Introduction
Vous savez que, fondamentalement, le carême est lié à la conversion. C’est cet appel qui nous a été adressé à chacune et chacun lorsque nous avons reçu l’imposition des Cendres : convertis-toi et crois à l’Evangile. Cette conversion à laquelle nous sommes appelés dans le temps de carême, elle devra se manifester par un comportement nouveau qui soit visible par les autres. Alors, bien sûr, nous connaissons tous les 3 moyens qui nous sont donnés, chaque année, pour nous aider à avancer sur le chemin de la conversion : La prière va nous aider à réaffirmer le primat de Dieu dans notre vie. La charité nous aidera à reprendre conscience du primat des autres, comme le disait quelqu’un, la vie authentiquement chrétienne, ce n’est pas de répéter sans arrêt : « Non ! Moi d’abord ! » Enfin le jeûne, par une frugalité retrouvée en tant de domaines possibles, va nous aider à réentendre que ce qui fait notre valeur n’est pas ce que nous avons, ni même ce que nous faisons, mais ce que nous sommes.
Ces 3 moyens, nous les connaissons bien, peut-être trop bien et, du coup, nous avons besoin d’un peu de nouveauté, non pas pour remplacer ces 3 moyens mais pour les utiliser autrement, d’une manière renouvelée. La nouveauté qui est proposée à notre communauté, cette année, c’est ce parcours de gratitude qui va nous permettre de vivre à un autre niveau de profondeur la triple dimension des moyens traditionnels. Nous allons découvrir comment la gratitude peut renouveler notre rapport à Dieu dans la prière, comment elle peut renouveler notre rapport aux autres dans le partage et aussi notre rapport à nous-mêmes induit dans la dimension du jeûne.
Comme je suis le premier à intervenir, il faut que je vous présente la manière dont nous allons vivre ce parcours de gratitude. Nous nous sommes inspirés d’un livre du père Lionel DALLE, vicaire général du diocèse de Fréjus-Toulon qui s’intitule « le miracle de la gratitude. » C’est lui a mis au point ce parcours de gratitude pour sa paroisse quand il était curé. Et il explique qu’il a essayé plusieurs types de parcours et que c’est ce parcours de gratitude qui a donné les plus beaux fruits dans sa paroisse permettant une véritable transformation de ceux qui le suivaient fidèlement. Le père Dalle s’était lui-même inspiré d’un livre du père Pascal IDE, de la communauté de l’Emmanuel qui s’intitule « Puissance de la gratitude, vers la vraie joie. »
Le parcours de gratitude est proposé en 7 étapes, nous n’en ferons que 6 parce que nous n’avions pas les moyens de faire les 7. Ces 6 étapes, nous les ferons en 3 fois. Les deux premières étapes, je vais les faire avec vous aujourd’hui en lançant un travail car, il nous faudra travailler, faire une série d’exercices personnels, si nous voulons que la gratitude devienne une seconde nature. Je vous proposerai donc des exercices. Le père Godefroy nous fera faire les deux étapes suivantes la semaine prochaine. Et le père Michel nous fera faire les 2 dernières étapes la semaine d’après … et comme nous serons devenus addicts à la gratitude, nous continuerons au-delà du carême. Tout ce parcours, se déroule entre deux sessions communautaires qui ne sont pas directement sur ce thème mais qui ne sont pas loin du thème.
Etape 1 : Découvrir la puissance transformante de la gratitude
1.1 Qu’est-ce que la gratitude ?
Pour ne pas faire de longues considérations psychologico-théologiques, je préfère vous raconter ce petit exemple toute simple citée par le Pascal IDE. Un petit enfant qui est sur sa chaise haute laisse tomber son doudou … catastrophe parce qu’il ne peut pas le récupérer puisqu’on l’a attaché sur sa chaise pour qu’il ne tombe pas. Une personne proche, peu importe de qui il s’agit, le lui ramasse et le lui donne. Les yeux tout pétillants de bonheur, l’enfant lui dit merci.
Le père Pascal IDE explique que, là, on a un parcours complet de gratitude. Cet enfant a reconnu ce geste comme un bienfait qui lui a procuré un grand bonheur (ses yeux pétillaient de bonheur) et cette reconnaissance a été verbalisée par ce merci. La gratitude, c’est tout cela : reconnaître, ressentir, remercier. Souvent, nous nous arrêtons en chemin, nous n’allons pas jusqu’au bout en remerciant. Le père IDE explique que cet enfant a sûrement connu d’autres moments de bonheur, par exemple quand son frère ou sa sœur ou ses parents venaient jouer, lui faire un câlin, mais ces moments de bonheur, qui se voyaient à son sourire, n’ont pas forcément été conclus par un merci. Et il en va souvent ainsi pour nous. Nous aimons être heureux, nous aimons qu’on nous rende heureux, mais nous n’allons pas assez souvent jusqu’au merci !
La gratitude, c’est donc un parcours (qui se vit en un instant !) qui comporte 3 étapes comme je l’ai déjà indiqué rapidement : reconnaître, ressentir, remercier. C’est la règle des « 3 R » !
- Reconnaître : la gratitude commence par une prise de conscience. Je me rends compte que je suis bénéficiaire d’une attitude bienfaisante, je me rends compte que j’ai la chance d’assister à un beau spectacle de la nature. Vous voyez, pour entrer dans la gratitude, il faut être un peu contemplatif, attentif pour voir, reconnaître.
- Ressentir : Ce que je vois, ce que je constate doit susciter une émotion en moi. Ce qui suppose que je sois capable d’émotions, que je ne sois pas blindé, que je ne vive pas en étant blasé ou comme un enfant gâté qui est incapable de rendre compte qu’il reçoit un bienfait parce que tout lui est dû.
- Remercier : Parce que je ne veux pas m’habituer au beau, au bien qu’on me fait, j’exprime ma reconnaissance pour le bienfait et pour l’émotion positive qu’il a généré en moi en remerciant.
On peut même dire que la gratitude ainsi comprise va fonctionner comme une vertu. La vertu est fondée sur ce principe : ce que je fais me transforme en mal ou en bien. Si je prends l’habitude de pécher, chaque péché devient plus facile, plus léger que le précédent, j’en ressens de moins en moins de regret. Dans ce cas, évidemment, on ne parle pas de vertu mais de vice qui est l’opposé de la vertu. Mais en positif, on peut aussi dire que lorsque je m’entraine au bien, chaque acte bon que je pose est moins difficile que le précédent. Il y a, en moi, comme une seconde nature qui s’installe, une inclinaison au bien ou au péché qu’on appelle l’habitus. Eh bien, la gratitude va fonctionner comme une vertu, ce processus dans lequel je vais entrer va me transformer et peu à peu créer un habitus au bien.
Alors, c’est vrai qu’il faudrait faire ce parcours de gratitude avec des petits enfants parce qu’il est plus facile d’installer de bonnes habitudes que de perdre de mauvaises habitudes. Mais, c’est là que nous les chrétiens, nous sommes aidés car nous croyons en la puissance de la grâce. Et si parfois, à propos de telle mauvaise habitude, j’ai envie de dire : c’est plus fort que moi, il faut que je me rappelle tout de suite (ou qu’on me rappelle, place de l’accompagnateur spirituel) que Dieu est plus fort que ce qui est plus fort que moi !
Si vous avez envie de développer cette réflexion sur les 3 moments du parcours de gratitude, cette règle des « 3 R » vous pourriez réfléchir au fait que chaque moment de ce parcours met en œuvre une faculté fondamentale. La reconnaissance s’adresse à l’intelligence, le ressenti qui suscite une émotion s’adresse à l’affectivité et enfin, le remerciement est relié à la volonté.
1.2 Découvrir les bienfaits de la gratitude
Le père Pascal IDE qui est à l’origine de toute cette réflexion est aussi docteur en médecine. Comme tous les médecins, il est donc préoccupé de la santé de ses frères et sœurs et, le fait d’être prêtre et docteur en théologie, ne peut que renforcer cette préoccupation et l’inviter à trouver des moyens à proposer pour nous aider à préserver notre santé et même à la retrouver. C’est dans le cadre de cette préoccupation qu’il a été amené à s’intéresser à la gratitude.
Il a découvert qu’il y avait eu beaucoup de recherches sur le sujet et qu’elles aboutissaient toutes à la même conclusion : la gratitude, c’est un trésor de bienfait. Vous vous rappelez peut-être qu’il y avait une publicité qui vantait les mérites de la chicorée en disant que c’était un trésor de bienfaits … eh bien, dans la gratitude il y a encore plus de trésors de bienfaits que dans la chicorée ! Et dans ces temps que nous vivons, la gratitude peut devenir un médicament très bienfaisant !
Je vais vous énumérer tous les bienfaits de la gratitude, vous allez voir, c’est un véritable feu d’artifice ! Mais avant de commencer l’énumération, je vous rappelle que tout cela s’appuie sur des analyses scientifiques. Je vous cite celle que j’ai trouvé la plus marquante et pour le reste, si vous voulez des preuves, vous irez lire le livre du père Pascal IDE, parce que c’est lui qui détaille, le père Dalle ne fait qu’énumérer.
Des chercheurs qui avaient pressenti l’impact de la gratitude sur la santé ont voulu comparer deux catégories de personnes, vivant exactement dans les mêmes conditions, mais avec une catégorie pratiquant la gratitude et l’autre non. Ils ont eu l’idée de d’orienter leurs recherches vers un monastère ou un couvent parce que, là, on est sûr que tout le monde vit dans les mêmes conditions : repas, sommeil … Ils ont appris qu’il existait un couvent dans le Minnesota aux Etats-Unis qui avait une pratique qui pourrait les intéresser. En effet, dans ce couvent, on demandait à chaque jeune femme qui entrait d’écrire une lettre de motivation, d’en écrire une nouvelle pour leurs 40 ans et pour leurs 70 ans. Ils ont conçu un logiciel très rigoureux pour analyser ces lettres en repérant de manière très précise tous les éléments de gratitude repérables dans ces lettres.
Au terme, avec une réelle rigueur scientifique, ils se sont aperçus que les sœurs qui baignaient dans la gratitude vivaient plus longtemps que les autres et avaient moins de problèmes de santé. Maintenant que vous avez vu que tout cela est sérieux, je peux vous faire la liste des bienfaits de la gratitude.
Bienfaits de la gratitude sur le corps :
- Elle favorise le sommeil
- Elle a des effets bénéfiques sur le cœur, le diabète et même le vieillissement
- Elle augmente la durée de vie
Bienfaits de la gratitude sur le psychisme et l’esprit
- Elle permet de développer les sentiments agréables comme la joie, l’amour, la satisfaction vis-à-vis de la vie. Et donc, à contrario, elle diminue la tristesse, le stress, la jalousie, l’anxiété, le désespoir, la dépression.
- Elle fortifie la volonté, augmente la motivation et aide à atteindre ses objectifs. Elle améliore la performance, développe une plus grande qualité d’attention. Elle procure de l’énergie et de la confiance en soi et dans l’avenir.
- Elle permet de renforcer la maitrise de soi en bien des domaines. Et, donc, de manière étonnante, mais finalement logique, elle aura même des répercussions financières positives. Parce que, diminuant la sensation de vide intérieur, elle permettra d’éviter les achats compulsifs, inutiles ! L’étape 6 que nous allons sauter est sur ce thème.
Bienfaits de la gratitude sur la relation aux autres
- Elle fait régner un climat de joie, de paix en augmentant l’attention aux autres. Elle favorise la communication, la bienveillance et diminue, par le fait même, la violence qui peut s’exprimer de bien des manières.
- Elle renforce le désir de se donner plus totalement.
- Elle fait grandir la confiance réciproque, favorise l’intégration des personnes dans tout type de communauté humaine.
Bienfaits de la gratitude sur la relation à Dieu : On constate que la gratitude, dans notre relation à Dieu, permet le développement de cercles vertueux. Les cercles vicieux me tirent toujours plus bas en renforçant le négatif, les cercles vertueux, c’est le contraire !
- Rendre grâce attire les grâces. Plus je suis dans l’action de grâce et plus mon cœur s’ouvre devenant ainsi capable de recevoir d’autres grâces.
- La gratitude m’encourage à louer et la louange me garde dans la gratitude.
- La gratitude me fait entrer plus profondément dans l’Eucharistie qui est fondamentalement un mouvement qui nous fait entrer dans la gratitude, c’est le sens du mot Eucharistie. Et nous nous offrons avec moins de retenue pour répondre à l’offrande de Celui qui s’est livré pour nous.
La gratitude va nous transformer en profondeur
- Elle nous change individuellement
- Du coup, elle transforme forcément une communauté puisqu’elle en transforme ses membres.
- Elle va déclencher une cascade de dons. Cf. cet exemple vrai de deux amis qui sont au restau, au moment de payer, on leur dit que leur repas a été payé par un couple avant qu’ils ne partent. Ils sont étonnés, y avait-il un couple qui les connaissait ? Peu importe, leur décision est immédiate, ils demandent à payer pour deux autres personnes et la serveuse a témoigné que cette cascade de générosité a duré 5 heures … et que, en plus, elle recevait de généreux pourboires !
Conclusion de la 1° étape : les exercices qui vous seront proposés pour cette 1° semaine vous aideront à intégrer ce que je viens de dire et surtout nous aideront à commencer à installer l’habitus de la gratitude dans notre vie pour que cette pratique nous transforme de manière profonde et durable !
Etape 2 : Cultiver quotidiennement la vertu de gratitude
Normalement, on fait l’étape 2 après avoir fait les exercices de l’étape 1. Et, normalement, les exercices de l’étape 1 sont tellement bienfaisants qu’on devient avide de découvrir l’étape 2. Mais je vais vous demander un acte de confiance : faites confiance à l’expérience du père Dalle qui dit que c’est le parcours qui lui a permis de voir le plus de merveilles dans sa paroisse !
Puisque cette gratitude est si bonne, comme nous l’avons vu, nous voulons l’installer durablement en nous. Les exercices nous y aideront, mais il nous faut aller quand même un peu plus loin dans la réflexion. Pour que la gratitude devienne comme une seconde nature, il va nous falloir cultiver un certain nombre d’attitudes.
2.1 Regarder autrement la vie
Je ne sais pas quelle habitude vous avez au réveil, mais c’est là que tout se joue ! Un père de l’Eglise (Jean Cassien, un Père du 4° 5° siècle mort à Marseille) que j’aime bien citer disait : « notre esprit est comme un moulin, le premier grain qui y est jeté le matin est celui qui sera moulu toute la journée. Dès le lever, il faut se hâter d’y mettre le bon grain de Dieu, de bonnes pensées, des paroles de Dieu, sinon, le démon y sèmera la zizanie ! »
Personnellement, suite à un enseignement du Cardinal Barbarin, que j’ai écouté, j’ai pris l’habitude, une fois que j’ai les deux pieds hors du lit de tracer sur moi un signe de croix et de prononcer une parole de louange, de bénédiction pour cette journée qui commence et qui m’est donnée comme un don de Dieu. Je ne sais pas ce que sera cette journée, mais je sais que le Seigneur me la donne … peut-il me faire des cadeaux empoisonnés ? Non, bien sûr ! Donc, même s’il y aura des choses difficiles à vivre, je crois qu’il sera avec moi, c’est pourquoi je trace ce signe de croix pour être tout entier revêtu de sa présence. Et, parce qu’il sera avec moi, je crois que dans ces difficultés, il y aura un chemin qui va s’ouvrir pour que je me rapproche de lui. Mais il n’y aura pas que des difficultés, il y aura aussi des rencontres avec les autres, avec lui, il y aura des activités gratifiantes comme écouter de la musique, lire, manger … et même travailler, en étant conscient du bonheur d’avoir été choisi pour travailler à sa vigne.
Vous comprenez, il ne s’agit pas de devenir des ravis, de cultiver un optimisme naïf qui finira par nous fatiguer et fatiguer les autres, mais il s’agit d’entrer dans la journée avec une attitude de foi renouvelée : c’est une journée avec Toi, Seigneur, pour toi Seigneur. Et, dans les Foyers, nous sommes aidés par la prière de consécration que nous disons dès le matin, prière d’offrande, prière de consentement à-priori, nous faisant accepter le réel de notre vie tel qu’il sera. Si nous rêvons notre vie, si nous rêvons d’être ce que nous ne sommes pas et que nous ne serons jamais, nous serons malheureux et nous rendrons les autres malheureux. Evidemment, à ce niveau-là, Marthe peut nous aider et même nous accompagner pour entrer dans cette attitude de consentement au réel. Et vous savez que ce mot de consentement, il est très beau parce qu’il est emprunté au langage amoureux. Dans un mariage, il y a un échange des consentements. Consentir, c’est redire une parole d’amour au Seigneur : je consens à ma vie telle qu’elle sera, sans te rendre responsable des difficultés de ma vie mais en croyant que tu m’aimes trop pour ne pas me rejoindre dans tout ce que je vivrai, particulièrement quand ce que je vivrai sera difficile. Consentir, c’est une attitude très loin de la soumission fataliste que prêche l’Islam.
Consentir, je suis de plus en plus persuadé que c’est le maitre-mot de la vie spirituelle, que c’est l’attitude spirituelle la plus fondamentale qui ouvre toutes les autres portes. On a vu que, pour Marthe, ce consentement profond prononcé de manière définitive dans son acte d’offrande et renouvelé chaque instant était le secret de sa joie et de sa disponibilité au Seigneur et aux autres. Apprendre à consentir, vouloir entrer dans cette attitude profonde, c’est le plus sûr moyen pour que la gratitude puisse s’installer dans nos vies.
2.2 Trois attitudes fondamentales pour rester dans la gratitude même dans les contrariétés
Nous venons de voir l’attitude fondamentale, maintenant allons un peu plus dans le concret parce que vous aurez bien compris que ce parcours de gratitude n’est pas un parcours abstrait. J’ai un peu arrangé par rapport au livre !
2.2.1 Refuser d’utiliser un vocabulaire négatif en cas de pépin
Nous le savons, les paroles que nous prononçons influencent nos émotions. Alors quand nous sommes confrontés à un problème, essayons de ne pas utiliser un vocabulaire négatif qui, en plus, est souvent disproportionné par rapport à la difficulté à surmonter. La voiture ne démarre pas, ce n’est quand même pas une catastrophe mondiale ! Et puis, arrêtons de dire que ça n’arrive qu’à nous … des voitures qui ne démarrent pas, notamment en Afrique, il y en a des milliers chaque jour ! Cette voiture qui ne démarre pas, est-ce vraiment un signe annonciateur de la grande tribulation qui prépare le retour du Christ ? Entraînons-nous à ne pas grossir les problèmes et si possible à prendre du recul avec humour. Ah tu ne démarres pas, c’est nouveau !
C’est étonnant la capacité de certaines personnes à transformer de petits problèmes en catastrophes. Quand vous parlez d’apocalypse pour évoquer cette situation qui a fait que vous êtes restés pris dans un bouchon sur l’autoroute qui a duré un certain temps, c’est quand même un manque de recul … et quel mot utiliserez-vous quand vous serez confronté à un vrai problème ?
2.2.2 Entrer dans une attitude de résilience
Essayons d’entrer dans cette attitude qu’on appelle aujourd’hui la résilience, c’est-à-dire cette capacité à non seulement faire avec les difficultés, mais se servir des difficultés pour rebondir. C’est vrai qu’on parle souvent de la résilience pour des situations très graves, un handicap qui nous tombe dessus, un deuil … Vous vous en doutez, l’exemple type de la résilience, c’est Marthe qui à partir de son énorme problème de santé va être capable, par l’offrande de sa vie, de devenir cette femme au rayonnement si impressionnant. Rappelez-vous mon homélie de la nuit du 31 au 1° avec l’huitre et le grain de sable qu’elle va être capable de transformer en perle.
Oui, on parle plutôt de résilience pour des situations assez importante, mais si nous nous entrainons à la résilience avec des petites choses, peut-être serons-nous plus capables de vivre cette attitude quand nous serons face à de grandes difficultés.
Je reviens toujours à mon histoire de voiture qui ne démarre pas. Il y en a certains qui disent qu’ils n’arrivent pas à prendre un temps de prière en cours de journée, la voiture ne démarre pas, en attendant que je puisse en utiliser une autre, Seigneur je te donne ce temps, même s’il n’est que de 5 minutes.
2.2.3 Relire ces contrariétés pour découvrir ce qu’elles ont permis
Sur le moment, nous ne sommes pas toujours capables de « positiver » et c’est pour cela qu’il est important de pouvoir relire ce que nous vivons le plus régulièrement possible. C’est souvent avec du recul que je vais me rendre compte que telle difficulté n’a pas été que négative : la voiture ne démarrait pas, je n’ai pas pu partir comme je le voulais et sur ces entrefaites est passée telle personne avec qui j’ai eu un si bon dialogue … ou alors la personne me dit : je me demandais si j’allais trouver quelqu’un, je porte un poids tellement lourd.
Conclusion : Travaux pratiques
Si nous ne voulons pas que tout cela reste au niveau de vœux pieux, il nous faut faire des travaux pratiques. Si vous voulez progresser en anglais, il faut faire des exercices et c’est vrai dans tous les domaines … y compris celui de la gratitude. En plus, je vous rappelle ce que je disais au début de mon intervention, la gratitude fonctionne comme une vertu et les vertus sont fondées sur ce principe : ce que je fais me transforme en mal ou en bien. Nous allons donc nous exercer à la gratitude pour qu’elle nous transforme et que nous puissions en recueillir tous les bienfaits.
Dans le livre du père Dalle, chaque étape se fait en une semaine, il y a donc un chapitre à lire qui correspond à l’enseignement que je vous ai donné et une série de travaux pratiques. Nous, nous faisons deux étapes chaque semaine … mais comme nous sommes en confinement, nous avons plus de temps. Et puis surtout, ce n’est pas un parcours qui doit s’arrêter avec le carême, nous sommes partis pour toute la vie … donc si vous n’avez pas fait tous les exercices la semaine prochaine, ce n’est pas grave, vous les garderez pour plus tard ! Et puis vous pouvez choisir dans la liste des exercices, non pas le plus facile, mais celui qui vous fera le plus de bien parce qu’il va vous permettre de développer une attitude qui n’est pas naturelle chez vous.
Dans vos équipes, je vous encourage, de temps en temps, à revenir sur ce sujet de la gratitude, à vous épauler, à vous relancer.
TRAVAUX PRATIQUES :
Exercices liés à l’Étape 1 :
On va faire comme à l’école, je vais vous dire le matériel dont vous aurez besoin ! Il va falloir vous procurer un cahier, un carnet, un bloc, des feuilles volantes que vous allez assembler pour constituer un cahier de gratitude.
1° exercice : Je crois que les Ecochard nous l’avait proposé. En introduction sur le cahier de gratitude, vous allez noter les 15 grands moments de votre vie, 15 moments exceptionnels, décisifs … Et vous goûterez à la gratitude pour chacun d’eux. Vous pourrez dire un mot sur chaque étape de la gratitude : se souvenir, ressentir et remercier. C’est-à-dire que vous racontez brièvement l’événement, vous écrivez ce que vous avez ressenti et vous formulez un merci. Evidemment, vous avez le temps pour faire cet exercice, vous le commencez et vous y revenez plus tard. Ce 1° exercice, quand il sera terminé (mais vous pouvez aller jusqu’à 20 ou 30 !) va constituer un trésor, vous y reviendrez dans les moments plus difficiles.
2° exercice : 5 fruits et légumes par jour, c’est très bon pour la santé, 5 « kifs » en plus, c’est encore mieux ! Si vous ne parvenez pas à trouver ces 5 kifs, vous pouvez vous contenter de 3 ! Et vous les écrivez sur votre cahier de gratitude.
3° exercice : Soigner la 2° pensée à notre réveil. Pourquoi la 2° ? Parce que la 1° est souvent incontrôlée et donc, ne dépend pas de nous. Mais quand j’ai identifié la 1°, je peux choisir la 2° et faire en sorte que ce soit une pensée de gratitude à l’égard du Seigneur qui me donne cette journée pour vivre dans l’amour. Je vous rappelle l’histoire de St Césaire qui disait que notre esprit est comme un moulin et que le 1° grain qu’on lui donne à moudre, c’est le grain qu’il va moudre toute la journée !
4° exercice : Décidez de renouveler votre regard sur le trajet qui, par exemple, vous conduit à aller au petit déjeuner, à la chapelle, vous passez devant des chambres, si vous connaissez les personnes qui les habitent, priez pour elles, regardez la nature par la fenêtre et bénissez le créateur, pensez à ceux qui ont construit, amélioré … Et un autre jour vous ferez cela pour aller sur le lieu de votre service … trouvez de nouveaux itinéraires pour de nouvelles occasions de gratitude !
Exercices liés à l’Étape 2 :
1° exercice : Choisissez une journée de la semaine qui sera une journée particulière destinée à faire en continu des exercices de gratitude ou plutôt un exercice de gratitude répété. Certains se donnent une journée de temps en temps pour marcher, pour vivre un temps de désert … eh bien, choisissez une journée de gratitude. Au cours de cette journée, décidez de vous dire le plus souvent possible que tout est grâce ! Après avoir croisé une personne, bénissez le Seigneur pour cette rencontre même si vous avez reçu une remontrance, bénissez-le après un coup de fil passé, une tâche accomplie. Ça sera une journée 100 gratitudes mais pas sans gratitude !!!
2° exercice : Changez de vocabulaire face aux contrariétés ! Si vous avez l’habitude de grossir les problèmes et de voir partout des catastrophes, des apocalypses, des drames. Pour cela, vous allez vous mettre dans la peau de votre ange gardien ou dans ses ailes et essayer d’imaginer comment, lui, il est en train de réagir face à ce qui vous arrive et ce qu’il est en train de faire pour vous !
3° exercice : Il est proposé de faire un arbre de gratitude en famille, je ne sais pas si c’est possible pour nous ! Un arbuste sec auquel chacun accrochera chaque jour un papier sur lequel il aura noté un bon moment qu’il a vécu et qui le fait entrer dans la gratitude.
4° exercice : La prière d’Alliance : Merci, Pardon, S’il te plait.
Cette prière d’Allaince, c’est St Ignace qui l’a mise au point. Elle peut avantageusement remplacer l’examen de conscience ou plutôt l’élargir. Elle commence d’abord avec le positif ou ce que je veux voir comme positif. Pourquoi ne pas apprendre à dire merci aussi pour ce qui, à priori, n’est pas immédiatement positif, mais que je peux relire comme m’ayant donné quelques bons enseignements. Mais bien sûr, il ne faut pas que j’oublie ce qui a été bon. Ce temps de la prière d’Alliance peut se conjuguer avec les 5 kiffs à écrire sur le cahier de gratitude. Ensuite, demander pardon pour ce que j’ai fait de mal, mais aussi pour tout ce que j’ai grossi comme problème, ce qui n’est quand même pas très respectueux pour ceux qui vivent tant de problèmes insurmontables. Et S’il te plait, aide-moi, demain à ne pas réagir de cette manière. Prendre le temps de cette prière permet également de cultiver en moi la gratitude : c’est le moment de passer du « tout est dû » au « tout est don. »
Je laisse une fiche assez complète sur la prière d’Alliance que j’ai trouvée sur internet en la remaniant à peine !
La prière d’alliance
La prière d’alliance permet de garder vivant un lien d’amitié avec Dieu, de prendre soin de cette amitié. Quand je suis vraiment ami avec quelqu’un, j’aime lui raconter ma journée, lui partager ce qui me fait vivre…
Prendre le temps de la prière d’alliance permet aussi de dire STOP pour éviter de vivre sans m’arrêter, de vivre sans réfléchir à ce que je fais.
C’est donc aussi une manière de sentir le prix qu’à ma vie, de cultiver l’émerveillement : « Merveille que je suis », dit le psaume 139.
Ma vie a suffisamment de prix pour que je puisse prendre ce temps pour la regarder, pour me réjouir de ce qui est bon, et pour m’interroger sur ce qui est peut-être moins bon. Prendre le temps de cette prière permet également de cultiver en moi la gratitude : c’est le moment de passer du « tout est dû » au « tout est don » puisque la première partie de cette manière de prier conduit à dire « Merci ». La prière d’alliance est une prière quotidienne à vivre le soir ou le matin ou bien au terme d’une semaine ou d’un mois.
Comment faire ?
Je commence par me mettre en présence de Dieu et je lui demande de regarder ma journée à sa lumière et sous son regard.
Première partie : dire merci
1. Me réjouir d’exister
Si chaque soir, je commence par me réjouir d’exister, des choses vont changer dans ma vie ! Il y a beaucoup de raisons de me réjouir : comme d’être en bonne santé, de pouvoir contempler la beauté de la nature, d’entendre le chant des oiseaux… Prendre conscience de tout ce qui m’est donné. Ce n’est pas un dû, c’est un don. Cela va développer en moi la conscience que ce n’est pas banal.
2. Me réjouir de ce que j’ai reçu des autres dans la journée
En regardant bien ma journée, je peux découvrir tout ce que les autres m’ont donné ! C’est ainsi que les petites choses deviennent des grandes choses. L’un des fruits de cette prière d’alliance et de voir tout ce que je reçois des autres : invitation à me réjouir de choses les plus habituelles. Tant de choses me sont données grâce aux autres !
3. Me réjouir des bonnes choses que j’ai faites
Moi aussi je fais des bonnes choses et je suis invité à m’en réjouir, sans fausse humilité. Cela peut être de goûter d’avoir pu réaliser simplement le travail qui est le mien, une présence, une écoute, un soutien que j’ai pu apporter… Me réjouir de toute action, toute pensée qui ont été dans le sens du bon, du vrai, du beau dans ma journée.
4. Me réjouir des bonnes choses que d’autres ont faites pour d’autres
Je suis aussi parfois témoin des bonnes choses dont d’autres ont été bénéficiaires : je n’en suis ni l’auteur, ni le bénéficiaire mais je m’en réjouis. Tout ceci me fait monter au cœur un merci à la vie, un merci à moi-même, un merci aux autres. Je fais remonter ce merci à Dieu. En prenant bien conscience que ce n’est pas Dieu qui fait ces évènements, c’est bien moi ou les autres, mais je dis merci à Dieu car il est la source de toute bonté, vérité, justice. Cela est passé par des personnes concrètes et Dieu en est l’origine.
Deuxième partie : un pardon à donner, à recevoir
1. D’abord je sonde mon cœur
Comment je me sens ? Dans la joie, dans la tristesse ? Avec un goût amer ? Beaucoup de bonheur, du découragement ? De la confiance ? Quel sentiment m’habite ? En regardant cette journée, qu’est-ce qui reste ? Quelle est la météo de mon cœur ?
2. Je repère ce qui est à l’origine de cela
Peut-être qu’il n’y a rien, peut-être y a-t-il des raisons… je prends la distance nécessaire pour regarder tout cela de plus loin et faire un constat le plus juste possible.
Puis je discerne pour ne pas en rester là.
- Si cela provoque des sentiments positifs : joie, paix, confiance en moi, en Dieu, dans les autres, c’est le signe que quelque chose de bon est à garder, à poursuivre, signe d’un chemin à prendre ou à continuer.
- Si cela provoque des sentiments négatifs comme la tristesse, le découragement, etc., il ne faut pas en rester là mais en tirer profit. Car cela m’indique peut-être un chemin à ne pas prendre et même au contraire une invitation à prendre le contre-pied. Cela m’indique peut-être un pardon à donner ou à demander. Agir ainsi, c’est faire comme les disciples d’Emmaüs : ils exposent leur amertume à quelqu’un et faisant cela, quelque chose va s’éclairer.
Troisième partie : s’il te plaît
1. Avec mon agenda
Je regarde mon agenda, le travail à faire, les rencontres à venir. Je confie à Dieu la journée du lendemain. Ce sont des choses joyeuses ? Alors je me réjouis à l’avance… Ce sont des événement plus difficiles ? Alors je les confie à Dieu.
2. Le Seigneur comme partenaire
Cette forme de prière fait de Dieu le compagnon de ma vie. Je ne vis pas en solo, je ne laisse pas Dieu sur le palier de ma porte. Dieu ne fera pas les choses à ma place. Mais sa présence sera ma force et ma joie.
Je termine ce temps de prière avec un Notre Père et un Je vous salue Marie
Comme le disait le pape François, cette prière d’alliance est une manière
- De regarder le passé avec reconnaissance,
- De vivre le présent avec passion
- Et d’embrasser l’avenir avec espérance
deux questions :
pour prendre nos notes, devons-nous prendre une feuille de papier à cigarette, un cahier de 96 pages ou une ramette complète de feuilles ? que conseillez-vous ?
si je rentre dans votre chambre à 4 heures du matin pour vous jeter un seau d’eau sur votre visage, quelle sera votre deuxième pensée à votre réveil ? une tempête dans un seau d’eau ou bien la réflexion : »chouette, je n’ai plus besoin de me laver ? »