20 août : mardi 20° semaine ordinaire : ce à quoi tu tiens, es-tu sûr que c’est ce qui te fait tenir ?

Dans la 1° lecture, nous avons entendue une annonce très importante pour le peuple des hébreux. Je rappelle que toute l’élite du peuple a été emmenée en déportation à Babylone et que le reste de la population resté au pays est en grande difficulté puisque le roi Nabuchodonosor, maître du monde a envahi le pays, saccagé Jérusalem, pillé le Temple et impose sa loi qui est bien loin de la Loi donnée par Dieu. Tout le monde, en déportation ou au pays se demande si, un jour, tout cela finira ; si, un jour, les déportés rentreront au pays ; si, un jour, le Temple sera rebâti et la liberté restaurée. Et voilà que, dans cette prophétie, Ezéchiel annonce cette extraordinaire bonne nouvelle : l’empire des puissants est en train de se lézarder. Oh, ce n’est encore pas de Nabuchodonosor dont parle le prophète, mais du roi du Liban, le roi de Tyr, comme il était écrit qui faisait partie de la coalition des oppresseurs. La prophétie, annoncée de la part du Seigneur, est claire : je fais venir contre toi des barbares, une nation redoutable. Ils tireront l’épée contre ta belle sagesse, ils profaneront ta splendeur. Ils te feront descendre dans la fosse et tu mourras au cœur des mers, d’une mort violente. Et comble de tout, cette défaite cuisante ne sera pas infligée par une revanche des peuples qui ont été meurtris, mais, on le pressent, par un retournement dans le camp de l’alliance des puissants.

Ce qui est le plus intéressant, c’est de voir les raisons profondes qui provoqueront cet effondrement à venir. Là encore, elles sont clairement exprimées : Ton cœur s’est exalté et tu as dit : “Je suis un dieu, j’habite une résidence divine, au cœur des mers. ” Pourtant, tu es un homme et non un dieu, toi qui prends tes pensées pour des pensées divines. C’est parce que tu prends tes pensées pour des pensées divines que tu tomberas. Voilà une dérive des dirigeants de l’époque, mais aussi applicable à tous les dirigeants de tous les temps et cette dérive est clairement pointé du doigt. Très vite, un certain nombre deviennent orgueilleux au point de penser qu’ils égalent Dieu et pourquoi pas, peuvent le remplacer. La France n’échappe pas à cette critique, dans l’histoire, des rois agissaient comme Dieu avec cette justification bien connue de leurs décisions : car tel est notre bon plaisir ! Puis ça a continué jusqu’à affubler un président du nom de Dieu, lui-même et autre de Jupiter ! 

Tout dirigeant devrait se comporter en serviteur de son peuple et par là-même, serviteur de Dieu. Mais voilà, le pouvoir enivre et rares sont ceux qui arrivent à garder le cap, il y en a eu quelques-uns, on peut penser au roi Baudouin de Belgique, pour qui un procès de canonisation est ouvert et ça serait bien qu’il aboutisse pour que nous ayons un saint actuel à prier afin qu’il intercède pour nos dirigeants actuels. C’est ce que nous pouvons faire dans cette messe d’aujourd’hui et, ici, dans ce sanctuaire, en attendant la canonisation du roi Baudouin, nous pouvons toujours invoquer l’intercession de Notre Dame de Laghet ! Dans ses reproches Ezéchiel pointait donc du doigt le risque de dérive auquel le pouvoir conduisait et il lui associait l’argent. Dans nos démocraties européennes, nous sommes à peu près, protégés de ce fléau de l’enrichissement des dirigeants, même si, régulièrement des scandales éclatent, mais c’est loin d’être le cas partout dans le monde. 

Et, dans l’Evangile, Jésus va élargir la réflexion en ne se contentant plus de pointer le doigt uniquement sur les dirigeants qui s’enrichissent mais aussi sur tous les détenteurs de richesses. Ce texte que nous avons entendu fait immédiatement suite à celui d’hier qui nous racontait les déboires de cet homme riche, exemplaire par bien des côtés, qui voulant accéder à la vie éternelle va repartir tout triste car il n’était pas prêt à entendre l’appel de Jésus. Et, dans ma courte homélie d’hier, je disais qu’une chose est de suivre les préceptes de la Loi, autre chose est de suivre Jésus. Cet homme suivait, encore une fois de manière exemplaire les préceptes de la Loi, mais, pour Jésus, si on veut être chrétien, cela ne suffit pas, c’est, bien sûr, nécessaire, mais non suffisant ! Etre chrétien, c’est suivre Jésus et, pour suivre, il faut être désencombré, voilà l’enseignement de Jésus. Cet homme était encombré de ses richesses, mais chacun de nous, nous pouvons aussi être encombrés et pas forcément de richesses si nous n’avons pas grand-chose. Certains sont encombrés par le soin de leur réputation et pour maintenir leur image, prêt à tous les compromis, d’autres sont encombrés par leur apparence extérieure et dépensent sans compter pour l’embellir … bref, c’est à chacun de voir ce qui l’encombre et qui ne le rend pas libre pour suivre le Christ, même si, par ailleurs, il suit la règle, il suit les commandements avec respect et même parfois minutie !

J’aime bien dire que ce à quoi nous tenons le plus, c’est rarement ce qui nous fait tenir ! A l’office des lectures, nous avons entendu cette si belle parole du Seigneur rapportée par le prophète Isaïe : si vous ne tenez pas à moi, vous ne tiendrez pas. Hélas, les Bibles traduisent rarement de manière juste car elles ne respectent pas le jeu de mot hébreu : si vous ne tenez pas à moi, vous ne tiendrez pas. Is 7,9. Quand nous tenons au Seigneur et que nous faisons des choix clairs qui le montrent pour que ça ne soit pas que de belles paroles, quand nous tenons au Seigneur, il nous fait tenir ! Mais quand nous tenons au pouvoir, à l’avoir, à la réputation, que sais-je encore, ces idoles exigent beaucoup de nous sans rien nous donner de solide en retour !

Quant à cette histoire invraisemblable d’un chameau qui pourrait passer par le trou d’une aiguille, nous savons aujourd’hui, ce que cette expression signifie. Dans les villes de l’époque, il y avait, à l’entrée de certains quartiers commerçants avec de nombreux étales, des portes de pierre surbaissées pour empêcher l’entrée des chameaux qui, dans un accès de folie, auraient pu tout renverser. On peut imaginer ce qu’étaient ces portes en regardant l’entrée de la porte de la basilique de la nativité à Bethléem. De fait, pour entrer, il faut s’abaisser profondément. En donnant cette comparaison, c’est donc à l’humilité que Jésus nous invite. L’humilité pour que, jamais, même avec de grandes richesses ou un grand pouvoir, nous ne nous prenions pour Dieu. Humilité pour reconnaître que l’essentiel, Dieu nous le donne et que nous ne pourrons jamais nous le payer même avec des coffres pleins. Humilité aussi et surtout pour reconnaître que nos paroles sont souvent plus belles que nos actes.

Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons cette grâce de l’humilité qui nous conduire à toujours mieux donner, nous donner et donner ce que nous possédons. Et comme la liturgie nous donne, aujourd’hui, St Bernard en exemple, lui qui a vécu cette humilité et le don si généreux de ses biens et de sa personne, demandons-lui d’intercéder aussi pour nous.

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