Si l’on faisait un sondage demandant aux chrétiens de dire quelle est la fête liturgique qui leur parle le mieux de la mission, je pense que la quasi-totalité répondrait : la fête de Pentecôte. Et c’est bien vrai ! Dans dix jours, dans toutes les églises, nous aurons donc l’occasion de parler abondamment de la mission parce que l’Esprit-Saint est profondément associé à la mission. Moi-même, j’animerai un week-end de récollection au Foyer de Charité de Tressaint en Bretagne, là où je vis, qui aura pour titre : « Accueillir le Saint-Esprit pour ne pas vivre comme des dégonflés ! » Et, bien sûr, c’est pour devenir des disciples-missionnaires audacieux qu’il ne faut pas être dégonflés. Le don du Saint-Esprit est donc étroitement lié à la mission. Et nous devons nous en réjouir. Parce qu’il n’en a pas toujours été ainsi. La réflexion du concile Vatican II est passée par là, poursuivie par la magnifique exhortation de Paul VI, Evangelii nuntiandi et toute cette réflexion a été comme confirmée par l’expérience du Renouveau Charismatique. Oui, l’Esprit-Saint est bien l’âme de l’évangélisation et ce n’est donc pas étonnant que ce soit la fête de Pentecôte qui évoque aussi nettement la mission. Pourtant, je pense que la fête de l’Ascension que nous vivons aujourd’hui, nous délivre, elle aussi, un message très fort sur la mission. Je voudrais souligner 2 points qui m’ont frappé en méditant sur ces textes.
Le 1° point m’est suggéré par le début du texte. « Quand ils le virent, ils se prosternèrent mais certains eurent des doutes. » Pour comprendre la force de ces paroles, il est sûrement nécessaire de les replacer dans le contexte de cet évangile de Matthieu qui est le seul à rapporter un tel scénario. Chez Matthieu, après la résurrection, il n’y a aucune apparition de Jésus aux disciples. Il apparaît seulement aux femmes en leur demandant de dire aux apôtres qu’ils doivent se rendre en Galilée pour le voir. Il y aura un unique rendez-vous entre Jésus ressuscité et ses apôtres et c’est celui qui nous est rapporté dans l’évangile d’aujourd’hui. Si Jésus donne rendez-vous à ses apôtres, bien évidemment, ce n’est pas pour leur faire un petit coucou, c’est pour les envoyer en mission, c’est d’ailleurs pour cela qu’il a choisi la Galilée, ce lieu de brassage de populations qui indique si bien l’horizon de la mission.
Oui, mais voilà, « Quand ils le virent, ils se prosternèrent mais certains eurent des doutes. » Eh bien, c’est réussi, comme retrouvailles ! Et quelles perspectives ça donne pour un départ en mission ! Les apôtres ont des doutes ! Combien sont-ils à douter ? Nous ne le savons pas, mais il y en a suffisamment pour que l’évangile le rapporte ! Et ce qui est étonnant, c’est la réaction de Jésus. La logique aurait voulu qu’il programme un ou plusieurs nouveaux rendez-vous pour permettre à ses apôtres de voir leurs doutes s’apaiser. Il n’en fait rien. Et c’est cela que je trouve très beau, je crois que ça nous dit quelque chose de vraiment essentiel que je formulerai ainsi : La mission est le remède contre les doutes.
Vous avez entendu, quand Jésus se rend compte que ses apôtres doutent, il ne leur fait pas un cours de théologie, il n’organise pas un stage intensif de remotivation avec des coachs, il ne les convoque même pas pour faire une bonne retraite à La Flatière, il les envoie en mission ! Jean-Paul II dans sa grande et belle encyclique sur la mission explicitera cela par cette formule si juste : « La foi se fortifie quand on la donne ! » Si tu croises un frère qui doute, le plus grand service que tu puisses lui rendre, c’est de lui confier une mission ou de l’emmener avec toi, dans la mission, pour lui donner l’occasion de témoigner de sa foi parce que sa foi se fortifiera quand il aura l’occasion de la donner, d’en témoigner ! Et puis, dis-toi bien que si, toi, il t’arrive de douter de Jésus, Jésus, lui, ne doutera jamais de toi !
Venons-en au 2° point que je veux retenir et qui nous permettra de comprendre pourquoi Jésus ne doute pas de nous. Vous avez entendu cette magnifique promesse de Jésus : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » C’est en raison de cette promesse que Jésus peut envoyer avec confiance ses apôtres en mission. Et cela c’est un point essentiel à intégrer. Il me semble, en effet, qu’il y a trop de gens qui ont une conception radicalement fausse de la mission. Plus ou moins consciemment, certains pensent que l’Ascension, c’est Jésus qui part en disant à ses apôtres : j’ai fait ce que j’avais à faire, je vous ai montré ce qu’il fallait faire et comment il fallait le faire, maintenant, à vous de jouer !
Si tel avait été le cas, alors là, pour le coup, c’est Jésus qui aurait pu avoir des doutes, des doutes sur la capacité de ses apôtres à remplir la mission qu’il allait leur confier. Et quand je parle des apôtres, je parle de ceux d’hier comme de ceux d’aujourd’hui, c’est à dire de vous et moi. Heureusement, ce n’est pas ainsi que Jésus conçoit la mission. Il fait une promesse qui n’est pas du vent : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » D’ailleurs, quand on lit le récit de l’Ascension à la fin de l’Evangile de Luc, il y a un détail qui est très beau, il est dit : Or, tandis qu’il les bénissait, il se sépara d’eux et il était emporté au ciel. Lc 24,51 Jésus est monté au ciel en bénissant, il s’est éternisé en bénissant, c’est-à-dire que son éternité, il la vit comme une bénédiction éternelle donnée à ses frères les hommes. C’est une autre manière de dire : « Et moi, je suis avec vous tous les jours jusqu’à la fin du monde. » Cette promesse, Jésus va la tenir en utilisant de multiples moyens par lesquels il veut se rendre présent à ceux qu’il envoie en mission. Il y a bien sûr la prière qui nous permet d’accueillir cette présence du Christ, il y a aussi la lecture de l’Ecriture et bien sûr toute la vie sacramentelle avec tout particulièrement l’Eucharistie, célébrée et adorée, au cours de laquelle, comme je le disais ce matin en citant le diacre St Ephrem de Syrie, si nous mangeons avec foi le pain eucharistique, nous mangeons le pain et le feu, c’est-à-dire que nous sommes aussi visités, restaurés par le Saint-Esprit.
Oui, soyons sûrs, quand Jésus fait une promesse, il la tient toujours. Et on le voit encore très bien puisque la 1° lecture, nous disait que Jésus disparaît aux yeux des apôtres dans une nuée. Pour tous les lecteurs avertis de l’Ecriture, ce mot « nuée » rappelle immédiatement l’expérience de la présence de Dieu qu’a faite le peuple hébreu dans le désert. Le livre de mentionne, à plusieurs occasions, que Dieu accompagnait son peuple dans sa traversée du désert sous la forme d’une nuée. Donc quand St Luc nous dit, dans les Actes, que Jésus disparaît aux yeux de ses apôtres dans une nuée, c’est pour nous dire que Jésus sera autant présent à ses disciples que Dieu l’avait été auprès de son peuple pendant sa traversée du désert. J’explicite encore autrement : dans tous les déserts que nous pourrons traverser, il nous accompagnera toujours.
Si le Christ ne nous accompagnait pas, nous pourrions répondre à son appel, ce qu’il nous demande, ça serait mission impossible ! Mais s’il est avec nous, alors ça change tout ! Car il ne nous promet pas de nous encourager ou de nous réconforter de loin, du haut du ciel. Non, il promet d’être activement présent à nos côtés. Alors quel dommage que nous ne comptions si souvent que sur nos propres forces, sur notre génie personnel ou même communautaire pour vivre la mission. C’est vrai qu’à plusieurs nous sommes plus forts que tout seul, mais nous ne serons jamais assez forts, même dans une communauté géniale, même dans une paroisse très bien organisée, nous ne serons jamais assez forts pour accomplir la mission qui nous est confiée. C’est seulement lorsque nous accueillons le Christ et sa puissance que nous devenons capables d’évangéliser.
Et nous avons du mal à imaginer jusqu’où va cette puissance qui est mise à notre disposition. Paul a essayé d’en rendre compte dans la 2° lecture quand il dit : « La puissance infinie qu’il déploie pour nous, les croyants, c’est la force même, le pouvoir, la vigueur, qu’il a mis en oeuvre dans le Christ quand il l’a ressuscité d’entre les morts et qu’il l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux. » Vous vous rendez compte ! La puissance qui est mise à notre disposition, c’est la force même, le pouvoir, la vigueur, que Dieu a mis en oeuvre pour ressusciter Jésus d’entre les morts et le faire asseoir à sa droite dans les cieux. Vous imaginez la puissance qu’il a fallu à Dieu pour faire sortir Jésus des liens de la mort ? Eh bien, c’est cette puissance qu’il met au service des croyants qui veulent évangéliser, c’est inouï ! Si nous nous mettions à croire que cette puissance est à notre disposition, nous ne serions plus jamais des dégonflés, avec la dynamite de l’amour, nous pourrions faire sauter tous les murs de haine, d’égoïsme, nous oserions proposer l’Evangile à tous ceux qui sont fatigués de poursuivre une vie sans but. « La puissance infinie qu’il déploie pour nous, les croyants, c’est la force même, le pouvoir, la vigueur, qu’il a mis en oeuvre dans le Christ quand il l’a ressuscité d’entre les morts et qu’il l’a fait asseoir à sa droite dans les cieux. » Seigneur, nous croyons que cette Parole est vraie, mais augmente encore en nous la Foi.
« Et cette promesse, ce n’est pas du vent… »
Toujours les petites phrases ad hoc ! (Qui n’ont rien à voir avec les mots du capitaine Haddock!!!)
Merci!