Même pas peur ! Vous savez c’est la parole qu’aiment bien prononcer les enfants quand on leur propose comme un défi pour montrer qu’ils ont grandi : même pas peur ! Sous-entendu, avant, j’aurais eu peur, mais maintenant, je n’ai plus peur. Eh bien j’ai l’impression que c’est ce que les apôtres ont dit quand ils ont vu s’élever dans les cieux au moment de l’Ascension : même pas peur ! Et figurez-vous que Jésus lui-même a dû aussi prononcer cette parole : même pas peur !
Alors que, Jésus ou les apôtres auraient eu bien des raisons d’avoir peur. Pour Jésus, ce n’est évidemment pas le fait de monter aux cieux, de prendre de la hauteur qui aurait pu lui faire peur. Du ciel, il en venait, ce n’était donc qu’un retour à la maison. Non, ce qui aurait pu lui faire peur, c’est de confier l’Église, avec cette mission extraordinaire de répandre l’Évangile jusqu’aux extrémités de la terre, à cette bande d’hommes finalement si peu préparés. Et du coup, on comprend ce qui aurait pu faire peur aux apôtres : recevoir une mission qui les dépasse complètement.
En effet, tout au long des 3 années du ministère public de Jésus, on ne peut pas dire que les apôtres aient brillé par leurs qualités. Leurs réactions ne devaient pas rassurer Jésus sur la suite quand il ne serait plus là. Très souvent les évangiles, à la fin d’un discours, d’un miracle ou d’une discussion notent cette petite phrase : quant aux apôtres, ils ne comprenaient pas ce que Jésus avait voulu leur dire ou ce que Jésus venait de faire. Les exégètes, ces spécialistes des Ecritures, aiment parler de l’inintelligence des apôtres. Souvent aussi, ils sont complètement décalés et même dramatiquement décalés ! Jésus annonce sa passion et eux se querellent pour savoir qui est le plus grand ! Et ça va continuer jusqu’au bout ! On l’a entendu dans la 1° lecture, Jésus leur donne ses dernières consignes et, eux, ils lui demandent : c’est pour quand l’avènement du Royaume, le grand triomphe auquel tu vas nous associer ! Et puis, il y a eu la passion, ce n’est pas si loin quand arrive la passion, 40 et quelques jours seulement, et là, ils se sont tous montrés lamentables, sauf Jean, mais les autres ont fui, Jésus a été vendu, renié par ceux qu’il avait choisi. Alors pourquoi, malgré toutes ces insuffisances, je persiste à dire que les apôtres, comme Jésus, ont dû dire, au moment de l’Ascension, c’est-à-dire au moment où la mission de l’Église est remise entre les mains de ces hommes si peu fiables : même pas peur ! Eh bien, il y a 3 raisons que nous donnent les textes d’aujourd’hui qui me permettent de le dire.
1° raison : Jésus leur fait une promesse, il va envoyer sur eux la force du St Esprit. Et, cette promesse, on la retrouve dans la 1° lecture, tirée du livre des Actes des Apôtres ainsi que dans l’évangile : Jésus promet le St Esprit. Il ne faut pas s’étonner qu’il y ait cette correspondance entre la 1° lecture et l’évangile puisque vous savez que St Luc est l’auteur du 3° évangile et des Actes des apôtres. Ce n’est donc pas surprenant qu’il y at de grandes correspondances. Donc, dans la 1° lecture et dans l’évangile, juste avant que Jésus ne quitte ses apôtres, c’est comme s’il leur disait : bien sûr, pour le moment, vous n’êtes pas capables d’assumer cette mission que je veux vous confier, vous avez montré toutes vos limites, mais vous allez recevoir une force et quand vous l’aurez reçu, vous ne vous reconnaîtrez plus ! Les auteurs de Star Wars n’ont fait que copier cette promesse avec leur célèbre réplique : que la force soit avec vous ! Et on va voir que cette promesse, ce n’est pas du vent … même si l’Esprit-Saint est souvent comparé au vent !
Les apôtres qui avaient été si défaillants, après le don du St Esprit vont se montrer enfin à la hauteur de la mission, allant même jusqu’à donner leur vie les uns après les autres. Et, si nous sommes là, aujourd’hui, c’est bien le signe que ça a marché, l’évangile a bien été annoncé jusqu’aux extrémités de la terre. Voilà pourquoi Jésus, en partant, peut dire : même pas peur ! Il est sûr de son coup ! En promettant le St Esprit, il sait que ça va marcher et les apôtres acceptent de poser un acte de foi, de croire en la puissance de cette promesse, c’est pourquoi, ils peuvent, eux aussi, dire : même pas peur !
Mais il y a encore une 2° raison. Le livre des Actes nous dit que les apôtres n’ont pas pu suivre la montée de Jésus au ciel, comme nous, nous pouvons suivre le lancement d’une fusée avec des images qui nous permettent de la voir s’élever haut, très haut. Ils n’ont pas pu le suivre car, nous dit le texte, une nuée vint le soustraire à leurs yeux. Et quand ils ont vu Jésus disparaître dans cette nuée, c’est-à-dire dans des nuages denses, les apôtres n’ont pas dit : dommage que le temps se soit couvert, on n’a pas pu le suivre jusqu’au bout ! Non, je pense que, là, ils ont dit : s’il part dans une nuée, alors, même pas peur ! En effet, la nuée, dans les Ecritures, c’est le signe la présence de Dieu. Quand les hébreux traversaient le désert, il nous est dit que Dieu marchait devant eux pour leur montrer le chemin et qu’il marchait devant eux sous la forme d’une nuée. En voyant Jésus s’élever dans une nuée, ils comprennent que son départ n’est pas un abandon, mais la promesse d’un don. Jésus a fait cette promesse : et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin des temps. Eh bien, en disparaissant dans une nuée, il montre que la promesse est accomplie. Comme Dieu, sous la forme d’une nuée, marchait devant son peuple dans le désert, en disparaissant dans une nuée, Jésus leur montre qu’il marchera encore avec eux. Avec eux, les apôtres, mais aussi, avec tous ceux qui prendront le relai de la mission qu’il leur a confiée, il marchera avec nous, autrement, mais bien réellement, c’est la présence voilée mais réelle de Jésus dans l’Eucharistie qui accompagne notre vie, notre marche, notre mission. Oui, la nuée, c’est vraiment un signe fort qui pousse les apôtres à dire avec foi : même pas peur, parce qu’il sera avec nous et avec nos successeurs, jusqu’à la fin des temps.
Enfin, la 3° raison qui les pousse à dire « même pas peur ! » C’est la petite mention de l’Evangile : « tandis qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et il était emporté au ciel. » On peut dire que Jésus est entré dans l’éternité en bénissant. Il s’est éternisé dans ce geste de bénédiction comme pour dire, je vais passer mon éternité à vous bénir ! Nous savons qu’un enfant qui n’a jamais reçu de félicitations, de compliments va grandir avec pas mal de problèmes. Eh bien, Jésus, quand il disparait, bénit ses apôtres comme pour leur dire : vous pouvez compter sur moi, je vous soutiendrai toujours, jamais, je ne serai là pour étaler aux yeux de tous vos insuffisances, vos ratés. Je vous bénis et je vous bénirai toujours, je vous bénis et je bénirai tout ce que vous entreprendrez avec bonne volonté … bien sûr, Jésus ne promet pas de tout bénir et c’est sûr qu’il ne bénit ni les actes, ni les personnes qui dont la révélation des agissements a si gravement sali l’Église ces derniers temps en blessant si profondément ces petits pour qui Jésus a un amour de prédilection. Non, il ne s’agit pas de cela, mais Jésus promet de bénir tout ce qui sera entrepris avec bonne volonté et accompli dans la puissance du St Esprit. Alors, les apôtres, en le voyant s’éterniser dans ce geste de bénédiction peuvent encore dire : même pas peur !
C’est pour ces mêmes raisons que Séverine et François ont pu dire, il y a 20 ans, en s’engageant à vivre dans la fidélité, le respect et l’amour : même pas peur ! La mission les dépassait, c’est sûr, mais ils savaient que l’Esprit-Saint leur était donné dans le sacrement de mariage, que Jésus serait toujours à leurs côtés et qu’il bénirait leur amour. En nous invitant aujourd’hui à faire la fête autour d’eux, ils nous montrent qu’ils ont eu raison de dire : même pas peur ! Et surtout, ils nous invitent à dire, à notre tour, comme un acte de foi : même pas peur !