16 décembre : samedi 2° semaine de l’Avent. Le côté pile et le côté face d’Elie et de Jean-Baptiste … et le nôtre !

Est-ce que vous êtes comme moi ? Préférez-vous les livres qui racontent le témoignage de quelqu’un aux livres ardus de théologie, de philosophie ? Je me force pour en lire quand même quelques-uns afin de maintenir ma réflexion à jour, mais je me délecte plus à lire les livres de témoignage, c’est tellement plus vivant, tellement plus parlant. Le pape Paul VI l’avait bien compris puisqu’il disait : « l’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maitres ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins ! » Oui, un témoignage touche bien plus le cœur qu’une leçon, surtout quand la leçon est compliquée !

Eh bien, ce sont deux témoins que les lectures d’aujourd’hui nous présentent : Elie et Jean-Baptiste. Ce sont deux prophètes, l’un, Elie qui peut être considéré comme le premier et l’autre, Jean-Baptiste, qui est le dernier. Et alors, c’est intéressant parce que les lectures d’aujourd’hui nous invitent comme à les superposer pour constater que le dernier reprend le premier. C’est ce que disait l’Evangile, mais c’est vrai qu’il le disait avec des paroles qui peuvent sembler un peu énigmatiques et que j’aimerais nous aider à mieux comprendre pour découvrir le message percutant qui s’adresse à nous, aujourd’hui.

Vous avez entendu le début de l’Evangile : Descendant de la montagne, les disciples interrogèrent Jésus : « Pourquoi donc les scribes disent-ils que le prophète Élie doit venir d’abord ? » En entendant ces paroles, on se demande pourquoi les disciples posent une telle question à Jésus, ils n’auraient pas eu des questions plus importantes, plus vitales ? Mais, en fait, on comprend bien qu’ils posent cette question sur Elie parce qu’ils descendent de la montagne et qu’ils viennent d’assister à la Transfiguration, cet événement au cours duquel Jésus leur est apparu, pendant un moment, complètement lumineux, enveloppé de toute la gloire céleste conversant avec Moïse et Elie. Avouez qu’il y a de quoi être troublé par une telle vision, une telle expérience ! Alors, en redescendant de la montagne, ne sachant plus bien quoi dire, un souvenir de catéchisme remonte à leur mémoire et ils interrogent Jésus à ce sujet. En effet, ils se rappellent que le judaïsme expliquait qu’Elie devait revenir pour inaugurer les temps nouveaux. 

Dans sa réponse, Jésus va dire et ces paroles ne sont pas forcément simples à comprendre : Élie va venir pour remettre toute chose à sa place. Mais, je vous le déclare : Élie est déjà venu ; au lieu de le reconnaître, ils lui ont fait tout ce qu’ils ont voulu. Et de même, le Fils de l’homme va souffrir par eux. » En résumé, Jésus dit deux choses

  • 1/ Oui, Elie doit revenir et il est même déjà revenu ce qui signifie que nous sommes dans les temps nouveaux qu’il devait inaugurer par sa venue.
  • 2/ Mais il n’a pas été accueilli comme, lui-même, Jésus ne sera pas accueilli. Ce qui signifie que les temps nouveaux ont bien commencé mais qu’il faudra du temps pour que le monde soit renouvelé, pour que la vie de chaque homme soit renouvelée parce qu’il y a une vraie résistance de la part des hommes. Mais Dieu restera patient et persévérant !

Je pourrais commenter longuement, mais je vais à l’essentiel. Dans cette réponse énigmatique de Jésus, les apôtres comprennent clairement une chose, c’est qu’en parlant d’Elie qui devait venir et qui est venu, c’est de Jean-Baptiste que Jésus voulait parler. C’est pour cela que je disais, au début, que ces deux figures de témoins, Elie et Jean-Baptiste, les lectures nous invitaient à les superposer, à lire leurs vies comme deux témoignages qui se répondent en écho.

La vie d’Elie, elle a été magnifiquement résumée dans la 1° lecture : le prophète Élie surgit comme un feu, sa parole brûlait comme une torche. Quand j’entends ces paroles, ça me fait baver d’envie et j’espère que vous aussi ! Vous n’aimeriez pas avoir une parole de feu, une parole qui brûle les cœurs des autres comme une torche ? Imaginez un peu ce que la vie serait belle si toutes les paroles qui sortaient de nos bouches étaient des paroles brûlantes d’amour capables de toucher n’importe quel cœur. Ça c’est le côté « pile » d’Elie, son bon côté, mais, hélas, il y avait aussi chez lui, un côté « face » moins brillant et Ben Sirac, l’auteur de cet éloge d’Elie, le suggère. Comme souvent, les grands enthousiastes peuvent devenir parfois un peu excessifs, c’est ce qui est arrivé à Elie.

Ben Sirac évoque à demi-mots l’exploit d’Elie qui a voulu prouver que Dieu, le Dieu qui s’est révélé au peuple des hébreux était le vrai et seul Dieu. Et ça devenait urgent de le prouver puisque le roi avait épousé une païenne, Jézabel, qui était venue avec toutes ses divinités et les prêtres chargés de répandre cette nouvelle religion. C’est dans une manifestation à grand spectacle qu’Elie avait montré et même démontré qu’il n’y avait pas d’autre Dieu que celui dont il était le prophète. (1 R 18) Mais voilà, emporté par son enthousiasme, Elie a voulu nettoyer le terrain en massacrant les 450 prêtres païens qui l’avaient défié ! Et ça, Dieu ne le lui avait sûrement pas demandé ! Alors, Dieu le lui fera comprendre dans une longue épreuve qu’il devra traverser, épreuve au terme de laquelle Dieu se révèlera à Elie dans ce fameux « silence ténu d’une brise légère ». Ainsi, il devenait bien clair que Dieu n’accepterait jamais qu’on se serve de la violence pour arriver à convaincre ceux qui ne croyaient pas en lui.

Alors, c’est vrai, Jean-Baptiste ressemble à Elie, comme un frère jumeau ! Son côté « pile », c’est, comme pour Elie, une parole qui brûlait les cœurs des autres comme une torche ! C’est bien clair, Jean-Baptiste avait une Parole de feu, la preuve, c’est que l’Evangile nous parle de cette longue file de ceux dont le cœur avait été touché par sa parole enflammée et qui attendaient le temps qu’il fallait pour se faire baptiser par lui. Mais, comme Elie, Jean-Baptiste avait aussi un côté face, moins brillant. Vous connaissez sans doute quelques-unes des paroles excessives de Jean-Baptiste présentant le Messie comme celui qui va venir faire un grand nettoyage. Comme Jésus va refuser d’endosser ce rôle, à la fin de sa vie, en prison, Jean-Baptiste sera un peu perdu se demandant s’il ne s’est pas trompé et si Jésus est bien le Messie. Ce en quoi Jésus le rassurera en l’invitant à convertir sa conception du Messie. C’est ce qu’avait fait Dieu avec Elie en se révélant dans le silence ténu d’une brise légère. Jésus dira à Jean-Baptiste : n’attends pas des coups d’éclat qui clouent le bec ! Ce qui atteste que je suis le Messie, c’est que j’ai pris soin des plus pauvres. 

Vous le voyez, la vie de ces deux témoins se superpose très bien : grand enthousiasme, parole de feu et, revers de la médaille, une conception de Dieu, de la mission à purifier pour comprendre que Dieu ne pourra jamais considérer comme son ami celui qui cherche à imposer la foi par la violence d’aucune forme qu’elle soit, violence physique, psychologique, verbale. Chers amis, peut-être, qu’à certains moments nos vies se superposent aussi à celles d’Elie et de Jean-Baptiste. Dans notre côté pile, nous pouvons, par grâce, avoir des paroles de feu qui touchent les cœurs, mais dans notre côté face, nous pouvons avoir, sinon des paroles au moins des pensées, qui nous font rêver que ceux qui ne sont pas d’accord avec nous, qui ne partagent pas notre foi, nos adversaires soient supprimés.

La révélation que Dieu a accordée à Elie comme à Jean-Baptiste visait à leur faire comprendre que seuls, seront ses amis ceux qui donneront leur vie dans un amour total à l’égard de tous leurs frères en ne cherchant rien d’autre qu’à les servir et les aimer. Je ne sais pas si vous connaissez ces merveilleuses paroles que le frère Eloi Leclerc met sur la bouche de St François d’Assise :  » Le Seigneur nous a envoyés évangéliser, mais as-tu déjà réfléchi à ce que c’est qu’évangéliser les hommes ? Évangéliser un homme, vois-tu, c’est lui dire : « Toi aussi, tu es aimé de Dieu dans le Seigneur Jésus. » Et pas seulement le lui dire, mais le penser réellement. Et pas seulement le penser, mais se comporter avec cet homme de telle manière qu’il sente et découvre qu’il y a en lui quelque chose de sauvé, quelque chose de plus grand et de plus noble que ce qu’il pensait … C’est cela, lui annoncer la Bonne Nouvelle. Tu ne peux le faire qu’en lui offrant ton amitié. Une amitié réelle … faite de confiance et d’estime profondes. Le monde des hommes est un immense champ de lutte pour la richesse et la puissance. Et trop de souffrances et d’atrocités leur cachent le visage de Dieu. Il ne faut surtout pas qu’en allant vers eux nous leur apparaissions comme une nouvelle espèce de compétiteurs. Nous devons être au milieu d’eux les témoins pacifiés du Tout-Puissant, des hommes sans convoitises et sans mépris, capables de devenir réellement leurs amis. C’est notre amitié qu’ils attendent, une amitié qui leur fasse sentir qu’ils sont aimés de Dieu et sauvés en Jésus-Christ. » Que par l’intercession de Notre Dame de Laghet, nous puissions devenir ces amis des hommes et ces amis de Dieu, et, pour cela, qu’elle nous obtienne les guérisons nécessaires !

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