7 avril : 2° chant du serviteur … Judas, Pierre, même combat !

C’est le 2° chant du serviteur que nous avons entendu dans la 1° lecture. Je vous rappelle qu’il y a plusieurs niveaux de lecture du texte. Le 1° niveau est un niveau historique, Isaïe ou du moins ce disciple qui écrit sous son nom, au temps de l’Exil, donne un écho de la vie, et aujourd’hui du découragement du Peuple de Dieu qui, dans ce niveau de lecture, est ce serviteur de Dieu. Il commence par rappeler l’élection, la bienveillance de Dieu qui l’a choisi depuis toujours, qui l’a comblé de ses bienfaits. Mais voilà, en Exil, il n’y a plus rien sinon l’impression d’un grand vide, d’une grande absence si bien exprimée dans ce verset : « Et moi, je disais : Je me suis fatigué pour rien, c’est pour le néant, c’est en pure perte que j’ai usé mes forces. »

Hier, j’évoquais un 2° niveau de lecture, une lecture christologique, mais il y a aussi un 3° niveau qu’on pourrait qualifier d’existentiel, c’est-à-dire que lorsque je lis ces versets, je peux reconnaître mon expérience ou l’expérience de mes proches dans ces versets. Et c’est sur ce niveau que j’aimerais insister aujourd’hui. Il n’est pas impossible qu’à un moment ou à un autre de notre vie, nous puissions expérimenter ce qui est évoqué dans ces versets, c’est à dire l’impression d’un grand vide après avoir été, pourtant, comblés par l’amour de Dieu. Nous aussi nous avons pu dire avec enthousiasme : « J’étais encore dans le sein maternel quand, Seigneur, tu m’as appelé ; j’étais encore dans les entrailles de ma mère quand tu as prononcé mon nom. » Quelle joie de pouvoir se dire que du plus loin que je puisse remonter dans ma vie, je découvre l’amour prévenant du Seigneur. Ce qui ne veut pas forcément dire que j’ai tété la foi avec le sein maternel, mais que, même loin de Dieu, sa main me conduisait, il me guidait pour que je n’aille pas trop loin sur le chemin de perdition. Et puis patatras, plus rien ! Parfois, cette sensation de vide vient s’installer après une période de médiocrité ou au moins de tiédeur, mais parfois, il n’y a rien d’objectif qui puisse expliquer cela, alors on a, nous aussi envie de lui crier : « Est-ce pour rien que je me suis fatigué ? Est-ce pour le néant ? Est-ce en pure perte que j’ai usé mes forces. »

Ce que je trouve admirable dans ce texte et plus largement dans les Ecritures, c’est que Dieu ne fait jamais taire ceux qui viennent vider leur sac auprès de lui. Dieu ne coupe jamais la parole à celui qui lui fait des reproches. Les psaumes sont remplis de ces très longues plaintes que le Seigneur écoute jusqu’au bout et si les oreilles de notre cœur étaient plus affinées, nous pourrions l’entendre sangloter quand nous lui disons cela. Dieu sanglote parce qu’il souffre de notre souffrance, il est atteint par ce qui nous atteint et nous blesse si profondément. Et puis Dieu sanglote parce qu’il se rend compte que nous n’avons encore pas compris que, non seulement, il n’est pas à l’origine de nos souffrances, mais qu’il était à nos côtés pour porter avec nous ce qui était trop lourd pour nous. Dans les jours qui viennent nous allons méditer sur la passion, cette folie d’amour de Jésus, acceptant de se laisser écraser par sa croix afin qu’aucune de nos croix ne vienne nous écraser. 

N’hésitons pas quand nous n’en pouvons plus à crier vers lui, jamais il ne nous fera taire ! Osons croire, à la suite de Marthe, comme nous le disait Sophie ce matin, que nos épreuves, nos galères et même notre péché n’empêchent pas Dieu d’avoir encore un rêve pour nous. Et on a l’impression que plus nous lui parlons de nos galères, de nos insuffisances, plus son rêve devient fou ! « C’est trop peu que tu sois mon serviteur pour relever les tribus de Jacob, ramener les rescapés d’Israël : je fais de toi la lumière des nations, pour que mon salut parvienne jusqu’aux extrémités de la terre. »

Venons-en à l’évangile, j’aimerais souligner 3 points qui ont retenu mon attention.

Le 1° point, c’est le fait que la participation à ce dernier repas, si important pour Jésus, ne s’est pas faite sur invitation : Il y a tous les apôtres. Jésus n’a pas fait une petite réunion avant ce dernier repas pour dire : écoutez, ce qui va se passer est très important, si vous n’avez pas l’âme bien propre, si vous n’avez pas la conscience bien tranquille, si tous vos projets ne sont pas très clairs, il serait préférable que vous ne veniez pas ! Non, ils sont tous là même Judas qui va le livrer, même Pierre qui va le renier par 3 fois.  Nous le voyons bien, mais ça ne se passe jamais ici, parfois dans certaines communautés, il arrive que certaines choisissent leur place à table parce qu’elles n’ont pas envie de se retrouver avec telle ou telle sœur ! Jésus n’a pas écarté ceux qui, par leur comportement, allaient comme le poignarder dans le dos … et heureusement parce qu’autrement, il y a un certain nombre de jours où chacun, nous pourrions être écartés !

Le 2° point, c’est que non seulement Jésus ne les écarte pas, mais, en plus, il est d’une infinie délicatesse avec eux. Pierre n’a pas le courage d’interroger Jésus pour lui demander le nom du traitre, il fait intervenir Jean et c’est à Jean que Jésus répond, peut-être que Pierre n’a même pas entendu sa réponse, d’autant plus que Jésus ne donne même pas un nom. Mais ce que je veux surtout souligner, c’est le fait que Jésus n’arrête pas le repas pour dire tout fort : Jean me pose une bonne question, je vais répondre pour que vous soyez bien tous au courant ! Non ! Notre péché, jamais le Seigneur ne le criera sur les toits, et il en sera de même pour nos pires trahisons, jamais il ne le fera pas … d’où l’importance du secret de la confession pour lequel chaque prêtre doit être prêt à donner sa vie. Avec Judas, il reste d’une délicatesse extrême, le pauvre devait se demander comment il pourrait quitter le repas sans éveiller quelques doutes. C’est Jésus qui, avec sa parole, lui sert une occasion sur un plateau. De même, l’annonce du reniement de Pierre, je suis sûr que Jésus ne l’a pas faite à la cantonade ! Ces paroles ont dû être prononcées d’homme à homme et pas sous une forme de reproche mais avec le secret espoir que Pierre, réalisant qu’un homme averti en vaut 2, soit vigilant pour ne pas tomber.

Le 3° point, c’est que j’aime bien que soit évoqué dans un même texte le péché de Judas et le péché de Pierre. Parce que c’est vrai que, finalement, ils sont équivalents, surtout si on rapporte chacun de ces péchés à celui qui les commet. Le péché du chef, même s’il est objectivement moins grand, revêt un caractère plus grave parce qu’il est commis par le chef. Ce qui va faire la différence, c’est que Pierre aura la chance de croiser le regard de Jésus juste après son péché et qu’il n’a pas fui ce regard. Mais c’était une vraie chance pour Pierre que Jésus sorte juste après son péché, s’il y avait eu un grand laps de temps, qu’aurait-il fait ? Gardons bien cette leçon gravée dans nos cœurs, ne laissons pas trop de temps entre notre reniements-trahisons qui s’expriment dans nos péchés et le moment où nous allons chercher le regard de sa miséricorde. Ça ne veut pas dire qu’il faut, à chaque fois que nous venons de pécher, aller nous confesser, mais il faut imiter le curé d’Ars qui disait : « quand je me rendais compte que je venais de commettre un péché, je courais devant le St Sacrement en disant : voilà, mon Dieu, je viens de vous jouer un tour à ma façon ! » 

Cet article a 2 commentaires

  1. DIDIER Martine

    Bonjour mon Père,
    Merci encore pour l’homélie d’aujourd’hui qui nous apporte l’éclairage de la lecture et l’Evangile.
    Ne pourrait-on pas vivre une Adoration à travers une vidéo avec les membres du foyer ?
    Mais peut-être est-ce trop tard, pendant cette Semaine Sainte n’y a t-il plus d’Adoration ?
    A bientôt de vous entendre
    Martine DIDIER

  2. wilhelm richard

    Dans certaines homélies vous rappelez certains détails importants : ce n’est pas grave.
    Vous répétez peut-être, mais c’est normal car votre coupe de cheveux est à ras (ara), contrairement au paon !

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