7 juin : Les hommes fatigués des hommes ? Interrogation sur donner/garder

Hier, la lecture de Paul à Timothée donnait déjà un programme de réjouissances, si j’ose ainsi parler, assez décoiffant. Mais tous ceux qui ont participé à la messe de Funérailles de Thérèse ne l’ont pas forcément entendue … à moins que vous n’ayez la bonne habitude de méditer chaque jour les lectures qui sont proposées. Je redonne quand même la phrase sur laquelle je m’étais arrêté : « Tous ceux qui veulent vivre en hommes religieux dans le Christ Jésus subiront la persécution. Quant aux hommes mauvais et aux charlatans, ils iront toujours plus loin dans le mal, ils seront à la fois trompeurs et trompés. » Paul sait que son apostolat se termine, il veut donc, dans ce qu’on appelle les épîtres de la captivité, écrites en prison, donner ses dernières consignes à ceux qui seront chargés de poursuivre la mission. Et, dans ses consignes, hier, il prévenait donc que la mission d’évangélisateur ne serait pas forcément tous les jours une partie de plaisir parce que bien des obstacles se dresseront et conduiront nombre d’évangélisateurs au martyr. 

Aujourd’hui, Paul continue à donner ses derniers conseils qui sont comme une suite : oui, ça sera difficile, mais la difficulté ne devra pas t’arrêter. « Interviens à temps et à contretemps, dénonce le mal, fais des reproches, encourage, toujours avec patience et souci d’instruire. » Ces paroles sont plus qu’un encouragement, elles poussent, elles obligent les évangélisateurs à ne pas se laisser vaincre par les difficultés. Tout en affirmant que l’adversité ne devra jamais durcir l’évangélisateur, c’est pourquoi Paul prenait bien soin de préciser que cette mission, il convenait de la vivre en déployant toujours de la patience et d’être continuellement habité par le souci d’instruire, de faire grandir. Il ne s’agit pas d’annoncer la vérité de l’Evangile avec un rouleau compresseur !

Mais ce qui est sans doute le plus intéressant, c’est la suite parce que nous avons toujours l’impression que l’époque que nous vivons est la plus difficile et qu’elle pose des défis encore jamais affrontés. Pour une part, c’est vrai que chaque époque est unique, mais l’histoire nous enseigne beaucoup. En effet, ce que nous croyons être des défis qui ne se sont jamais présentés se retrouve bien souvent être le remake de défis du passé qui resurgissent. Alors on peut s’étonner en entendant Paul dire à Timothée : « Un temps viendra où les gens ne supporteront plus l’enseignement de la saine doctrine ; mais, au gré de leurs caprices, ils iront se chercher une foule de maîtres pour calmer leur démangeaison d’entendre du nouveau. Ils refuseront d’entendre la vérité pour se tourner vers des récits mythologiques. » Ce que nous entendons là est d’une actualité étonnante, si on ne nous avait pas dit que ces paroles avaient été écrites par St Paul, on aurait pu penser qu’elles avaient été écrites par Benoit XVI ! Il a eu pas mal de propos semblables quand il réfléchissait sur la vérité et les méfaits de la relativité, pas celle d’Einstein, mais la relativité reliée à la vérité.

Découvrir que ces défis majeurs traversent les siècles peut à la fois nous rassurer et nous inquiéter. Nous rassurer parce que nous voyoons que nous ne sommes pas les premiers à nous retrouver confrontés à ces difficultés, les autres s’en sortis, nous devrions pouvoir nous en sortir et, en plus, nous pouvons nous appuyer sur l’expérience du passé. Et en même temps, ça nous inquiète de voir qu’il est bien difficile de guérir l’humanité de ses grands errements, tout semble revenir périodiquement sans que nous ne tirions vraiment les leçons des conséquences des errements passés. Devant ces cycles qui reviennent sans cesse, nous pourrions être tentés de jeter l’éponge, c’est alors qu’il nous faut accueillir l’invitation de Paul à persévérer : « Mais toi, en toute chose garde la mesure, supporte la souffrance, fais ton travail d’évangélisateur, accomplis jusqu’au bout ton ministère. » Et nous pouvons nous appuyer sur le témoignage qu’il nous laisse lui qui a mené le bon combat, achevé sa course, gardé la foi et qui attend de recevoir la couronne de justice.

Mais en méditant ces paroles de Paul me revenait en mémoire cette parole du curé d’Ars que je vous ai déjà cité, je crois et qui ouvre une belle espérance. Parce que ces cycles qui reviennent perpétuellement pourrait quand même plomber notre espérance ! Paul disait donc : « Un temps viendra où les gens ne supporteront plus l’enseignement de la saine doctrine ; mais, au gré de leurs caprices, ils iront se chercher une foule de maîtres pour calmer leur démangeaison d’entendre du nouveau. Ils refuseront d’entendre la vérité pour se tourner vers des récits mythologiques. » Le curé d’Ars l’a tristement exprimé, mais, comme par une motion reçue du Saint-Esprit, il a dit un jour cette parole que je trouve merveilleuse : « Un jour viendra où les hommes seront tellement fatigués des hommes qu’ils se mettront à pleurer quand on leur parlera de Dieu. » Merveilleuse parole qui annonce que le cycle infernal sera brisé un jour. Mais pour cela, il faudra attendre que les hommes soient vraiment fatigués des hommes, qu’ils disent : trop, c’est trop, nous n’en pouvons plus de ces promesses qui ne sont jamais tenues, ce que nous voulons désormais, c’est du fiable … et ce jour-là, fatigué des hommes et de leurs promesses de bonheur complètement vides, les hommes se mettront à pleurer de joie et de repentir quand on leur parlera de Dieu. Qu’ils viennent ce jour mon Dieu ! Vierge Marie, puisque depuis le miracle de Cana, tu fais avancer plus vite l’horloge du Bon Dieu, intercède pour que ce jour arrive le plus vite possible !

Quant à l’Evangile, je retiendrai une double interpellation.

La première interpellation concerne la manière de donner. C’est une invitation à vérifier si ce que nous faisons, nous le faisons pour être vus ou pour faire du bien. Evidemment, il ne s’agit pas de jeter le discrédit sur tous ceux qui font du bien, sur tous ceux qui parlent bien, sur tous ceux qui réalisent de grandes choses sous prétexte que Jésus préférait les piécettes de la veuve ! Le gros don qui est arrivé pour le chantier de l’école fait du bien ! Mais il faudra toujours s’interroger sur ce que nous faisons, est-ce pour faire du bien ou est-ce que j’en attends aussi et peut-être même d’abord un retour sur investissement, en matière de notoriété, de popularité ? Au-delà de la question de la somme qui est donnée, ce que Jésus dénonce, c’est la manière avec laquelle on donne et on pourrait ajouter la manière avec laquelle on se donne. Les pharisiens font tout pour que ça se sache et nous, quand nous donnons, quand nous nous donnons, est-ce que nous cherchons quels moyens nous allons trouver pour que les autres s’en rendent compte ? Rappelons-nous : ce que tu fais ou donne dans le secret, ton Père te le rendra, pour le reste, tu as déjà pris par toi-même ta récompense !

La deuxième interpellation concerne ce que nous donnons, le montant de ce que nous donnons. En mettant ces quelques piécettes, la veuve, nous dit Jésus, « a pris sur son indigence : elle a mis tout ce qu’elle possédait, tout ce qu’elle avait pour vivre. » Du coup, il me semble que Jésus ne nous invite pas tant à nous interroger sur ce que nous donnons, mais sur ce que nous gardons ! Parce que bien des gens se tranquillisent en disant : je donne à ceci, à cela, je fais beaucoup de dons … oui peut-être, mais si tu te dis vraiment chrétien et que tu as encore des centaines de milliers d’euros qui sont placés, que vaut réellement ton don aux yeux de Dieu ? Nous ne serons pas jugés sur ce que nous aurons donné, mais sur ce que nous avons gardé. Et cette réflexion vaut non seulement sur le don d’argent, les dons matériels, mais aussi sur le don de nous-mêmes. Le bon indice pour vérifier où j’en suis vraiment en matière de don et du don de moi-même, c’est qu’il me soit donné la claire vision de ce que je garde jalousement et sur lequel je ne laisse aucun droit de regard au Seigneur. D’ailleurs, il le sait parce qu’il y a un gros écriteau marqué : Pas touche à ça, c’est à moi !

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