La 1° lecture que nous venons d’entendre est fondamentale dans l’histoire du Salut puisqu’elle annonçait que le Messie serait de la descendance de David. Il faut bien comprendre que ce n’est pas juste un détail pour ceux qui sont passionnés de généalogie. En effet, ça va avoir une conséquence très concrète que nous réentendrons cette nuit. L’empereur ayant ordonné un recensement, chacun devait aller se faire recenser dans la ville de ses origines, la ville de ses ancêtres. Puisque Joseph était de la lignée de David, il fallait qu’il aille à Bethléem qui était la patrie de son illustre ancêtre. En plus d’assurer la protection de la Sainte Famille, il y avait cette place que, seul, Joseph pouvait tenir : rattacher à la lignée de David l’enfant que Marie portait par l’action du Saint-Esprit pour que les Ecritures soient accomplies.
Voilà donc ce que nous dit cette première lecture et ce n’est pas rien ! Je reviens sur le fait qu’elle nous aide à comprendre pourquoi ce couple de Nazareth est obligé d’aller à Bethléem alors que, en raison de l’état de grossesse avancée de Marie, il aurait été préférable d’attendre la naissance dans de meilleures conditions. Ce qu’on pourrait qualifier de mésaventure nous montre aussi comment Dieu est capable de faire feu de tout bois, ce recensement décrété par l’empereur n’était pas une bonne idée ! Mais d’un mal, Dieu peut toujours faire jaillir du bien.
Mais il y a encore autre chose d’absolument remarquable dans cette lecture et qu’il est très important de comprendre si nous ne voulons pas nous égarer dans notre vie spirituelle. Nous avons été témoins de cette très belle proposition, si généreuse que le roi David fait au Seigneur. Il explique au Seigneur, par l’intermédiaire de son prophète Nathan, qu’il n’est pas normal que lui, le roi, habite désormais dans un beau palais et que Dieu soit toujours sous la tente. Pour bien comprendre la pertinence de la remarque de David, il faut se rappeler que nous ne sommes pas si loin que cela de l’entrée en Terre promise. C’est Josué qui a permis au peuple d’y entrer. C’est lui qui présidera au partage de cette terre entre les 12 tribus. A sa mort, ce seront des personnages qu’on appelle « les juges » que Dieu choisira pour gouverner son peuple, il y en aura 12 qui vont se succéder.
Puis vient ce désir qui monte dans le peuple d’avoir un roi. Dieu n’est pas bien d’accord, mais il sera obligé de céder. C’est le roi Saül qui deviendra ce premier roi et qui fera donc construire ce palais dans lequel habite David. Et c’est donc là que David réalise ce qu’il y a d’absolument anormal dans la situation : on a pensé au roi avant de penser à Dieu. On a construit un palais pour le roi en laissant Dieu sous la Tente comme pendant la traversée du désert.
David veut réparer cette injustice et il fait part au prophète de son désir de construire un palais pour Dieu, un palais qui sera bien plus beau, bien plus grand que son palais à lui pour qu’on comprenne très bien qui est le boss ! David veut que ce soit clair aux yeux de tous : le boss, le vrai, c’est Dieu et non pas le roi. On aurait pu penser que Dieu félicite David pour ce magnifique projet. C’est d’ailleurs ce que pensait le prophète Nathan qui dira à David, au nom de Dieu : « Tout ce que tu as l’intention de faire, fais-le, car le Seigneur est avec toi. » Mais Nathan a parlé un peu trop vite !
En effet, voilà qu’au cours de la nuit, Dieu convoque le prophète Nathan pour lui dire qu’il n’est pas du tout d’accord avec le projet de David. On n’y comprend plus rien ! Du coup, en lisant ces versets, il pourrait nous arriver de penser que, parfois, Dieu est vraiment compliqué, qu’il est bien difficile de le comprendre et de savoir comment lui faire plaisir ! Pourquoi Dieu ne se réjouit-il pas de ce projet qui, encore une fois, manifeste le grand cœur de David ?
Il y a une petite formule que j’aime bien, elle dit que la bonne volonté, c’est bien, mais ce n’est encore pas la volonté bonne ! En effet David est plein de bonne volonté et ça nous touche, mais pour autant cette bonne volonté n’est pas encore une volonté parfaitement bonne, parfaitement ajustée à ce que Dieu attend de David et au-delà de David, de chacun de nous. Et c’est pour cela que Dieu va remettre David en place, c’est-à-dire qu’il va le remettre à sa juste place. C’est un peu comme si Dieu disait à David : n’inverse pas les rôles ! Ce n’est pas à toi de chercher ce qui est bon pour moi, c’est à toi d’accueillir ce que, moi, je veux te donner de bon. Ou dit autrement : arrête de toujours vouloir faire des choses pour moi et accepte de me laisser faire, de te laisser faire.
Que de fois, il peut nous arriver d’être dans la même attitude que David. Que de fois où, poliment bien, sûr, nous voulons nous occuper de Dieu. Il peut nous arriver de penser que nous, nous savons très bien ce qu’il faudrait faire dans telle ou telle situation et nous le disons à Dieu. Encore une fois c’est discret, c’est poli, mais c’est réel et donc parfaitement tordu !
Quant à l’Evangile, il nous a fait entendre les premières paroles de Zacharie quand il sort de ce silence que Dieu lui a imposé pour qu’il ait le temps de s’ajuster à sa volonté. Que c’est beau un homme qui parle après une belle cure de silence ! C’est sans doute aussi vrai pour les femmes ! Car ces premières paroles de Zacharie, elles sont devenues une prière qui nourrit la prière de l’Eglise, chaque matin, puisque nous les prions à la fin de l’office de Laudes. Chaque matin, ces paroles nous invitent à la louange en mettant ces mots sur nos lèvres : Béni soit le Seigneur ! Que j’ai bien dormi ou pas, que je sois en forme ou pas, je commence ma journée en bénissant le Seigneur et c’est un grand bienfait ! Et pourquoi pouvons-nous le bénir chaque matin ? L’hymne en donne la raison fondamentale : parce qu’il nous a donné le Salut. Si, chaque jour, nous pouvons le bénir pour ce don du Salut, aujourd’hui nous pouvons le faire de manière toute particulière puisque, c’est aujourd’hui, en cette nuit, que nous allons faire mémoire du 1° Noël, grande fête du Salut.
Par l’intercession de Notre Dame de Laghet, demandons la grâce d’entrer dans cette joie profonde.