Samedi 13 mars : samedi 3° semaine carême : Restons tranquilles, c’est sûr, le soleil finira par se lever !

« Efforçons-nous de connaître le Seigneur : son lever est aussi sûr que l’aurore. » Quand j’ai lu cette parole dans la 1° lecture tirée du livre d’Osée, j’ai tout de suite repensé au témoignage d’une carmélite. Quand j’étais responsable de la Pastorale des jeunes, j’aimais bien emmener des groupes dans un carmel en Saône et Loire, non loin de Taizé, un carmel ouvert, mais un carmel quand même. Et, ce qui était bien, c’était qu’à chaque fois, 2 ou 3 sœurs acceptaient de venir parler aux jeunes. Lors d’une de ces rencontres, un des jeunes leur a posé cette question : « vous passez deux fois par jour une heure de prière silencieuse, toutes ensembles, dans la chapelle, il n’y a pas des moments où vous avez envie de partir ? » Je me rappelle encore leur réponse !

Il y en a une qui a dit : « Bien sûr que ça peut arriver ! Mais dans ces moments-là, je me dis que si je quitte la chapelle, il y a peut-être une sœur qui va plus mal que moi et qui, me voyant partir de la chapelle, quittera carrément le monastère. Je ne sais pas s’il y en a une qui se trouve dans cette situation puisque nous ne parlons pas sauf dans les moments de récréation, mais dans ces temps de récréation, nous n’échangeons pas ce genre de confidences. Je ne sais pas, mais je reste quand même à la chapelle en communion d’amour, de fraternité avec celle qui pourrait être en proie à de grandes remises en question. » J’avais trouvé cela très beau et je pense que ça peut devenir inspirant pour notre vie communautaire : nous nous soutenons par notre fidélité mutuelle, par notre ponctualité, par notre engagement total vécu jusque dans les plus petites choses. Vous connaissez cette parole de Marthe que j’aime tant : « La fidélité à l’amour par l’exactitude dans l’accomplissement des petites choses. »

Mais ce qui m’a fait penser à la parole du livre d’Osée, c’est la suite du témoignage des sœurs parce qu’il y en a une qui a rajouté : « Tu vois, quand on est dans la nuit, il faut attendre que le soleil se lève … et il se lèvera forcément à un moment ou à un autre. Mais si tu te mets à courir dans tous les sens, tu risques de rater le moment où il va se lever en partant à contre-sens ! Non, quand tu es dans la nuit, il faut croire que le soleil se lèvera et le meilleur moyen de bénéficier à nouveau de sa lumière et de sa chaleur, c’est de rester tranquille ! » C’est bien ce que disait le livre d’Osée : « Efforçons-nous de connaître le Seigneur : son lever est aussi sûr que l’aurore. » Si tu connais le Seigneur, mais pas d’abord d’une connaissance intellectuelle, livresque, si tu le connais par expérience, alors tu as déjà expérimenté sa fidélité et tu sais que « son lever est aussi sûr que l’aurore. » Tu sais que si tu restes tranquillement, fidèlement à ta place, veillant dans la foi, « son lever est aussi sûr que l’aurore. »

Vous avez sans doute déjà entendu parler de l’acédie, cette maladie spirituelle qu’on pensait réservée aux moines mais qu’on sait aujourd’hui pouvoir guetter tous les chrétiens, en visant, c’est vrai, de manière toute particulière ceux qui ont consacré leur vie au Seigneur. L’acédie, c’est comme une forme de dépression spirituelle qui fait qu’on n’a plus de goût pour tout ce qui touche de près ou de loin au spirituel. Ce qui, vous en conviendrez n’est pas facile à vivre quand on a consacré sa vie au Seigneur ! Celui qui souffre d’acédie aura donc envie de se trouver partout … sauf là où il se trouve ! Vous connaissez cette parole de St François de Sales : « fleuris, là où Dieu t’a planté. » Le démon de l’acédie va justement suggérer que tu as épuisé la terre où tu as été planté et qu’il est temps de transplanter ailleurs si tu veux fleurir ! Mensonge ! Parce que si tu pars dans cet état, tu vas transporter ta maladie partout où tu iras ! Le seul conseil pour ceux qui souffrent d’acédie, c’est de ne pas bouger, de ne pas fuir parce que « si tu connais le Seigneur, tu sais que son lever est aussi sûr que l’aurore ! » 

Ne tombons pas sous le reproche que fait le Seigneur à son peuple dans cette même 1° lecture : « Votre fidélité est comme une brume du matin, une rosée d’aurore qui s’en va. » Demandons vraiment cette grâce de la fidélité puisée dans la foi, puisque nous connaissons le Seigneur, croyons que « son lever est aussi sûr que l’aurore. » Et encourageons-nous les uns les autres puisque la fidélité des uns soutient la fidélité des autres quand ils sont dans la nuit.

Venons-en à l’Evangile avec cette parabole bien connue du pharisien et du publicain. Il ne faut pas trop vite mépriser le pharisien sous prétexte qu’il est lui-même méprisant. Il ne faut pas trop vite le mépriser car la plupart de ses paroles sont vraies et font de lui, quoiqu’on en pense, un homme admirable. « Je jeûne deux fois par semaine et je verse le dixième de tout ce que je gagne. » Et, peut-être bien, qu’il n’est pas comme beaucoup de ses semblables, voleur injuste et adultère. Ce n’est pas sur ce qu’il fait que Jésus pose des questions. Mais, dans son attitude, il y a comme deux dérives que Jésus veut pointer du doigt et c’est sans doute là que nous avons à être attentifs.

1/ La 1° dérive que Jésus dénonce, c’est cette sale habitude de se comparer. « Je ne suis pas comme les autres hommes … ou encore, je ne suis pas comme ce publicain. » La comparaison, la plupart du temps, va semer le poison du jugement. Et là, selon les psychologies de chacun, il ya deux attitudes possibles aussi nocives l’une que l’autre. 

  • Soit nous devenons orgueilleux, ce qui est le cas de ce pharisien qui se surestime par rapport aux autres alors que, finalement, il ne les connait pas vraiment, il ne les connait que d’un regard extérieur et superficiel.
  • Soit nous nous mésestimons en désespérant de nous-mêmes, nous nous voyons tellement moins bien que telle ou telle personne de notre entourage.

Rappelons-nous le texte d’Evangile de l’entrée en carême le mercredi des Cendres qui nous invitait à tout faire dans le secret en nous soumettant seulement au regard de Dieu. Si nous voulons avancer dans la vie et dans la vie spirituelle, il faut cesser de nous comparer, de nous évaluer, de nous déterminer à agir à partir du regard des autres. Tenons-nous sous le regard de Dieu lui qui élève les humbles et renverse des trônes, sur lesquels ils se sont indûment installés, les orgueilleux.

2/ La 2° dérive, c’est d’utiliser Dieu comme faire-valoir. L’Evangile décrivait l’attitude du pharisien en disant « qu’il se tenait debout et priait en lui-même. » Le texte grec est encore plus étonnant puisqu’il dit « qu’il priait vers lui-même. » En fait sa prière n’était pas adressée à Dieu, mais il faisait un bilan d’autosatisfaction en prenant Dieu à témoin. Non seulement, il cherchait à briller aux yeux des hommes en manifestant sa différence, mais il cherchait à briller encore aux yeux de Dieu en le prenant à témoin. Il voulait qu’il n’y ait aucun doute, que Dieu reconnaisse qu’il était quelqu’un de bien et surtout de mieux que les autres.

Le publicain, lui, il est à l’abri de ces deux dérives. Il ne cherche pas à se comparer, ça ne serait pas à son avantage. Il ne prie pas vers lui-même, sa conscience le reprend si souvent qu’il n’a aucun intérêt à rester en lui-même. Le publicain, il a osé croire que le slogan de MacDo est un maitre mot de la vie spirituelle, il a osé croire que le Seigneur lui disait ce qui est écrit dans tous les MacDo : « venez comme vous êtes ! » Demandons cette grâce de toujours oser nous approcher du Seigneur tels que nous sommes et de ne pas nous focaliser sur ce que nous sommes, mais sur ce que le Seigneur est et aussi sur ce qu’il peut pour nous. Oui, « Efforçons-nous de connaître le Seigneur : son lever est aussi sûr que l’aurore. »

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