L’appel du 18 juin !
Vous me permettrez de ne pas m’arrêter sur le texte d’Evangile. En effet, le commentaire du Notre Père, c’est le sujet des Haltes d’un jour que je prêche depuis le début de l’année et que je terminerai la semaine prochaine !
La 1° lecture met un terme à ce qu’il est convenu d’appeler la geste d’Elie. Elie a été un prophète tellement important qu’il a eu droit à ce très beau portrait brossé par Ben Sirac le Sage, livre qu’on appelle également le Siracide ou encore l’Ecclésiastique qu’il ne faut pas confondre avec l’Ecclésiaste appelé aussi livre de Qohélet. Ce passage est très beau car il est une relecture spirituelle du ministère d’Elie. J’aime cette image qui dit que sa parole brûlait comme une torche, c’est-à-dire que sa parole, tout comme le feu, avait le pouvoir d’éclairer, de réchauffer et de purifier. Voilà une grâce à demander pour tous les prédicateurs, que leur parole soit comme une torche.
- Qu’elle éclaire, c’est-à-dire qu’elle permette à ceux qui les écoutent d’accueillir toutes les lumières dont ils ont besoin pour conduire leur vie dans la docilité à la volonté du Seigneur.
- Qu’elle réchauffe, c’est-à-dire qu’elle soit un encouragement qui aide ceux qui l’accueillent à retrouver le feu sacré.
- Qu’elle purifie, c’est-à-dire qu’elle n’ait pas peur de dénoncer ce qui doit l’être mais sans jamais condamner ni accabler les personnes.
Le prophète Elie aura une large postérité puisqu’il est comme le fondateur de l’ordre du Carmel. En effet, on ne connait pas pour cet ordre le nom d’un fondateur, l’ordre du Carmel aura des refondateurs ou des réformateurs connus en la personne de Jean de la Croix et de Thérèse d’Avila, mais il n’a pas de fondateur connu c’est la raison pour laquelle, en fonction de son nom, ordre du Carmel, il a été mis sous le patronage directe d’Elie. La vocation du Carmel correspond bien à ce que fut l’essentiel du ministère d’Elie : se tenir en présence du Dieu vivant, c’est-à-dire veiller dans une prière continuelle alimentée par ce dialogue d’amour vécu dans le silence, contempler le Dieu vivant qui fait vivre et intercéder pour le monde. L’épitre de St Jacques (Jc 5,17-18) mentionnera d’ailleurs la puissance de l’intercession d’Elie et ces versets seront un phare pour nourrir la tradition du Carmel dans ses congrégations masculines ou féminines.
Mais le point sur lequel je voudrais m’arrêter un peu plus longtemps, c’est le lien entre le retour d’Elie et la venue des temps nouveaux. Le texte de la 1° lecture nous a fait entendre ces versets : « Elie, toi qui fus enlevé dans un tourbillon de feu par un char aux coursiers de feu ; toi qui fus préparé pour la fin des temps, ainsi qu’il est écrit, afin d’apaiser la colère avant qu’elle n’éclate, afin de ramener le cœur des pères vers les fils et de rétablir les tribus de Jacob…heureux ceux qui te verront. » Dans la tradition juive, comme le dit l’Ecriture, Elie n’est pas mort, il a été emmené au ciel dans un char de feu. Il y a un autre personnage qui n’est pas mort, c’est Moïse qui, lui, a été entrainé dans l’éternité comme par un baiser de Dieu. Ce n’est pas l’Ecriture qui livre ce détail, mais la tradition juive. Revenons à Elie, sans oublier Moïse, s’il n’est pas mort c’est donc qu’il va revenir.
C’est bien ce que disait le texte : ; « toi qui fus préparé pour la fin des temps » et un peu plus loin : « heureux ceux qui te verront. » Le retour d’Elie est clairement associé à l’avènement de temps nouveaux marqués par une harmonie retrouvée signifiée par ces promesses que nous avons entendues. « Elie apaisera la colère avant qu’elle n’éclate, il ramènera le cœur des pères vers les fils et rétablira les tribus de Jacob. » Quand Jésus demande à ses apôtres qui il est, rien d’étonnant à ce qu’ils répondent que les gens pensent qu’il est Elie qui revient.
De la même manière, à la Transfiguration, Pierre, Jacques et Jean ne sont pas étonnés de voir Jésus qui s’entretient avec Moïse et Elie, les deux qui ne sont pas morts et dont le retour est attendu. En les voyant, particulièrement en voyant Elie, les 3 apôtres comprennent vraiment qui est Jésus, bien sûr la transfiguration les aide à percevoir quelque chose de la divinité de Jésus, mais le fait que Elie soit revenu ne laisse plus de doute : nous sommes dans le commencement des temps nouveaux. Et c’est pour cela qu’ils ne veulent pas redescendre … ce n’est pas seulement parce qu’ils veulent rester dans cette expérience mystique, mais c’est parce que, maintenant qu’ils ont goûté au monde nouveau, au monde d’après, ils ne sont pas pressés de retrouver le vieux monde, le monde d’avant !
Il y aura un dernier signe encore plus explicite du lien entre Jésus et Elie qui atteste que le ministère de Jésus inaugure des temps nouveaux pour l’humanité. Avant de développer ce signe, peut-être qu’en entendant ça, vous vous interrogez en disant : mais qu’est-ce que la venue de changer a vraiment changé ? Quels signes avons-nous qui permettent d’attester que nous sommes dans les temps nouveaux ? Hélas, parce que nous sommes immergés dans ces temps nouveaux, nous ne voyons plus la chance que nous avons comme le poisson qui ne se rend plus compte de la chance qu’il a d’avoir de l’eau qui l’entoure ou les hommes qui ne mesurent plus la chance d’avoir de l’air ! Le Christ et le christianisme ont apporté de grandes nouveautés que la société dans sa critique constante du christianisme a oublié mais qu’un très grand historien comme René Remond avait mis en valeur dans un très beau livre qui s’appelle « les grandes inventions du christianisme. » Si nous avons perdu de vue tout ça, il y a au moins un détail que nous ne devrions jamais oublier parce qu’il est tellement plus qu’un détail : les hommes se sont mis à compter les années avant Jésus et après Jésus, si ça, ce n’est pas le signe que la venue de Jésus apportait une nouveauté extraordinaire, je ne sais pas quel autre signe plus parlant on peut trouver !
Venons-en au dernier signe que Jésus a laissé de son lien avec Elie et de l’attestation que sa venue inaugure les temps nouveaux. Nous connaissons parfaitement le rituel du dernier repas de Jésus, le repas pascal au cours duquel Jésus a institué l’Eucharistie. Nous connaissons ce rituel car c’était le repas du Seder pour les juifs, un repas extrêmement codifié, ritualisé, je crois que, l’année dernière, le père Régis vous en avait parlé et vous avait donné d’en vivre quelques éléments. Dans ce repas, il y a le rite des pains azymes sur lequel je ne peux pas m’arrêter, mais qui explique pourquoi nous célébrons avec des hosties plates et non pas du pain et il y a le rite des coupes de vin. Il y a 4 coupes de vin qui sont bues pendant le repas, le symbolisme de ces 4 coupes est très intéressant, mais je ne peux pas le développer et il y en a une 5° qui, habituellement n’est pas bue, qu’on appelle la coupe d’Elie. Ce repas du Seder puisqu’il fait mémoire de la libération d’Egypte éveille le désir d’une liberté totale chez les juifs. Dieu les a libérés de l’esclavage, mais depuis, il y a beaucoup d’autres esclavages qui sont revenus : à quand la vraie liberté ? Alors, puisque ce repas attise le désir de cette liberté on verse une 5° coupe, espérant que le prophète Elie vienne dans la nuit, boive ette coupe et qu’on ait ainsi le signe manifeste que les temps anciens sont finis et que les temps nouveaux ont vraiment commencé. Tout le monde n’est pas d’accord sur ce point mais certains exégètes pensent que c’est en prenant la 5° coupe que Jésus a prononcé les paroles de l’institution concernant le vin comme pour montrer qu’avec le don de sa vie, les temps nouveaux étaient inaugurés, qu’il y aurait un avant et après. Demandons que, par notre participation à l’Eucharistie, la grâce nous soit donnée de comprendre cela et que la grâce nous soit donnée de vivre en hommes nouveaux et d’attirer dans cette vie nouvelle tous ceux qui sont fatigués par le vieux monde et cette vie d’esclaves dont ils n’arrivent pas à sortir. C’est sûrement ça l’appel du 18 juin pour nous !
Vos homélies sont toujours aussi intéressantes et j’apprécie beaucoup vos explications sur les passages de la première alliance . L’appel du 18 juin : On a perdu une bataille , mais nous n’avons pas perdu la guerre ! La victoire nous appartient car Jésus est vainqueur . C’est ce que je me dis chaque fois que je tombe … ce n’est pas du définitif . » Ceux qui se confient dans l’éternel renouvellent leur force . Ils prennent le vol comme les aigles , ils courent et ne se lassent point , ils marchent et ne se fatiguent point » . Isaïe 40 , 31 .
Elie voulait mourir à un moment donné , il est finalement glorifié . Jésus est crucifié , il est ressuscité et roi de gloire . Comme Pierre Jacques et Jean , nous avons vu sa gloire dans notre baptême et nous y nageons comme un poisson dans l’eau , même quand l’eau est trouble . Cela tombe bien c’est aujourd’hui la date anniversaire de mon baptême et de ma confirmation et je retiendrai votre image du poisson dans le bénitier .
Juste une question qui n’a rien à voir : avez vous entendu parlé de ‘ la divine volonté » ? Pourriez vous me dire ce que vous en pensez . Merci .
Merci pour ce bel appel du 18 juin ! 🙂