Hier, la lecture des Actes nous parlait déjà de Philippe évangélisant la Samarie, suite à la persécution déclenchée après le meurtre d’Etienne, persécution qui avait dispersé les chrétiens. Philippe, avec Etienne, fait partie des deux diacres connus, les 5 autres, nous ne connaissons que leur nom. Remarquez, moi, je trouve bien qu’il y ait des gens comme ça dont nous ne connaissons que le nom. On ne sait rien d’eux, de ce qu’ils ont dit, de ce qu’ils ont fait, mais ils ont tenu leur place et tenir sa place, c’est-à-dire accomplir son devoir d’état, ce n’est pas si mal ! Nous pourrions déjà demander cette grâce de bien tenir notre place.
Revenons à Philippe. A cause de la dispersion des chrétiens, il ne peut plus exercer directement le ministère pour lequel il avait été choisi. Le ministère confié aux diacres, vous le savez, c’était le ministère de la charité qu’ils devaient exercer dans le service des tables. Eh bien, empêché d’exercer le ministère concret qu’il avait reçu, Philippe va chercher comment continuer à exercer quand même le ministère de la charité, mais autrement. Et cette page du livre des Actes nous montre que c’est en évangélisant que Philippe va exercer ce ministère de la charité. Car évangéliser, c’est bien exercer la charité et l’exercer de fort belle manière.
C’est le pape Paul VI, dans l’exhortation Evangelli Nuntiandi, qui va insister sur ce point. Il affirmera qu’évangéliser, c’est le plus grand service que nous puissions rendre à l’humanité. Philippe continue donc à exercer le ministère de la charité en évangélisant. C’est ainsi qu’hier on le voyait évangéliser la Samarie et aujourd’hui, la lecture des Actes nous présente Philippe comme un modèle que nous pouvons imiter si nous voulons devenir de bons évangélisateurs ou, pour reprendre, la terminologie du pape François, de vrais disciples-missionnaires.
Avez-vous prêté attention au début du texte qui donnait la feuille de route à Philippe pour sa mission ? Mets-toi en marche en direction du sud, prends la route qui descend de Jérusalem à Gaza ; elle est déserte. Je ne sais pas pourquoi, mais la traduction liturgique a supprimé un détail et c’est bien dommage car l’ange précise que c’est l’heure de midi. On ne peut pas dire que la mission soit exaltante : partir sur une route déserte à midi ! Et, d’ailleurs, c’est sûrement parce que c’est midi que la route est déserte. Personne ne sort à cette heure-là, pas d’abord parce que c’est l’heure de manger mais parce que, dans ce pays, à cette heure, il fait trop chaud ! Philipe est donc envoyé à midi sur une route déserte, le plus surprenant c’est qu’il accepte d’y aller quand même ! Il ne discute pas ce que le Seigneur lui demande, quel bon serviteur ce Philippe !
Il rejoint donc cette route déserte et il a bien raison d’y aller car, en fait, la route n’était pas si déserte que ça, il y a un homme sur son char ! Parce qu’il a obéi à ce que le Seigneur lui demandait, la rencontre qu’il va faire, l’expérience d’évangélisation qu’il va vivre sera vraiment extraordinaire. Méfions-nous toujours de nos critères trop humains pour évaluer les missions qui nous sont confiées. Si c’est le Seigneur qui appelle, même si ce qui nous est demandé peut nous déconcerter, nous aurons toujours de belles surprises ! Et après tout, quand on y réfléchit bien, c’était une très belle mission : aller dans un endroit désert pour faire fleurir ce désert, c’est magnifique ! Le problème, c’est que souvent, nous, nous rêvons d’aller là où l’herbe est déjà bien verte !
La suite de la rencontre, on pourrait la lire en parallèle avec la rencontre d’Emmaüs. Philippe va jouer pour cet homme éthiopien le rôle que Jésus a joué pour les deux disciples d’Emmaüs. Je ne peux pas reprendre tous les éléments, je vous laisserai faire ce petit exercice si vous en avez le temps et le goût ! Ce parallèle entre ce texte et celui d’Emmaüs n’a rien d’étonnant puisque c’est St Luc qui a écrit l’Evangile dans lequel il y a le récit d’Emmaüs et c’est ce même St Luc qui a écrit le livre des Actes dans lequel il y a ce récit concernant Philippe.
Mais du coup, vous comprenez que, par ce procédé, St Luc veut nous présenter Philippe comme un témoin exemplaire de Jésus puisqu’il agit et qu’il parle comme Jésus. C’est donc une invitation pour nous, si nous voulons être de bons témoins de Jésus, à la suite de Philippe de parler et d’agir comme Jésus. S’il y a une bonne question que nous devrions nous poser plusieurs fois par jour, c’est d’ailleurs celle-là : si Jésus était à ma place que dirait-il, que ferait-il ? Si nous prenons l’habitude de le faire, nous ressemblerons de plus en plus à Jésus.
En ce qui concerne l’Evangile, vous avez remarqué que, toute cette semaine, nous entendons le discours sur le Pain de Vie que Jésus a prononcé à la synagogue de Capharnaüm, après la multiplication des pains et que St Jean nous rapporte. Je l’ai déjà dit, ce discours se médite plus qu’il ne se commente, alors, chaque jour, j’épingle une phrase qui peut nourrir notre méditation, mais vous avez bien le droit d’en retenir une autre ! En tout cas, aujourd’hui, moi, celle que je retiens, c’est la dernière : Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. Vous avez remarqué la répétition du verbe donner et c’est cette répétition sur laquelle j’ai envie de méditer un peu plus.
En effet, il me semble que c’est un peu comme si Jésus nous disait : je me donne à vous dans l’Eucharistie pour que vous, à votre tour, vous puissiez vous donner. Nous avons tous à nous donner, ceux qui ont une famille se donnent à leur conjoint, à leurs enfants ; ceux qui ont un travail se donnent dans leur travail ; ceux qui ont reçu une mission se donnent pour l’accomplir avec tout leur cœur. Mais le risque, c’est qu’à force de nous donner, nous soyons complètement vidés. Eh bien, le secret pour se donner sans se vider, c’est de recevoir Jésus qui se donne dans l’Eucharistie. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde. Je me donne dit Jésus pour nourrir votre don.
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce de devenir, à la suite de Philippe, de vrais témoins de Jésus. Demandons-lui aussi la grâce d’accueillir toujours mieux ce don de l’Eucharistie pour toujours mieux nous donner.