La 1° lecture nous rapporte ce qui s’est passé au cours de l’Assemblée de Jérusalem, le 1° concile de l’Eglise qui devra statuer sur l’entrée des païens dans l’Eglise. Il faut que nous soyons conscients que c’est notre statut de chrétien qui s’est joué dans cette assemblée puisque nous sommes les descendants de ces païens. Je rappelle que le terme de païen, dans l’Ecriture, désigne ceux qui ne sont pas juifs, c’est-à-dire vous et moi. Les délibérations de l’Assemblée de Jérusalem nous concernent donc de manière toute particulière. Il y aurait beaucoup à dire, mais je ne retiendrai que deux points.
Le 1° point que je souligne, c’est la place de Pierre dans ce processus d’accueil des païens dans l’Eglise. C’est Paul qui avait été choisi pour être l’apôtre des païens, mais quand Pierre prend la parole au cours de l’assemblée de Jérusalem, il tient à expliquer c’est lui qui a ouvert la porte de la foi aux païens avec l’épisode du Baptême de Corneille. C’est ce qu’on peut comprendre derrière ces mots qu’il prononce : « Frères, vous savez bien comment Dieu, dans les premiers temps, a manifesté son choix parmi vous : c’est par ma bouche que les païens ont entendu la parole de l’Évangile et sont venus à la foi. » C’est assez clair : « c’est par ma bouche que les païens ont entendu la parole de l’Évangile et sont venus à la foi. » Alors, c’est vrai, Pierre n’insiste pas trop sur le fait qu’il a été très hésitant à baptiser Corneille et qu’il a fallu que l’Esprit-Saint le devance pour qu’il ose ce geste. Il ne fait pas non plus allusion au rétropédalage qu’il a effectué juste après sous la pression des judaïsants. Tout cela est également vrai, mais, c’est quand même lui qui a ouvert la porte de la foi aux païens, il a donc raison d’affirmer : « c’est par ma bouche que les païens ont entendu la parole de l’Évangile et sont venus à la foi. »
Est-ce que ces paroles seraient la trace d’une querelle d’égos entre Pierre et Paul ? Je ne le pense pas même si, nous le savons, ils ont eu parfois des vraies discussions d’hommes ! Mais leur égo, ils savaient le mettre de côté pour le service de l’Eglise. Si Pierre précise que c’est par lui que les païens ont entendu la parole de l’Evangile, ce n’est donc pas dans le cadre d’une querelle d’égo, mais il insiste pace que c’est une dimension essentielle du ministère pétrinien. Ce n’est pas pour rien que Pierre est représenté avec des clés, d’ailleurs Jean-Paul II, réfléchissant sur ce ministère pétrinien, qu’on définit parfois par le ministère des clés, disait que le Christ a confié les clés à Pierre pour qu’il ouvre. Certes dans la parole de Jésus, il est bien question d’un pouvoir d’ouvrir et de fermer mais Jean-Paul II avait souligné que la grande mission, c’était d’ouvrir afin que la parole de Jésus puisse s’accomplir : qu’aucun homme ne soit perdu ! C’est pour cela que le pape François est toujours à l’affut de trouver une ouverture possible pour rejoindre ceux dont l’Eglise se trouve un peu loin et qui risquent de rester au bord du chemin. Aujourd’hui encore, quand le pape veut ouvrir, ça fait grincer des dents, comme la décision de Pierre avait fait grincer des dents à Jérusalem, mais il en va, aujourd’hui comme hier, de la vérité de l’Evangile.
Le 2° point que je voulais souligner se trouve encore dans la déclaration de Pierre qui affirme : « Oui, nous le croyons, c’est par la grâce du Seigneur Jésus que nous sommes sauvés. » On croirait lire une affirmation de Paul dans la lettre aux Romains, comme quoi les oppositions que nous soulignons parfois entre Pierre et Paul sont quand même exagérées. On le comprend donc, l’enjeu des débats à l’Assemblée de Jérusalem était bien autre chose qu’une querelle entre progressistes et tradis puisqu’il s’agit d’une vérité de foi essentielle : Jésus est-il, oui ou non, l’unique sauveur ?
Si la loi est déterminante pour le Salut au point de devenir incontournable, comme le prétendaient les judaïsants de l’assemblée, alors Jésus n’est plus l’unique sauveur, il y a deux canaux de Salut : la loi et la foi. Nous le savons ce débat sera réactivé dans l’histoire de l’Eglise au moment de la Réforme de Luther. Là, il ne s’agissait plus de la loi juive mais du statut des œuvres dans le Salut. Luther réaffirmera contre vents et marées la doctrine de la justification par la foi seule. Aujourd’hui, vous le savez, cette question ne nous sépare plus puisqu’il y a eu ce fameux accord luthéro-catholique sur la justification en 1998 qui met un terme à ce débat, mais hélas pas à nos divisions ! Aujourd’hui nous sommes d’accord pour dire que nous ne sommes pas sauvés par les œuvres mais que nous ne sommes pas non plus sauvés sans les œuvres. Les œuvres ne conditionnent pas le Salut, elles deviennent plutôt le signe que nous avons accueilli le Salut.
Ces débats, ceux de l’Assemblée de Jérusalem, ceux qui ont été réactivés dans l’histoire de l’Eglise, montrent qu’il est finalement difficile pour beaucoup, voire pour tout le monde d’accueillir la gratuité du Salut. Si vous passez devant un magasin de chaussures et que vous voyez les chaussures qui vous plaisent avec une étiquette « gratuit » vous flairez une arnaque ! Avec la gratuité du Salut, il y a, hélas, des chrétiens qui ont peur d’une arnaque. On nous dit que son amour est gratuit mais certains pensent qu’il nous le fera bien payer un jour d’une manière ou d’une autre ! Eh bien, non, avec Dieu, il n’y aura jamais d’arnaque, c’est gratuit parce que Jésus a payé pour nous, c’est ce qui doit nous tenir dans une gratitude permanente. « Oui, nous le croyons, et nous ne cessons de nous en émerveiller, c’est par la seule grâce du Seigneur Jésus que nous sommes sauvés. »
Juste un mot de l’Evangile qui se médite plus qu’il ne se commente ! « Comme le Père m’a aimé, moi aussi je vous ai aimés. » Nous avons bien du mal à réaliser ce que ça veut dire : nous sommes aimés par Jésus du même amour dont lui-même est aimé par le Père. L’amour du Père pour Jésus est un amour infini, parfait, eh bien, c’est de cet amour dont nous sommes aimés par Jésus. Dans quelques instants, quand nous allons l’accueillir dans notre cœur, il va demeurer en nous et déployer cet immense amour dont il est aimé par le Père. En nous, qui sommes pécheurs, en nous qui sommes si inconstants à l’aimer, à demeurer en lui, il va déployer l’amour dont il est aimé par le Père. Et, comme son amour est débordant, c’est de cet amour que nous pourrons nous aimer tout au long de ce jour. C’est tellement grand, tellement beau ! Notre bonheur est là, nous laisser emplir de cet amour débordant pour mieux le distribuer. « Je vous ai dit cela pour que ma joie soit en vous, et que votre joie soit parfaite. »
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet demandons la grâce de nous réjouir de cette gratuité absolue du Salut soulignée par Pierre dans la 1° lecture. Demandons-lui aussi la grâce d’ouvrir nos cœurs de pauvres pour qu’ils soient emplis et débordants de l’amour du Seigneur.