Journée pour Dieu à Dinard 22-07-2022. Evangéliser à l’école de Marie-Madeleine

Journée pour Dieu – Dinard 21 juillet 2022

Evangéliser à l’école de Marie-Madeleine

Introduction : Demain nous fêtons Marie-Madeleine !

La fête de Marie-Madeleine que nous célébrerons demain, nous a donné l’idée de centrer cette Journée pour Dieu sur l’Evangélisation. Dans ces journées, nous voulons souffler, nous ne venons pas pour nous prendre la tête, nous voulons comme le disent les invitations, souffler, nous émerveiller. Et, même si, à première vue, vous pouvez en être étonnés, je crois que réfléchir un peu sur l’évangélisation, ça nous fera du bien, ça nous permettra de souffler, de nous émerveiller. Il y aura plusieurs points dans mon intervention.

1° point : Pourquoi Marie-Madeleine est-elle liée à l’évangélisation ?

2° point : Qu’est-ce qu’évangéliser ?

3° point : Pourquoi évangéliser ?

4° point : Comment évangéliser ?

Alors c’est parti, commençons par le commencement en parlant un peu de Marie-Madeleine.

1. Pourquoi Marie-Madeleine est liée à l’évangélisation ?

Dans la perspective de la fête de Marie-Madeleine, nous aurions pu parler du péché et de la miséricorde et, peut-être que ça vous aurait paru plus naturel parce que nous avons tous en tête que Marie-Madeleine est cette femme à qui Jésus a remis ses péchés. En fait, ce n’est pas aussi simple que cela ! En effet, la femme pécheresse qui vient chez Simon le Pharisien, pendant le repas, qui baigne les pieds de Jésus de ses larmes, les essuie de ses cheveux et verse un parfum n’est pas nommée. Lc 7, 36-50. Mais quand on lit Mc 16, 9-11 qui parle des apparitions de Jésus ressuscité, il est dit qu’il est apparu à Marie-Madeleine dont il avait chassé 7 démons. Alors, très vite on s’est dit que c’est justement de cette femme dont parlait Lc dans le repas chez Simon. Je n’en dis pas plus car on pourrait aussi se demander si cette Marie-Madeleine ne serait pas aussi la Marie, soeur de Lazare. Les spécialistes discutent beaucoup, la tradition de l’Eglise a toujours affirmé que c’était une seule et même femme. Je le pense moi aussi. En tout cas, on va faire comme si Marie-Madeleine était bien cette femme pécheresse qui est venue au cours du repas chez Simon pour prendre soin de Jésus et que Jésus n’a pas repoussé. 

Ce soir-là, elle a été tellement retournée par l’amour de Jésus qu’à partir de ce moment, Jésus est devenu l’homme le plus important dans sa vie. Du coup, on comprend que la mort de Jésus a été un vrai déchirement pour elle. Quand on aime quelqu’un à ce point, comment supporter de le voir souffrir comme Jésus a pu souffrir ? Marie-Madeleine sera là jusqu’au bout, elle ne peut pas s’éloigner de la croix, le martyr de Jésus auquel elle assiste en direct est son propre martyr. 

Quand Jésus est mis au tombeau, on peut imaginer les sentiments de Marie-Madeleine qui réalise qu’il lui est à jamais enlevé, ce sentiment que l’on peut ressentir, nous-mêmes, à la fermeture du cercueil d’un être aimé ou lors de la mise en terre. Alors, dans l’Evangile de St Jean, Jésus va avoir une marque d’attention particulière pour Marie-Madeleine, c’est à elle qu’il va se montrer en premier. Il faut dire que c’est la 1° à venir au tombeau, Jésus lui manque tellement. Le vendredi, il a fallu faire vite, le shabbat allait commencer, il fallait vite le mettre au tombeau en sachant que ce n’est qu’à la fin du shabbat et après le lever du jour, le dimanche matin qu’on pourrait lui faire les soins que l’on faisait habituellement aux morts. C’était important de traiter avec respect le corps mort de ceux qu’on avait aimé, c’était encore plus important pour Jésus dont le corps avait été si maltraité. Donc au lever du jour, le dimanche matin, sans attendre les autres femmes, sans se préoccuper de savoir comment elle pourra rouler la lourde pierre, Marie-Madeleine part au tombeau, Jésus lui manque trop.

Et c’est là, quand elle arrive, qu’elle se rend compte que la pierre a été roulée. Elle voit un homme qu’elle prend pour le jardinier et lui dit : si c’est toi qui a pris le corps de Jésus dis-moi vite où tu l’as mis … elle veut voir Jésus, même mort, elle a besoin de le retrouver une dernière fois avant que la pierre ne ferme définitivement ce tombeau. Elle veut prodiguer à ce corps inerte les soins qu’elle aurait aimé lui prodiguer, quand il était encore vivant et tellement souffrant sur le chemin de croix et au Golgotha. Et, vous connaissez l’histoire, Jésus se fait reconnaître en prononçant seulement le nom de Marie. Dans le ton de la voix de Jésus, elle reconnait l’amour qui l’avait sortie de l’enfer du péché. Elle se jette à ses pieds, pas à son cou, elle reste dans une relation de respect infini. Et elle va entendre les paroles les plus étonnantes qu’elle n’avait jamais entendues : « Va trouver mes frères pour leur dire que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu. » Jn 20,17. C’est-à-dire que Jésus fait d’elle une chargée de mission, elle doit aller témoigner auprès des apôtres que Jésus est vivant. Alors qu’au tribunal, on n’acceptait pas le témoignage d’une femme, Jésus lui demande d’être témoin, auprès de ses apôtres, de l’événement le plus inouï de l’histoire : lui qu’on avait mis à mort si injustement et avec tant de violence, Dieu l’a ressuscité des morts ! 

C’est à partir de cette mission confiée par Jésus que Marie-Madeleine a reçu le titre « d’apôtre des apôtres. » Apôtre en grec, ça signifie « envoyé », elle a été envoyée auprès des apôtres, elle est donc bien l’apôtre des apôtres. Et comme elle a été chargée d’annoncer aux apôtres la plus grande, la plus inouïe des bonnes nouvelles, la résurrection de Jésus, cette mission fait de Marie-Madeleine la 1° évangélisatrice. Puisque, vous le savez, évangile, c’est un mot grec qui signifie bonne nouvelle ; annoncer une bonne nouvelle, c’est donc évangéliser. On a donc bien raison de parler d’évangélisation en la fête de Marie-Madeleine, l’apôtre des apôtres, la première évangélisatrice, nous avons bien raison de nous mettre à son école pour évangéliser … parce que j’espère que nous voulons évangéliser … en tout cas le pape François ne cesse de nous dire que nous devons évangéliser. Pour essayer de convaincre ceux qui pourraient douter de la nécessité d’évangéliser, j’aimerais maintenant, dans un 2° point réfléchir avec vous sur ce qu’est évangéliser.

2. Qu’est-ce qu’évangéliser ? 

Je l’ai dit, étymologiquement, évangéliser, ça signifie : annoncer une bonne nouvelle. Vous n’en avez pas assez d’entendre à longueur de journée des mauvaises nouvelles ? Dès que vous regardez les infos, que vous écoutez la radio, lisez le journal, c’est une avalanche de mauvaises nouvelles. Bien sûr, tout ce qui est dit existe et il ne faut pas faire l’autruche ! Mais, pour ne pas nous noyer dans ce flot de mauvaises nouvelles, nous avons besoin d’entendre aussi des bonnes nouvelles. Et nous, les chrétiens, nous sommes dépositaires d’une bonne nouvelle extraordinaire : Dieu nous aime, il ne nous enferme jamais dans nos médiocrités, il nous ouvre toujours un avenir, jamais il ne nous laisse tomber. Tout cela Marie-Madeleine l’a expérimentée et c’est pour cela que Jésus l’a choisie comme 1° évangélisatrice. 

Evangéliser, ce n’est donc pas faire du prosélytisme en essayant de démontrer l’Existence de Dieu pour faire des adeptes. Non ! Evangéliser, c’est dire ce que Dieu est capable de faire et pas seulement ce qu’il a fait dans l’histoire, mais ce qu’il ne cesse de faire POUR MOI AUJOURD’HUI … moi qui ne le mérite pas … comme Marie-Madeleine ne le méritait pas ! Mais, plus j’ai conscience de ce que le Seigneur a fait pour moi et plus j’ai envie de le crier ! C’est pour cela que les convertis, les recommençants ont une telle ardeur pour évangéliser : ils savent ce que le Seigneur a fait pour eux, c’est encore frais !

Mais me direz-vous s’il faut, comme Marie-Madeleine, avoir été tiré des abîmes du péché pour évangéliser, ceux qui n’ont pas fait de très gros péchés, ceux qui sont croyants depuis leur enfance, ne sont-ils pas disqualifiés ? Non ! Parce qu’en fait, le Seigneur fait autant pour chacun mais pas de la même manière. C’est Thérèse de Lisieux qui l’avait bien compris. A l’égard de certains (dont elle était et dont je suis, vous aussi peut-être) le Seigneur a déployé un amour protecteur les empêchant de tomber trop bas et à l’égard d’autres, il a déployé un amour rédempteur pour aller les chercher au fond du gouffre dans lequel ils étaient tombés. Evidemment, l’amour rédempteur se voit mieux, mais l’amour protecteur est largement aussi fort ! Nous pouvons donc tous évangéliser parce que nous avons tous bénéficié de son amour sans limite qu’il s’agisse de son amour protecteur ou de son amour rédempteur. Evangéliser, c’est donc fondamentalement témoigner de l’amour du Seigneur. Il y en a un qui l’a bien compris, c’est Eloi Leclerc qui fait parler François d’Assise en mettant ces mots merveilleux dans sa bouche : Le Seigneur nous a envoyés évangéliser les hommes. Mais as-tu déjà réfléchi à ce que c’est qu’évangéliser les hommes ? Évangéliser un homme, vois-tu, c’est lui dire : Toi aussi, tu es aimé de Dieu dans le Seigneur Jésus. Et pas seulement le lui dire, mais le penser réellement. Et pas seulement le penser, mais se comporter avec cet homme de telle manière qu’il sente et découvre qu’il y a en lui quelque chose de sauvé, quelque chose de plus grand et de plus noble que ce qu’il pensait, et qu’il s’éveille ainsi à une nouvelle conscience de soi. C’est cela, lui annoncer la Bonne Nouvelle. Tu ne peux le faire qu’en lui offrant ton amitié. Une amitié réelle, désintéressée, sans condescendance, faite de confiance et d’estime profondes. Il nous faut aller vers les hommes. La tâche est délicate. Le monde des hommes est un immense champ de lutte pour la richesse et la puissance. Et trop de souffrances et d’atrocités leur cachent le visage de Dieu. Il ne faut surtout pas qu’en allant vers eux nous leur apparaissions comme une nouvelle espèce de compétiteurs. Nous devons être au milieu d’eux les témoins pacifiés du Tout-Puissant, des hommes sans convoitises et sans mépris, capables de devenir réellement leurs amis. C’est notre amitié qu’ils attendent, une amitié qui leur fasse sentir qu’ils sont aimés de Dieu et sauvés en Jésus-Christ. In Sagesse d’un pauvre d’Eloi LECLERC.

3. Pourquoi évangéliser ? 

         Avec ce que je viens de dire, j’ai déjà, en partie répondu à la question ! Mais je veux quand même aller plus loin. Et je voudrais vous citer deux textes qui m’éblouissent par leur force, le 1° est du pape François et le 2° est d’un missionnaire de chez moi.

         La réponse de François à cette question dans son grand texte sur l’évangélisation « Evangelii Gaudium » est lumineuse, je le cite : 

265. Toute la vie de Jésus, sa manière d’agir avec les pauvres, ses gestes, sa cohérence, sa générosité quotidienne et simple, et finalement son dévouement total, tout est précieux et parle à notre propre vie. Chaque fois que quelqu’un se met à le découvrir, il se convainc que c’est cela même dont les autres ont besoin, bien qu’ils ne le reconnaissent pas : « Ce que vous adorez sans le connaître, je viens, moi, vous l’annoncer » (Ac 17, 23). Parfois, nous perdons l’enthousiasme pour la mission en oubliant que l’Évangile répond aux nécessités les plus profondes des personnes, parce que nous avons tous été créés pour ce que l’Évangile nous propose : l’amitié avec Jésus et l’amour fraternel. Quand on réussira à exprimer adéquatement et avec beauté le contenu essentiel de l’Évangile, ce message répondra certainement aux demandes les plus profondes des cœurs… L’enthousiasme à annoncer le Christ vient de la conviction que l’on répond à cette attente. L’enthousiasme dans l’évangélisation se fonde sur cette conviction : Nous disposons d’un trésor de vie et d’amour qui ne peut tromper, le message qui ne peut ni manipuler ni décevoir. C’est une réponse qui se produit au plus profond de l’être humain et qui peut le soutenir et l’élever. C’est la vérité qui ne se démode pas parce qu’elle est capable de pénétrer là où rien d’autre ne peut arriver. Notre tristesse infinie ne se soigne que par un amour infini.

266. Cette conviction, toutefois, est soutenue par l’expérience personnelle, constamment renouvelée, de goûter son amitié et son message. On ne peut persévérer dans une évangélisation fervente, si on n’est pas convaincu, en vertu de sa propre expérience, qu’avoir connu Jésus n’est pas la même chose que de ne pas le connaître, que marcher avec lui n’est pas la même chose que marcher à tâtons, que pouvoir l’écouter ou ignorer sa Parole n’est pas la même chose, que pouvoir le contempler, l’adorer, se reposer en lui, ou ne pas pouvoir le faire n’est pas la même chose. Essayer de construire le monde avec son Évangile n’est pas la même chose que de le faire seulement par sa propre raison. Nous savons bien qu’avec lui la vie devient beaucoup plus pleine et qu’avec lui, il est plus facile de trouver un sens à tout. C’est pourquoi nous évangélisons.

         Le 2° texte que je veux citer est donc d’un missionnaire de mon diocèse qui est le 1° blanc à avoir pénétré en Papouasie pour y vivre. Quand il revenait en congé, certains lui reprochaient d’être allé embêter les papous qui se passaient très bien de l’Evangile ! Voilà la réponse cinglante qu’il faisait à ce genre de remarques.

 « Ont-ils donc perdu la mémoire tous ces gens de là-bas (il parle donc de nous !) qui me demandent régulièrement : Pourquoi, mon Père aller chez ces bons papous ? Ils sont heureux comme ça ! Non, je leur réponds, un peu agacé ! Non ! Vous vous trompez, ils ne sont pas heureux comme ça ! Non, je vous l’assure, les Papous ne sont pas heureux comme ça. Ils ont toujours peur de quelque chose, peur des esprits ou de je ne sais quoi encore. En Europe, nous avons, hélas, pris l’habitude de ne voir dans l’Évangile qu’un poids inutile dont nous serions heureux de nous dégager. Et il continue en redonnant la parole à ses contradicteurs : mais enfin, Père, il y a tout de même des gens chez nous qui pensent que vous compliquez la vie des Papous en allant là-bas ajouter nos idées aux leurs. Et le père Fournier répond : c’est bien ce que je vous dis, nous avons perdu la mémoire et vivons si mal l’Évangile que nous n’avons même plus conscience de tout ce dont il nous a libérés. Je suis sûr de ce que j’avance et j’en vois bien la preuve. En effet, à mesure que je vois les vieux chrétiens de nos vieux pays s’éloigner de l’Évangile, je vois que renaissent petit à petit d’anciennes peurs que l’on pouvait croire à jamais disparues. (Ma vie chez les papous p. 69-70) »

Enfin pour terminer ce 3° point, j’aimerais vous partager cette découverte que j’ai faite dans un voyage au Québec et que j’aime partager avec les retraitants. Vous savez que, pour donner la vie, les saumons doivent retourner à leur source, ils remontent donc les rivières pour retrouver ce lieu qui leur a donné la vie. Mais c’est épuisant et parfois impossible parce qu’il peut y avoir des chutes d’eau infranchissables à la remontée. J’ai vu au Québec des ascenseurs à saumon pour les aider à rejoindre leur source ! Vous demandez quel rapport avec l’évangélisation ?! Eh bien, si nous croyons que Dieu est le créateur de toute chose et de tout être humain, alors l’homme a besoin de retrouver Dieu, Dieu est comme son milieu naturel, sa source. C’est St Irénée qui explique que, Dieu étant le créateur de l’homme, a laissé en l’homme son empreinte, comme l’orfèvre marque de son poinçon sa création. Du coup, dit St Irénée, il y a dans l’homme comme une nostalgie inscrite au plus profond de son être, nostalgie qui le pousse à retrouver sa source. Si nous le croyons, cela doit renforcer notre désir d’évangéliser. Évangéliser, c’est donc un acte de charité au sens fort : parce que nous aimons nos frères en humanité, nous ne voulons pas les laisser loin de Dieu. On fait des ascenseurs pour que les saumons puissent remonter à leur source, on devrait le faire aussi pour les hommes ! Et c’est pour cela qu’on évangélise, pour permettre à chacun de retrouver sa véritable source

4. Comment évangéliser ? 

Avant de développer ce point, j’aimerais citer cette phrase de St François de Sales qui est comme un phare pour tous ceux qui veulent évangéliser : Ne parle de Dieu que lorsqu’on t’interroge, mais, vis de manière à ce qu’on t’interroge souvent ! J’aurais aussi pu citer cette belle parole de Paul VI : « L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont aussi des témoins. » Ou encore la devise de Guy Gilbert : « Il me faut vivre de telle façon qu’à ma seule façon de vivre, on pense          qu’il est impossible que Dieu n’existe pas. »

Vous l’aurez compris, il ne peut pas y avoir d’évangélisation féconde sans la cohérence d’un témoignage de vie. C’est la fameuse répartie de Nietzche : il faudrait qu’ils aient l’air un peu plus sauvés pour que je puisse croire en leur Sauveur ! Ceux qui nous voient vivre, que voient-ils ? Est-ce que nous ne tombons pas trop souvent sous la critique que Jésus formulait à l’égard des pharisiens : ils disent et ne font pas ! Mt 23,3. Au procès de canonisation de mon cher curé d’Ars, un paroissien dira : notre curé, il faisait ce qu’il disait ! Quel merveilleux compliment !

Mais s’il en est ainsi, ne sommes-nous pas tous disqualifiés d’emblée puisque nous sommes tous pécheurs ? Nous serons toujours, à un moment ou à un autre pris en flagrant délit de ne pas faire, de ne pas bien faire ce que nous disons. Oui, c’est vrai, mais cela ne nous disqualifie pas pour autant … à condition que nous restions humbles. Nous pouvons toujours dire : je parle mieux de ces choses que je ne les vis ! Cette humilité touche les cœurs. Nous pouvons aussi aller demander pardon à ceux que nous avons pu blesser en ne vivant pas ce que nous disons. Et là encore cette démarche d’humilité est un sacré témoignage qui pourra toucher les cœurs en profondeur. Donc nul n’est disqualifié pour peu qu’il reste humble et aussi désireux de s’améliorer. C’est sûr que des personnes enfermées dans une rancune tenace à l’égard d’une personne, d’une haine à l’égard de certaines catégories de personnes aura du mal à évangéliser. Mais du coup, elle aura aussi du mal à vivre sa foi car on ne peut pas se dire chrétien et entretenir haine et rancune … comment aller communier dans ces conditions quand je ne veux pas en sortir ? Si je ne peux pas, c’est autre chose, mais si je ne veux pas, je suis bloqué !

Le pape Paul VI dans son grand texte sur l’évangélisation avait écrit ces quelques lignes qui résument bien tout cela : Il faut que notre zèle évangélisateur jaillisse d’une véritable sainteté de vie alimentée par la prière et surtout par l’amour de l’Eucharistie, et que, comme nous le suggère le Concile, la prédication à son tour fasse grandir en sainteté le prédicateur. Le monde qui, paradoxalement, malgré d’innombrables signes de refus de Dieu, le cherche cependant par des chemins inattendus et en ressent douloureusement le besoin, le monde réclame des évangélisateurs qui lui parlent d’un Dieu qu’ils connaissent et fréquentent comme s’ils voyaient l’invisible. Le monde réclame et attend de nous simplicité de vie, esprit de prière, charité envers tous, spécialement envers les petits et les pauvres, obéissance et humilité, détachement de nous-mêmes et renoncement. Sans cette marque de sainteté, notre parole fera difficilement son chemin dans le cœur de l’homme de ce temps. Elle risque d’être vaine et inféconde. N°76

Vous comprenez donc que l’évangélisation n’est pas une affaire de trucs, de recettes qu’il suffirait d’appliquer pour toucher le cœur des gens. Comme le dit Paul VI, l’évangélisation jaillira d’une sainteté de vie. Ayant dit cela, je reprécise tout de suite que la sainteté n’est pas la perfection. Vouloir devenir saint, c’est-à-dire vouloir mener une vie cohérente, vouloir devenir une bonne terre (texte d’évangile d’hier) c’est accepter de se laisser parfaire par Dieu, ce n’est pas pareil ! Quand je dis que l’évangélisation jaillira de la sainteté de nos vies, ça veut donc dire que tous les actes comptent. Je pourrais développer l’évangélisation par le sourire qui est tellement puissante. Ou encore l’évangélisation par l’accueil, quand une maison devient « la maison du Bon Dieu » quel témoignage ! Ou encore l’évangélisation par le service et je vous laisse compléter la liste. Vous voyez que, jusqu’à maintenant, je n’ai pas parlé de faire des grands discours sur les places !

Faut-il le faire ? Oui, sans doute qu’il faut saisir des occasions pour le faire. Ça ne peut pas être la manière ordinaire d’évangéliser mais il ne faut pas, pour autant, refuser d’employer de temps en temps des moyens extraordinaires.

  • Cf. évangélisation sur les plages par les communautés nouvelles
  • Cf. stand de la paroisse sur le marché à l’occasion de Noël ou expo de crèches …
  • Cf. évangélisation à l’occasion de grands événements : marché de Noël à Strasbourg ou 8 décembre à Lyon (cf. initiatives du Cardinal Barbarin qui a repris la main sur les illuminations) : c’est quand même l’Eglise qui est à l’origine, nous ne sommes pas illégitimes en osant nous montrer et proposer ! Si ce que nous proposons tient la route, il y aura au moins des contacts qui seront pris.

Ce sont de beaux moyens extraordinaires qui ne rabaissent pas toutes les initiatives plus personnelles et discrètes que chacun de nous peut avoir. Le dimanche quand vous êtes invité, dites à ceux qui vous invitent : je n’arriverai pas avant telle heure car, pour moi, le dimanche, c’est sacré, je vais à la messe ! Ou encore cette maman qui était connue comme chrétienne et à qui on demandait souvent : prie pour moi ! Elle disait : non ! Mais par contre, si tu le veux, je prierai avec toi ! St Vincent Depaul disait : l’amour est imaginatif à l’infini ! Si nous évangélisons, c’est parce que nous aimons or comme l’amour est imaginatif à l’infini, l’Esprit-Saint qui nous inspire saura nous faire trouver les bons moyens et saisir les bonnes occasions. Dans Evangelii Gaudium le pape a plusieurs numéros dans lesquels il insiste sur la relation de personne à personne comme vecteur principal de l’évangélisation : Être disciple c’est avoir la disposition permanente de porter l’amour de Jésus aux autres, et cela se fait spontanément en tout lieu : dans la rue, sur la place, au travail, en chemin. N° 127

Conclusion : Tous concernés !

         J’en ai bien conscience ce parcours est forcément trop rapide, il y aurait tant à dire sur le sujet ! Mais ces quelques réflexions pourront nous relancer sur le chemin de l’évangélisation. Merci à Marie-Madeleine d’avoir accepté cette mission d’apôtre des apôtres qui a fait d’elle la 1° évangélisatrice, une évangélisatrice passionnée. C’est finalement cela le grand critère pour l’évangélisation : sommes-nous des passionnés du Seigneur ? Sommes-nous passionnés par le bonheur de nos frères ? Sommes-nous prêts à nous risquer pour témoigner auprès de nos frères de cette foi qui nous fait vivre, de l’amour de Jésus qui nous a relevés et qui donne un sens à notre vie ? Sans cette passion, il est évident que nous ne pourrons pas évangéliser. Demain, demandons particulièrement par l’intercession de Marie-Madeleine de recevoir cette passion pour nous engager sur ce vaste chantier de l’évangélisation.

Le pape Jean-Paul II a lui aussi écrit de beaux textes sur l’évangélisation, ça a été le grand axe de son pontificat. Il a écrit notamment un texte sur la place des laïcs dans lequel il dit : « il n’est permis à personne de rester à ne rien faire ! » Christi fideles n°3. Ça pourrait être une bonne conclusion pour nous motiver à évangéliser ! Mais je vais laisser le mot de la fin à François qui a popularisé l’expression disciple-missionnaire pour définir le statut du chrétien.

120. En vertu du Baptême reçu, chaque membre du Peuple de Dieu est devenu disciple missionnaire (cf. Mt 28, 19). Chaque baptisé, quelle que soit sa fonction dans l’Église et le niveau d’instruction de sa foi, est un sujet actif de l’évangélisation, et il serait inadéquat de penser à un schéma d’évangélisation utilisé pour des acteurs qualifiés, où le reste du peuple fidèle serait seulement destiné à bénéficier de leurs actions. La nouvelle évangélisation doit impliquer que chaque baptisé soit protagoniste d’une façon nouvelle. Cette conviction se transforme en un appel adressé à chaque chrétien, pour que personne ne renonce à son engagement pour l’évangélisation, car s’il a vraiment fait l’expérience de l’amour de Dieu qui le sauve, il n’a pas besoin de beaucoup de temps de préparation pour aller l’annoncer, il ne peut pas attendre d’avoir reçu beaucoup de leçons ou de longues instructions. Tout chrétien est missionnaire dans la mesure où il a rencontré l’amour de Dieu en Jésus Christ ; nous ne disons plus que nous sommes « disciples » et « missionnaires », mais toujours que nous sommes « disciples-missionnaires ». Si nous n’en sommes pas convaincus, regardons les premiers disciples, qui immédiatement, après avoir reconnu le regard de Jésus, allèrent proclamer pleins de joie : « Nous avons trouvé le Messie » (Jn 1, 41). La samaritaine, à peine eut-elle fini son dialogue avec Jésus, devint missionnaire, et beaucoup de samaritains crurent en Jésus « à cause de la parole de la femme » (Jn 4, 39). Saint Paul aussi, à partir de sa rencontre avec Jésus Christ, « aussitôt se mit à prêcher Jésus » (Ac 9, 20 ). Et nous, qu’attendons-nous ?

Cet article a 2 commentaires

  1. Adéline

    Merci P. Hébert.
    « L’amour est imaginatif à l’infini » !

  2. wilhelm richard

    Vive l’humilité et les larmes de Marie madeleine. Grâce à elles, cela lui a donné des ailes et elle a pu devenir la première des évangélistes.
    En effet, sans amour, il n’y a pas de larmes.
    Cela me fait alors penser à une chanson de Mike Brant :
    Rien qu’une larme dans tes yeux ….

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