24 novembre : vendredi 33° semaine ordinaire : pas de trafic avec Dieu !

Ce n’est pas tous les jours que les deux lectures se répondent aussi bien, mais, puisque c’est le cas, aujourd’hui, profitons-en !

Dans la 1° lecture, nous avons presque la fin de l’épopée de Judas Maccabée. En fait, la vraie fin sera pour demain avec la reconnaissance par le le roi Antiochos de sa défaite et surtout du caractère insensé de la croisade qu’il avait menée contre ce petit pays et ses habitants. Avant de mourir, il reconnaitra que tous ses problèmes trouvent là leur origine. Ça sera une belle lecture mais ce n’est pas à moi de faire aujourd’hui l’homélie sur le texte de demain !

Pour aujourd’hui, nous voyons donc Judas mettre un terme à la campagne qu’il a menée, avec ses frères et les juifs pieux, campagne qui visait à s’opposer aux décisions du roi Antiochos qui voulait, ni plus ni moins, supprimer la religion de ce peuple. Pour ceux qui auraient raté les épisodes précédents de la semaine, je fais un rapide résumé.

Dans les années 330-320 avant JC, l’empereur grec, Alexandre le Grand, grâce à ses conquêtes, était devenu le maître du monde. Mais, à sa mort, il y a un gros problème de succession puisque, pour faire court, il n’a pas d’enfants. Des luttes de pouvoir acharnées vont conduire à la division de ce vaste royaume qu’Alexandre avait conquis peu à peu. Après avoir voulu faire sécession, la Syrie de l’époque, dont la Judée est une province, revient dans le giron de l’empire grec qui, par l’empereur Antiochos, en 137, va imposer que toutes les régions sous sa coupe vivent « à la grecque » en renonçant à leurs coutumes et à leurs religions propres. Antiochos ayant perçu que la religion avait un rôle déterminant en Judée prendra des décisions particulièrement terribles à son encontre allant jusqu’à profaner le Temple. Les habitants du pays auraient dû, au nom de leur foi, refuser toutes les décisions de l’empereur Antiochos, mais de manière lamentable, ils l’ont laisser faire ! C’est alors qu’un groupe de juifs pieux emmenés par Mathatias va entrer en résistance et défier la puissance de l’empereur Antiochos. Au prix d’une lutte faisant beaucoup de martyrs, d’où le titre du livre, ils parviendront à déstabiliser Antiochos et, après la mort de Mattathias, ce sont ses fils qui continueront, on a surtout retenu le nom de Judas qui prendra le relai avec ses frères et qui réussiront à vaincre Antiochos.

Dans la lecture d’aujourd’hui, nous assistons à ce que nous pourrions nommer le point d’orgue de cette lutte, vous avez entendu ce que proposait Judas au début du texte : « Voilà nos ennemis écrasés, montons purifier le Lieu saint et en faire la dédicace. » Cette décision est très belle car cette bande de valeureux résistants auraient pu faire une énorme fête pour fêter leur victoire, il n’en feront rien car, pour eux, la bataille ne sera vraiment finie, la victoire ne sera vraiment acquise que lorsque Dieu aura retrouvé tous ses droits, toute sa place, d’où cette décision de purifier le Temple de toutes les traces de profanation et de pouvoir, par le déploiement d’une cérémonie de dédicace, remettre Dieu à sa place dans sa maison qu’est le Temple. 

Pour Judas, c’est trop clair, s’ils ont pu remporter cette victoire alors qu’il y avait un si grand déséquilibre des forces en présence, c’est grâce à l’engagement de Dieu à leurs côtés, c’est donc lui qu’il convient de fêter, de célébrer parce que, sans lui, sans son engagement, tous ces efforts, toutes ces vies sacrifiées n’auraient pas donner la victoire. Je relis le passage qui le disait si bien : On fit la dédicace de l’autel au chant des hymnes, au son des cithares, des harpes et des cymbales. C’était juste l’anniversaire du jour où les païens l’avaient profané. Le peuple entier se prosterna la face contre terre pour adorer, puis ils bénirent le Ciel qui avait fait aboutir leur effortElle est vraiment très belle l’humilité de ces vaillants combattants qui ne veulent pas s’attribuer à eux les mérites de cette victoire. Certes, ils y ont collaboré, sans leur engagement, rien n’aurait été possible, mais s’il n’y avait eu que leur engagement, c’est sûr, la victoire n’aurait pu être au rendez-vous. 

C’est donc un très beau texte qui nous parle admirablement bien de la collaboration entre la grâce et le travail des hommes. Cette collaboration que nous évoquons à chaque eucharistie au moment de l’offertoire quand nous présentons le pain et le vin reçus comme des dons du Seigneur et que nous reconnaissons être, en même temps, fruit du travail des hommes. Dieu ne fait rien sans nous et nous ne pouvons rien sans lui. Ce texte est une invitation à ne jamais l’oublier.

Le Temple a été purifié par Judas, ses frères et tous les combattants, mais, hélas, il ne restera pas pur très longtemps puisque Jésus va être obligé d’entreprendre une nouvelle purification comme nous l’avons entendu dans l’Evangile. Le récit de St Luc que nous avons lu est plus sobre que celui de Matthieu ou de Jean, ce qui ne nous empêche pas de deviner la grande détermination de Jésus. Le texte nous disait que Jésus a expulsé les vendeurs du temple, ce verbe « expulser », c’est celui qui est habituellement utilisé pour signifier que Jésus va expulser des démons. Or quand Jésus expulse des démons, il n’y va pas avec des pincettes ! On comprend donc qu’il n’a pas pris beaucoup de précautions pour expulser les vendeurs, c’est ce que nous disent les autres évangélistes qui rapportent la scène. Pourquoi une telle détermination de la part de Jésus ? Eh bien, c’est Jésus, lui-même, qui nous en donne la raison : la maison de son Père a été transformée en caverne de bandits. Et ce mot « bandit » il est à entendre dans le sens de « trafiquant » c’est-à-dire que Jésus refuse le trafic qui s’est instauré dans le Temple. Pour comprendre la portée de ce reproche, il faut que je dise un mot sur le système des sacrifices qui était le pivot de la religion juive.

Offrir des sacrifices aux divinités, c’est une pratique courante dans toutes les religions, sur ce point, les juifs ne se seront pas démarqués des autres religions. Le principe est simple, quand on veut obtenir une grâce, on offre un sacrifice pour s’attirer la bienveillance de Dieu et plus la grâce demandée est importante plus la valeur du sacrifice doit l’être également. Ce système qui était très satisfaisant pour les hommes, notamment les prêtres, qui y trouvaient pas mal d’avantages en nature et les commerçants qui vendaient les bêtes à sacrifier ne convenait pas du tout à Dieu. Il l’a fait savoir à de nombreuses reprises par la bouche des prophètes en des mots qui ne manquaient pas de vivacité, écoutez ces paroles relayées par le prophète Isaïe : Que m’importe le nombre et la valeur de vos sacrifices ? – dit le Seigneur. Les holocaustes de béliers, la graisse des veaux, me donnent la nausée. Le sang des taureaux, des agneaux et des boucs, je n’y prends pas plaisir. Is 1,11. Dieu n’aime pas les sacrifices pour deux raisons principales :

  • Tout d’abord, il ne voudrait pas laisser croire que son amour s’achète, tout ce qu’il donne, il le donne dans une gratuité absolue comme marque de son amour débordant. Dieu ne veut pas d’une religion de marchands de tapis !
  • D’autre part, les hommes finissaient par vivre dans l’hypocrisie la plus totale offrant de grands sacrifices à Dieu dans le Temple alors que, en dehors du Temple, ils vivaient sans respecter la loi. Les prophètes insisteront et Jésus, lui-même, reprendra cette parole : Ce qui plait à Dieu ce ne sont pas les sacrifices mais la miséricorde avec laquelle nous vivons toutes nos relations.

Malgré les rappels incessants des prophètes, rien n’a changé, alors Jésus prend les grands moyens, il expulse les marchands avec autant d’ardeur qu’il expulse les esprits mauvais. Jésus veut que le Temple, la maison de Dieu, la maison de son Père redevienne ce qu’elle aurait dû toujours être, à savoir une maison de prière et non une maison dans laquelle on vient trafiquer avec Dieu pour s’attirer ses bonnes grâces. Ce ménage, Jésus veut le faire, aujourd’hui, dans nos cœurs car, nous le savons, ce sont nos cœurs qui sont désormais les Temples de sa présence. Jésus ne voudrait pas que dans nos cœurs s’installe cette religion de marchands de tapis qui nous ferait dire à Dieu je te donnerai beaucoup quand, toi, tu m’auras donné ce que je te demande ! Pas de trafic avec Dieu dans nos cœurs, vivons dans l’amour, un amour qui n’exige rien, qui ne cherche pas à acheter les bonnes grâces, un amour qui accueille et fait confiance.

Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons que nos cœurs soient purifiés pour vivre toujours plus notre relation au Seigneur dans l’amour, un amour totalement gratuit.

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