Hier, en entendant et en commentant la parole de Jésus dans l’Evangile, il est inévitable qu’il y ait des scandales,vous comme moi étions loin d’imaginer ce qui nous serait révélé comme scandales (au pluriel !) dans l’après-midi ! Je ne veux pas y revenir, il nous faut digérer, mais il nous faut surtout pouvoir tenir. Et pour nous aider à tenir, j’ai eu dans le cœur qu’il serait bon que je puisse nous inviter à bien faire la différence entre 3 attitudes : l’optimisme, l’espoir et l’espérance.
- L’optimisme, c’est un trait de caractère, c’est une composante de notre tempérament. Il y en a qui sont optimistes de nature et d’autres qui ne le sont pas. Ça se travaille sans doute, mais finalement, nous en avons tous fait l’expérience, il est bien difficile de changer fondamentalement son tempérament. Je me rappelle l’homélie d’un évêque, ici, disant que ce n’est qu’à la marge que nous arrivons à nous changer. Ceux qui sont optimistes de nature ont plus de chance que ceux qui sont pessimistes mais, parfois, trop d’optimisme peut être un handicap car ça empêche de mesurer la gravité de certaines situations et donc ça ralentit la mise en place d’une réaction ajustée.
- L’espoir, c’est le sentiment qui résulte d’une analyse la plus objective possible de la situation. On met sur un plateau de la balance le pour et le contre, le positif et le négatif, l’actif et le passif et on voit de quel côté penche la balance : soit il y a de l’espoir, soit il n’y en a pas ou pas beaucoup.
- L’espérance, c’est tout autre chose, c’est une vertu théologale, c’est-à-dire qu’on ne la fabrique pas, elle nous est donnée par Dieu. Si on ne se fabrique pas sa propre espérance, par contre, il est essentiel de dire que l’espérance s’entretient. Et elle ne s’entretient pas en cultivant des pensées positives, même si c’est sûrement quelque chose de bon, mais ça c’est du développement personnel. Non, l’espérance, elle s’entretient, elle se cultive en cherchant à faire grandir sa foi. L’Evangile d’hier qui abordait la question des scandales et du pardon se terminait par cette demande des apôtres : Seigneur augmente en nous la foi ! J’aime cette expression de l’épitre aux Hébreux qui dit : Cette espérance, nous la tenons comme une ancre sûre et solide pour l’âme ; elle entre au-delà du rideau, dans le Sanctuaire. Hb 6,9 L’ancre, c’est ce qui permet à un bateau de ne pas dériver quand il est dans la tempête. Eh bien, dit l’auteur de l’épitre aux Hébreux, si, dans les tempêtes, nous ne voulons pas partir à la dérive, notre ancre doit aller s’accrocher au-delà du rideau, dans le sanctuaire, c’est-à-dire, en Dieu-même. L’espérance est fille de la foi, c’est un peu ce que disait Péguy dans ce texte si connu. Je me suis dit qu’aujourd’hui, c’est peut-être ce texte que nous avions besoin de ré-entendre, je l’ai un peu abrégé.
Ce qui m’étonne, dit Dieu, c’est l’espérance. Je n’en reviens pas. Cette petite espérance qui n’a l’air de rien du tout. Cette petite fille espérance, immortelle…La Foi est une Épouse fidèle. La Charité est une Mère. Une mère ardente, pleine de cœur. Ou une sœur aînée qui est comme une mère.
L’Espérance est une petite fille de rien du tout…C’est cette petite fille pourtant qui traversera les mondes. Cette petite fille de rien du tout. Elle seule, portant les autres, qui traversera les mondes révolus … Mais l’espérance ne va pas de soi. L’espérance ne va pas toute seule. Pour espérer, mon enfant, il faut avoir obtenu, reçu une grande grâce. La petite espérance s’avance entre ses deux grandes sœurs et on ne prend pas seulement garde à elle.
Sur le chemin du salut, sur le chemin charnel, sur le chemin raboteux du salut, sur la route interminable, sur la route entre ses deux sœurs la petite espérance s’avance, entre ses deux grandes sœurs… Et l’on n’a d’attention, le peuple chrétien n’a d’attention que pour les deux grandes sœurs, la foi et la charité, celle qui est à droite et celle qui est à gauche. Et il ne voit quasiment pas celle qui est au milieu, la petite, celle qui va encore à l’école et qui marche perdue entre les jupes de ses sœurs. Et il croit volontiers que ce sont les deux grandes qui traînent la petite par la main. Alors que c’est elle au milieu qui entraîne ses grandes sœurs et que sans elle elles ne seraient rien…
C’est elle, cette petite, qui entraîne tout. Car la Foi ne voit que ce qui est et elle, elle voit ce qui sera. La Charité n’aime que ce qui est, et elle, elle aime ce qui sera. L’Espérance voit ce qui n’est pas encore et qui sera. Elle aime ce qui n’est pas encore et qui sera dans le futur du temps et de l’éternité.
Sur le chemin montant, sablonneux, malaisé, sur la route montante, traînée, pendue aux bras de ses deux grandes sœurs, qui la tiennent par la main, la petite espérance s’avance. Et au milieu, entre ses deux grandes sœurs elle a l’air de se laisser traîner comme une enfant qui n’aurait pas la force de marcher et qu’on traînerait sur cette route malgré elle. En réalité c’est elle qui fait marcher les deux autres et qui les traîne et qui fait marcher tout le monde et qui le traîne … Et les deux grandes ne marchent que pour la petite. Charles Péguy, Le Porche du mystère de la deuxième vertu, 1912.
Seigneur, puisque, comme le disait Paul à Tite, tu nous as destinés à devenir ce peuple ardent à faire le bien, viens nous établir dans l’espérance. Pour que nous ne nous laissions pas emporter à la dérive, donne-nous de jeter notre ancre en Toi. Augmente en nous la foi afin que nous puissions croire encore et toujours qu’il n’est pas vain d’avoir choisi de tenir notre place de simples serviteurs comme tu nous y invites dans l’Evangile. Renforce la lucidité, le courage de ceux qui ont reçu la mission de guider ton peuple. Envoie-leur tous les charismes nécessaires pour qu’ils parviennent à piloter par gros temps.