6 juin : jeudi 9° semaine ordinaire. On n’enchaine pas la Parole ! Aimer l’autre comme soi-même, qu’est-ce que ça veut dire ?

Dans la 1° lecture, il y avait pas mal de paroles que nous connaissions et même que nous chantions !  Celle sur laquelle je voudrais m’arrêter, c’est cette déclaration pleine d’espérance : on n’enchaîne pas la parole de Dieu ! Pourtant, Dieu sait si des efforts ont été déployés pour tenter de le faire. D’abord, on a cherché à faire taire Celui qui était la Parole incarnée. Au cours de son ministère public, sans arrêt, ses détracteurs ont cherché à lui clouer le bec et comme ils n’y sont pas arrivé, ils l’ont fait mourir et enfermé dans un tombeau bien scellé, mais on n’enchaîne pas la parole de Dieu !  Ressuscité, il a promis à ses apôtres de leur envoyer l’Esprit-Saint et cet Esprit est venu sous forme de langue de feu, précisément pour que leur parole soit une parole de feu, capable de toucher les cœurs et qu’il soit bien clair que, jamais on n’enchaînera pas la parole de Dieu ! 

Les apôtres ont commencé leur mission d’évangélisation avec une ardeur qui a dû surprendre tous ceux qui les avaient connus peureux, inconstants. Le christianisme se répandant comme une trainée de poudre, les autorités sont devenues inquiètes et ont lancé de grandes persécutions pour que, plus jamais on n’entende parler des chrétiens, mais on n’enchaîne pas la parole de Dieu ! Et bien loin de ralentir la propagation du christianisme, les persécutions ont accéléré son expansion. Au cours des siècles, le scénario s’est répété maintes et maintes fois et continue encore de se répéter dans un certain nombre de pays totalitaires. Mais on avait découvert avec émerveillement comment, en URSS, les grand-mères russes, les babouchkas, avaient pu, sans s’inquiéter des risques qu’elles prenaient, transmettre le feu de la foi. Une fois de plus, on constatait qu’on ne pourra jamais enchaîner la parole de Dieu !

Il peut nous arriver de nous interroger, légitimement, sur l’avenir de la foi chez nous ; il peut nous arriver de nous inquiéter quand nous entendons la douloureuse question de Jésus à ses apôtres : le Fils de l’homme, quand il viendra, trouvera-t-il encore la foi sur la terre ? Dans ces moments-là, nous pouvons aussi réentendre cette affirmation de Paul : on n’enchaîne pas la parole de Dieu ! Ce n’est évidemment pas une affirmation qui doit nous tenir dans le quiétisme, mais elle nous permettra de prendre notre part dans l’évangélisation en étant bien conscient que cette Parole que nous annonçons a une puissance telle qu’on ne l’enchaînera jamais ! Nous voyons bien que l’influence de l’Eglise diminue dans la société et que les lois deviennent de plus en plus contraignantes pour faire respecter la laïcité. Oui, tout cela est vrai, mais, dans le même temps le nombre des catéchumènes ne cesse d’augmenter et ils viennent par des chemins tellement déroutants que c’est bien vrai, on n’enchaîne pas la parole de Dieu !

Venons-en à l’Evangile ! Ça fait plaisir de rencontrer un scribe sympa ! Il n’y en a pas tant que ça dans l’Evangile ! Je veux d’abord m’arrêter à l’ultime parole de Jésus dans ce texte : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu. » Pour une fois qu’il est mis en présence d’un scribe sympa, Jésus aurait pu être plus sympa et lui donner une vraie bonne note, cette mention bien, elle ne nous semble pas très généreuse, on aurait aimé une mention très bien avec félicitations du jury ! D’autant plus que l’Evangile nous dit que Jésus a vu qu’il avait fait une remarque judicieuse, alors pourquoi Jésus se contente-t-il de dire : « Tu n’es pas loin du royaume de Dieu » ? Il me semble que la réponse est assez simple : Jésus se méfie de ceux qui font de belles réponses mais qui, ensuite, ne mettent pas en pratique ce qu’ils disent. Parce que, finalement, faire de bonnes réponses théoriques, ce n’est pas si compliqué que ça ! Mais, après, il restera à le vivre et, ca, c’est une autre paire de manche ! C’est ce que Jésus rappellera au docteur de la Loi qui lui avait posé une question assez semblable : Maître, que dois-je faire pour avoir en héritage la vie éternelle ? Il racontera la parabole du bon samaritain qu’il conclura par ces paroles : « Va, et toi aussi, fais de même. » Aujourd’hui comme hier, l’Eglise et le monde ont plus besoin de bons samaritains que de personnes qui ont les bonnes réponses à toutes les questions théologiques, même les plus compliquées !

Maintenant, je voudrais quand même revenir un peu en arrière pour dire quelques mots des deux paroles que Jésus cite. La première ne nous pose pas trop de problème, aimer Dieu et l’aimer en s’y engageant de tout son être, c’est logique pour définir ce qu‘est un croyant. 

Cependant, vous aurez remarqué que ce commandement visant l’amour de Dieu, Jésus l’a fait précéder de ce rappel absolument fondamental : Si tu veux aimer le Seigneur, le 1° acte, c’est de l’écouter. Tu ne donneras jamais une plus grande preuve d’amour à ton Seigneur que de l’écouter. Nous connaissons tous cette merveilleuse parole d’Isaïe : Chaque matin, il éveille, il éveille mon oreille pour qu’en disciple, j’écoute. Le Seigneur mon Dieu m’a ouvert l’oreille, et moi, je ne me suis pas révolté, je ne me suis pas dérobé. Is 50,4-7 Et le Seigneur précise justement que c’est dans la mesure où on l’aura écouté qu’on pourra aimer, je cite encore Isaïe : Le Seigneur mon Dieu m’a donné le langage des disciples, pour que je puisse, d’une parole, soutenir celui qui est épuisé.

Voilà, c’était pour la 1° partie du double commandement de l’amour. La formulation de la 2° partie pourrait nous poser un peu plus de problème : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. Qu’est-ce que ça veut dire concrètement ? Est-ce que ça veut dire qu’à travers l’autre, c’est moi que je dois aimer ? Et comment font tous ceux qui n’arrivent pas à s’aimer ? Sont-ils aussi condamnés à ne pas pouvoir aimer les autres ?

J’avais lu, un jour dans un commentaire d’un exégète qu’on pourrait traduire autrement ce précepte. Au lieu de « tu aimeras ton prochain comme toi-même » on aurait pu traduire : Tu aimeras ton prochain qui est un autre toi-même. Je trouve cette traduction assez suggestive : l’autre est un autre moi-même, c’est-à-dire qu’il a ses fragilités, ses médiocrités comme moi, mais que, comme moi, il a besoin d’être aimé. Comme moi, sans amour, il ne pourra pas vivre. On peut le décliner de bien des manières toutes très suggestives : Tu aimeras ton prochain qui est un autre toi-même !

Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons que nous soit donnée la grâce d’une vraie cohérence de vie qui se vérifiera dans un amour authentique pour Dieu et les autres. Seule cette cohérence de vie rendra notre témoignage crédible et permettra à la Parole de Dieu de poursuivre sa course puisqu’on ne l’enchainera jamais.

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