Sale temps pour les prophètes ! C’est ainsi qu’on pourrait résumer les deux lectures que nous avons entendues !
Dans la lecture du livre de Jérémie, c’est à une querelle bien particulière que nous assistons. Les prêtres et les prophètes, entendez les faux-prophètes, font comparaitre Jérémie devant les dirigeants du pays et leur demandent de le condamner pour ses prédictions pessimistes. Ces prêtres et faux-prophètes savent très bien que leurs paroles à eux, ce n’est pas le Seigneur qui leur a demandé de les dire. Ce qu’ils disent, leurs prédictions extrêmement optimistes pour le pays, ils les disent pour se faire bien voir. En effet, on écoute plus volontiers ceux qui annoncent du positif que du négatif ! Oui, mais si Jérémie dit ce qu’il dit, c’est parce que c’est le Seigneur qui lui a demandé de le dire. De plus tout le monde peut constater que rien ne va plus dans le pays, que les signes avant-coureurs de la catastrophe sont bien là, nous ne sommes qu’à quelques années de la prise de Jérusalem par les Assyriens et la déportation en Exil à Babylone. Mais on pratique la politique de l’autruche.
Autrement dit, déjà du temps de Jérémie, il y avait pas mal de fakes-news qui circulaient ! Et les gens semblaient bien plus enclins à les écouter qu’à écouter la vérité. On voit très bien cela sur les réseaux sociaux, aujourd’hui, ceux qui disent n’importe quoi, avec suffisamment d’assurance et en s’arrogeant des titres pompeux de spécialistes, sont suivis par des milliers de personnes et ceux qui cherchent à dire la vérité ne font pas toujours recette !
Mais dans la lecture d’aujourd’hui, il y a un revirement assez inattendu. Les dirigeants, que les prêtres et faux-prophètes cherchaient à flatter avec leurs propos mensongers, vont finalement refuser de condamner Jérémie et lui donneront raison après son plaidoyer. Or comment Jérémie a-t-il cherché à se justifier ? Il n’a pas repris les arguments du camp adverse en opposant ses arguments à lui. Il dit simplement : moi, c’est le Seigneur qui m’a envoyé, donc ce que je dis, je le dis en son nom et vous pourrez bien me tuer, vous ne changerez pas le cours des événements. Je trouve cette défense de Jérémie très belle pour deux raisons au moins :
La 1° raison, c’est qu’il montre que sa vie est moins précieuse que la vérité. Il ne cherche pas à s’en sortir en sauvant sa vie, ce qu’il veut sauver, c’est la vérité. Aujourd’hui encore, il y a de ces hommes et de ces femmes, prophètes actuels, qui, considérant que la vérité est le bien le plus précieux, sont prêts à donner leur vie. Demandons pour eux l’assistance de l’Esprit-Saint.
La 2° raison, c’est que, pour Jérémie, c’est clair, même si ce qu’il dit peut paraitre inquiétant dans un 10° temps, puisqu’il parle au nom du Seigneur, il est persuadé que ses paroles sont destinées à ouvrir un avenir pour le peuple. En faisant Alliance avec son peuple, Dieu s’est lié à ce peuple de manière définitive, comme deux époux lient leur destin en s’échangeant leurs alliances. Les paroles, que Dieu adresse à son peuple, par l’intermédiaire de son prophète, même si elles sont des paroles rudes, visent donc à lui ouvrir un chemin de vie, au cœur même des difficultés qu’il traverse et de la catastrophe qui se profile. Comme je le disais hier, ce n’est pas parce que ce peuple est le peuple élu qu’il ne connaitra pas de problèmes, ces problèmes étant la conséquence des mauvais choix de ses dirigeants et de l’apathie du peuple qui ne réagira pas suffisamment. Mais parce que Dieu a fait alliance, il n’abandonnera jamais son peuple, même quand ce peuple lui tournera le dos.
Il faut croire que Jérémie a su être convaincant et que les dirigeants du peuple ont entendu le parfum de sincérité, mieux de vérité qu’il y avait dans ses paroles puisqu’ils lui accorderont leur protection. Ceci dit, ça ne durera pas ! Mais c’est un répit bienfaisant pour le prophète si souvent malmené.
Dans l’Evangile, Jean-Baptiste, lui, il s’en sortira nettement moins bien, comme quoi la mission de prophète, n’est pas faite pour ceux qui cherchent une planque tranquille ! Hérode l’a fait décapiter alors qu’il avait compris que la foule le tenait pour un vrai prophète et que lui-même aimait bien l’entendre, comme est dit, ailleurs dans l’Evangile. Oui, mais voilà Hérode est un faible, complètement sous l’influence de sa femme, Hérodiade, qui n’avait pas supporté que Jean-Baptiste puisse dénoncer son union avec Hérode, parce qu’il était son beau-frère.
Hérode était un faible et en plus un homme qui ne savait pas maitriser. Un autre passage d’Evangile nous apprend que c’est au cours d’un banquet donné en son honneur que la fille d’Hérodiade va effectuer cette danse, le jour de son anniversaire. On peut facilement imaginer qu’Hérode avait trop bu et, en plus, on sait que les danses orientales sont assez provocatrices. Il n’en fallait pas plus pour qu’Hérode perde la tête et fasse une promesse inconsidérée à cette fille qui consultera sa mère pour savoir quoi demander.
Quand la fille d’Hérodiade demande la tête de Jean-Baptiste, Hérode aurait dû se réveiller en refusant d’aller jusque-là, mais il n’aura pas le courage de se ressaisir, il préféra son honneur à la vérité. Aujourd’hui, ce mécanisme est encore bien souvent à l’œuvre quand tant de personnes préfèrent soigner leur réputation, leur promotion, leurs affaires juteuses plutôt que de choisir la vérité, quoiqu’il en coûte.
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce du courage pour nous et pour le monde afin que nous ne renoncions jamais, ni par peur, ni par intérêt à la défense de la vérité.