Dimanche 25 septembre : 26° dimanche. Quand Jésus transforme une histoire bien connue.

Quand les auditeurs de Jésus ont commencé à l’entendre raconter cette histoire d’un mauvais riche et d’un bon pauvre, ses auditeurs ont dû penser que Jésus faisait du plagia ! Mais, ceux qui sont restés attentifs, très vite, ont compris que Jésus l’avait profondément transformée. Comme quoi, il faut toujours rester très attentifs quand quelqu’un nous parle même s’il nous semble déjà savoir ce qu’il veut dire … peut-être pourrions-nous appliquer le principe à notre manière de nous écouter et aussi à notre manière d’écouter les homélies !

En fait, il n’y avait pas une histoire, mais deux histoires dont Jésus s’était inspiré. La première était un conte venant d’Egypte qui présentait, lui aussi, deux personnages : un riche plein de péchés et un pauvre plein de vertus. Les deux sont morts et en arrivant dans l’au-delà, ils ont été pesés sur la balance pour voir si leurs bonnes l’emportaient sur leurs mauvaises actions. Par la suite, les rabbins ont transformé cette histoire. Le riche était le fils d’un publicain, un grand pécheur donc et le pauvre était un homme très pieux, fils d’un docteur de la Loi. A leur mort, tous les deux avaient été pour déterminer les mérites de l’un et de l’autre ; très logiquement, le pauvre pieux avait été reconnu plus méritant que le riche fils du publicain. On le comprend, cette histoire était racontée pour prévenir les gens de faire bien attention : leurs actes seront pesés et les méchants seront punis. L’histoire invitait donc au partage et peu importe si on s’y engageait par amour de la vertu ou par peur du châtiment éternel, ce qui comptait, c’était le résultat. Racontée, par les rabbins, l’histoire visait en plus à culpabiliser les publicains, ces hommes considérés détestables puisqu’ils étaient collaborateurs et voleurs.

Est-ce la même morale que Jésus nous invite à tirer de l’histoire qu’il raconte ? Pas sûr, parce qu’il y a un double détail qui doit attirer notre attention. Il a sûrement attiré l’attention des auditeurs de Jésus et c’est précisément ce détail qui leur a permis de comprendre que Jésus avait profondément transformé la portée de cette histoire. On dit souvent qu’on ne sait rien du riche alors que le pauvre, lui, il a un nom et quel nom, Lazare, ce qui signifie : le Seigneur aide. C’est vrai, nous ne connaissons pas le nom du riche, mais nous ne pouvons pas, pour autant, dire que nous ne savons rien à son propos. En effet, il y a deux détails importants que Jésus a tenu à nous faire connaître le concernant, il nous dit que l’homme riche était vêtu de pourpre et de lin fin. Ces deux détails ont forcément attiré l’attention de ses auditeurs. En effet, ne trouvez-vous pas étonnant que nous connaissions la matière et la couleur de ses vêtements et que nous ne connaissions pas son nom ? 

Pour les auditeurs de Jésus, il n’y avait pas besoin d’en dire plus, ces deux détails étaient suffisamment clairs pour identifier ce riche. Nous, il nous faudra consulter un bon dictionnaire biblique pour comprendre la portée de ces détails ! En le consultant, on va apprendre que la couleur pourpre était, au départ, la couleur réservée aux vêtements royaux et que, par la suite, elle était devenue la couleur des vêtements des grands prêtres, parce que, finalement, c’étaient eux qui servaient le véritable roi du monde. Ce détail concernant la couleur des vêtements de cet homme riche semble donc nous dire quelque chose d’important concernant l’identité de cet homme, il s’agirait d’un haut dignitaire du clergé du Temple. Et la matière de ses vêtements, le lin, vient confirmer ce que nous venons d’apprendre puisque c’était dans cette matière, le lin, qu’étaient confectionnée la tunique du grand prêtre et des plus hauts dignitaires du clergé. 

Alors, vous comprenez que ça commence à devenir très intéressant puisque Jésus nous parle d’un homme riche, mais ce qui semble le plus l’intéresser, c’est de nous dire discrètement, certes, mais réellement quand même, qu’il s’agissait d’un prêtre et pas d’un prêtre de base mais d’un haut dignitaire du clergé. Il ne donne pas son nom comme pour ne pas aller trop dans la délation et puis, de toutes façons, nous sommes dans une parabole, donc pas dans la narration d’un évènement qui a eu lieu. 

Mais vous voyez tout de suite la transformation opérée par Jésus par rapport à l’histoire des rabbins. Le riche n’est plus le fils d’un homme détestable, un publicain, mais c’est un homme respectable, un prêtre. Alors, maintenant que nous avons ce renseignement précieux, nous pouvons relire la parabole en essayant de comprendre ce que Jésus veut nous dire. 

Parce qu’il était prêtre, ce riche ne pouvait ignorer la Parole de Dieu. Il ne pouvait donc ignorer cette parole du Deutéronome : Se trouve-t-il chez toi un malheureux parmi tes frères, dans l’une des villes de ton pays que le Seigneur ton Dieu te donne ? Tu n’endurciras pas ton cœur, tu ne fermeras pas la main à ton frère malheureux, mais tu lui ouvriras tout grand la main et lui prêteras largement de quoi suffire à ses besoins. (15,7-8) Il ne pouvait pas non plus ignorer le sévère avertissement du prophète Amos que nous avons entendus dans la 1° lecture : la bande des vautrés n’existera plus ! Et cet avertissement le concernait particulièrement lui qui, nous est-il dit, faisait des festins somptueux. Il mangeait donc couché comme on le faisait à l’époque et la surabondance des mets et des vins devait le conduire, lui et ses convives, à finir complètement vautrés.

Et vous voyez que Jésus, à aucun moment, ne cherche à savoir si ce pauvre était vertueux et religieux. Ce qui lui vaudra les faveurs d’Abraham, c’est qu’il en a bavé sur cette terre. Quant au riche, il a beau être un prêtre dignitaire du Temple, ça ne compte pour rien dans sa destinée éternelle. C’est un avertissement salutaire pour nous : nous ne pouvons compter ni sur notre statut, ni sur nos heures passées à l’église pour penser que nous avons mérité le ciel et que Dieu devra nous récompenser ! Ce qui compte, ce ne sont pas nos belles paroles mais nos actes concrets et particulièrement les actes en direction des plus pauvres et ce qui compte encore plus, c’est la miséricorde de Dieu.

Mais justement, il y a quand même quelque chose qui peut nous gêner : où est la miséricorde dans cet Evangile ? C’est une vraie question ! J’ai été quand même étonné que dans ce texte, qu’à propos de l’au-delà, il ne soit jamais question de Dieu. C’est Abraham et lui seul qui occupe toute la place comme maitre de l’au-delà. Avouez que c’est quand même surprenant, qu’Abraham occupe une bonne place, c’est bien normal, mais toute la place, c’est quand même étonnant ! Alors je me suis dit qu’il ne s’agissait peut-être pas du jugement dernier, mais du passage dans une sorte d’antichambre qui nous permettrait de prendre conscience de toutes nos insuffisances, de souffrir de tous nos manques d’amour. Sans doute est-ce cela dont l’Eglise veut parler quand elle parle du purgatoire, cet état transitoire dans lequel la lumière de l’amour viendra révéler notre égoïsme. Et ce n’est pas Dieu qui décidera de nous faire souffrir le temps qu’il faut pour expier, non ! C’est nous qui allons souffrir quand nous prendrons conscience qu’en tant d’occasions, nous aurions pu faire tellement plus, tellement mieux. L’antichambre du purgatoire servira à cela, ce n’est pas une punition, mais une prise de conscience nécessaire. Et on voit bien que le riche n’a encore pas tout compris, dans l’au-delà, il continue à agir comme sur terre quand son argent lui permettait tout, du coup, on l’entend donner des ordres à Abraham, transformer Lazare en serviteur. Il n’a pas encore tout compris, il lui faudra du temps. Mais un jour, la miséricorde interviendra pour lui, pour nous, quand nous serons devenus inconsolables d’avoir été si souvent médiocres. En voyant que nous avons pris conscience de notre péché et que nous le regrettons vraiment, le Seigneur viendra nous chercher pour couvrir notre honte du manteau de sa miséricorde. Car, après tout, celui qui a créé le fossé infranchissable, peut aussi décider de le combler

La parabole ne va pas jusque-là, mais on ne peut pas tout demander à une parabole qui n’est pas un traité de théologie mais une histoire percutante qui nous invite à réfléchir. Seigneur, ouvre nos yeux, ouvre nos cœurs, ouvre nos portefeuilles pour que nous ne passions plus à côté de ceux qui ont besoin de nous sans les voir, sans les aimer, sans les aider. C’est ainsi que dès cette vie, nous pourrons expérimenter la joie qui nous est promise éternellement de vivre dans l’amour.

Cette publication a un commentaire

  1. NGENDAKURIYO

    Amen, merci.

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