont nombreux de celles et ceux qui disent avoir perdu la foi à cause de ce qu’elles ont subi de la part de ceux qui avaient reçu la mission d’être les visages du Dieu Amour. Ces nuits de la foi peuvent encore être la conséquence d’une purification que Dieu permet dans un parcours spirituel pour que nous apprenions à plus aimer le Dieu des consolations que les consolations de Dieu. Bref, les nuits ne manquent pas et j’en oublie sûrement ! Eh bien, c’est pour que nous ne restions pas seuls dans ces nuits terribles qu’il nous faut traverser que le Seigneur affirme que c’est de nuit qu’il a envie d’aller à notre rencontre.

Mais alors pourquoi nous invite-t-il à nous tenir prêts ? Il sait bien que la nuit, de manière générale et dans ces nuits, de manière toute particulière, nous ne sommes pas très présentables ! Que signifie donc cet avertissement : tenez-vous prêts ?

Je l’ai dit, nous rêverions que le Seigneur vienne à notre rencontre quand nous sommes présentables, quand nous sommes en prière, pour recevoir un bon-point de bonne tenue spirituelle ! Quoique certaines fois, le bon-point pourrait nous passer sous le nez parce que nous pensons tellement peu au Seigneur que nous sommes pourtant venus prier que nous ne nous apercevrions même pas de sa présence ! Tenez-vous prêts, j’entends cette parole comme une invitation à oser lui ouvrir la porte de notre cœur quand il frappera même et surtout si nous ne sommes pas présentables parce que, je le redis, c’est dans ces moments-là que nous avons le plus besoin de lui. Bien sûr qu’il est là quand nous prions, même si nous ne ressentons rien. Il est particulièrement là dans l’Eucharistie et quand le Saint-Sacrement est exposé, nous pourrions d’ailleurs dire que nous venons nous exposer à sa présence. Oui, il est là, c’est ce que ne cessait de répéter le curé d’Ars que nous avons fêté jeudi. Il est là et, pourtant, nous pouvons rencontrer des difficultés à nous tenir en sa présence, à croire qu’il est aussi réellement présent parmi nous et pour nous qu’il était présent sur les routes de Palestine, il y a 2000 ans. Alors on imagine que c’est encore plus difficile de croire qu’il est là quand nous sommes plongés dans ces nuits de la souffrance, nuits du péché, nuits du doute, nuits de la solitude. C’est parce qu’il sait que ce n’est pas évident de le croire que Jésus répète si souvent que c’est de nuit qu’il cherchera à nous rencontrer et qu’il nous supplie de nous tenir prêts, c’est-à-dire d’oser l’accueillir alors même que nous serons si peu présentables. 

Il veut que, dans nos nuits, en l’accueillant, nous puissions expérimenter la libération qu’a expérimentée le peuple des hébreux dans la nuit pascale. Tout semblait jouer en leur défaveur : ils étaient esclaves, ils n’avaient donc rien, et esclaves dans un pays doté d’une armée aguerrie, nombreuse et bien occupée. Pour fuir, il semblait ne pas y avoir de solution, la mer et le désert étaient des obstacles infranchissables. Ils pouvaient donc légitimement se demander : Comment le Seigneur va-t-il s’y prendre pour tenir sa promesse ? Plongés dans nos nuits, nous pouvons, nous aussi, douter sérieusement de la possibilité de retrouver la lumière, la paix et la joie. Il faudrait un miracle, mais les miracles ne sont-ils pas réservés à ceux qui les méritent or en ce moment à cause de la nuit que je traverse et de tous les griefs que j’ai à l’encontre de Dieu comment pourrait-il faire un miracle pour moi qui suis si peu présentable en ce moment ? 

Du coup, la 2° lecture qui nous faisait entendre ce si bel éloge de la foi devient très éclairante. L’auteur de la lettre aux Hébreux prend bien soin d’aligner un certain nombre de situations qui, à vue humaine, paraissent sans issue possible. Allez donc croire que Dieu va vous donner un pays quand vous êtes nomade et que rien ne vous appartient sinon le droit de regarder les étoiles la nuit ! Allez donc croire que vous allez devenir le père d’une multitude aussi nombreuse que les grains de sable quand votre couple est stérile et que, lorsque le miracle a enfin eu lieu, Dieu semble vous redemander celui qu’il vous avait donné ! Comment continuer d’avancer dans ces conditions ? Il n’y a que la foi pour continuer d’espérer ! J’aime bien cette parole qui a été prononcée à l’origine pour parler du rire mais que j’ai adapté pour parler de la foi : « la foi, c’est comme les essuie-glaces d’une voiture, ça n’empêche pas la pluie de tomber, mais ça permet d’avancer. » C’est vrai que le fait d’avoir des essuie-glaces sur votre voiture n’empêchera pas la pluie de tomber, mais quand elle tombera, grâce à vos essuie-glaces, vous pourrez avancer ; sans essuie-glaces, vous seriez obligés de vous arrêter. Eh bien, il en va de même pour la foi, ceux qui ont la foi ne sont pas protégés des épreuves, mais grâce à la foi, même si elle semble ténue, même si elle se manifeste par des reproches adressés à Dieu, vous pourrez continuer d’avancer. A ce sujet, je trouve regrettable la nouvelle traduction du missel quand elle dit après le Notre Père que nous serons à l’abri des épreuves. Non, la foi ne met pas à l’abri des épreuves, mais elle met à l’abri dans les épreuves, ce n’est pas pareil ; elle met à l’abri du désespoir absolu quand nous traversons de terribles épreuves. Il y a plusieurs manières de le dire, mais je ne pense pas que celle qui a été choisie dans la traduction soit la meilleure ! 

Demandons les pour les uns pour les autres un accroissement de notre foi pour que nous choisissions de nous tenir à l’abri dans la main du Seigneur quand nous traversons des épreuves. Par notre prière, fraternelle et insistante, plaçons à l’abri, dans la main du Seigneur, celles et ceux qui sont trop éprouvés et qui n’arrivent plus à faire ce choix de se tenir dans la main du Seigneur. Et que notre prière reste confiante puisque c’est la nuit qu’il a choisi de venir à la rencontre des hommes.

Cet article a 3 commentaires

  1. Adéline

    Amen ! Excellent dimanche P. Hébert. Bonjour de mon Nord natal, Dunkerque ce jour, avant de regagner Dijon demain en repassant par Lille… Événement familial douloureux et en même temps cicatrisant de retour aux sources: enterrement de mon GP maternel adoptif et bien-aimé.

    Je le confie à vos prières ainsi que notre famille. Il s’appelle Jacques.

    1. ngendakuriyo

      Soyez forte madame Adeline. Que le Seigneur acceuille Jacques dans son Royaume

  2. wilhelm richard

    votre homélie me fait penser à deux chansons :
    celle de Johnny H. « revient la nuit » et
    celle de Daniel Balavoine : »supporters, c’est quand ça va mal que j’ai le plus besoin de toi ! »

    Quant aux essuie-glaces, il n’existe plus dans les voitures vue la pénurie d’eau !!!! alors, balai pattes !!!!

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