14 avril : ceux à qui on a beaucoup pardonné montreront beaucoup d’amour !

A propos de la fin de ce premier discours de Pierre, vous connaissez la boutade que l’on fait habituellement : Pierre, une homélie, 3000 conversions et nous, 3000 homélies et une conversion ! Ça, c’était pour sourire parce qu’il faut bien que nous puissions sourire puisque, après les annonces de notre président, hier soir, il semble que mon CDD parmi vous soit prolongé d’un mois et peut-être bien plus, vous demanderez à Anaelle pourquoi je dis ça !

Aujourd’hui, c’est surtout sur l’Evangile que j’aimerais m’arrêter. Vous connaissez la conclusion que tire Jésus du geste d’amour dont il a bénéficié, chez Simon le pharisien, de la part de cette femme pécheresse qui a toutes les chances d’être Marie-Madeleine, il dit : « ses péchés, ses nombreux péchés, sont pardonnés, puisqu’elle a montré beaucoup d’amour. Mais celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour. »

J’aime particulièrement cette parole de Jésus parce qu’elle vient remettre les pendules à l’heure ! Nous, nous aimerions que chaque pardon soit un pas de plus vers l’impeccabilité, je prends ce mot au sens littéral, c’est-à-dire vers une vie sans péché. Qu’il ou elle me jette la première pierre, celui ou celle qui n’a jamais rêvé de pouvoir arriver devant son confesseur en disant : ce mois, zéro péché ! Nous pouvons tous le reconnaître, c’est humiliant de confesser ces péchés soit parce qu’ils sont trop récurrents ou soit parce qu’ils marquent tellement notre éloignement avec notre état de vie, notre désir de nous donner totalement. Ce n’est pas que par orgueil que nous aimerions pouvoir dire : zéro défaut, que nous rêvons d’impeccabilité ! C’est aussi pour que notre témoignage soit plus limpide.

Mais Jésus ne répondra jamais à notre désir d’impeccabilité parce qu’il sait que ça serait un cadeau empoisonné. Ce qu’il attend, c’est que nos pardons, nos nombreux pardons, nos gros pardons reçus nous rendent miséricordieux, nous permettent de déployer beaucoup d’amour. Rappelons-nous toujours cette conclusion de Jésus chez Simon : « Celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour » et donc, à l’inverse, celui à qui on pardonne beaucoup et souvent montrera beaucoup d’amour. On voit bien que ça a été vrai dans la vie de Marie-Madeleine et cet évangile nous le montre si bien et c’est là-dessus que j’aimerais méditer avec vous, sachant qu’il y aurait eu beaucoup d’autres points de ce texte qui aurait mérité d’être développés.

Tout d’abord le texte nous la montre en larmes près du tombeau. Elle n’a pas dû avoir beaucoup de répit depuis vendredi, ses larmes ont été ses plus fidèles compagnes. Devant cet excès d’amour de Marie-Madeleine à l’égard de Jésus, nous connaissons les interprétations déviantes qui ont pu être présentées. Evidemment, ceux qui parlent d’une liaison secrète n’ont rien compris et ne sont pas des lecteurs attentifs de l’Evangile. Car, justement, chez Simon, Marie-Madeleine a compris que Jésus était un homme comme aucun de ceux qui l’avaient approché jusqu’à maintenant et qui avaient profité de son corps. Ce texte magnifique du repas chez Simon, comme d’ailleurs celui de l’onction à Béthanie que nous avons médité la semaine sainte, nous montre les gestes osés que Marie-Madeleine a pu avoir à l’égard de Jésus et c’est là qu’elle a bien vu qu’il ne réagissait pas comme les autres hommes, qu’il ne la regardait pas comme les autres hommes la regardait. Enfin, elle avait trouvé quelqu’un qui s’intéressait à elle, à son cœur qui ne la regardait que dans les yeux parce qu’il cherchait uniquement à réveiller l’amour endormi en elle. C’est la perte d’un tel homme qui la fait tant pleurer.

Et elle est vraiment inconsolable. Un autre détail nous le montre : elle a la chance de voir 2 anges, ce n’est quand même pas rien de voir deux anges ! Je m’excuse, mais, elle, elle s’en fiche des anges, c’est Jésus qu’elle veut ! Alors, quand elle voit cet homme qu’elle prend pour le jardinier, elle n’hésite pas une seule seconde : « Si c’est toi qui l’as emporté, dis-moi où tu l’as déposé, et moi, j’irai le prendre. » « Et moi, j’irai le prendre », elle ne doute de rien ! Comment une femme pourrait-elle, toute seule, porter un cadavre inerte ? Elle ne doute de rien parce qu’elle sait que l’amour donne des ailes, donc décuplera ses forces. Et elle en est tellement persuadée qu’elle est déjà partie pour ne pas perdre une seconde ! Il ne lui a rien dit, elle ne sait pas dans quelle direction chercher, mais elle est déjà partie, la preuve, quand il commence à parler, elle se retourne, c’est bien le signe qu’elle était déjà partie !

Et alors, c’est merveilleux, elle entend son prénom prononcé comme lui seul savait le prononcer. Elle avait déjà bien dû être étonnée de s’entendre appelée « femme » parce que ce mit de « femme » n’était pas une appellation froide, anonyme. « Femme » c’est le si beau nom disant la dignité de l’être féminin dans le livre de la Genèse, c’est tellement vrai que c’est avec ce mot que Jésus appellera souvent sa mère. « Femme » on ne devait pas souvent l’appeler ainsi, les hommes devaient lui donner un tas d’autres noms moins glorieux ! Oui, de s’entendre appelée « femme » ça avait déjà dû éveiller son attention. Mais, c’est quand elle s’entend appelée « Marie » qu’elle comprend. Alors, la réponse ne se fait pas attendre : « Rabbouni », cette réponse remplie d’affection ne manque d’aucun respect. Rabbi, en hébreu, c’est maître, c’est avec ce nom respectueux que Marie-Madeleine a choisi de s’adresser à Jésus, mais, pour autant, elle ne lui dit pas rabbi, elle dit « rabbouni » en y mettant toute son affection. De même que Jésus avait su se faire proche d’elle dans un infini respect mais en sachant répondre justement à son besoin de tendresse, elle sait, à son tour, se faire proche de Jésus, lui manifester sa tendresse, sans manquer d’aucun respect. La proximité de Marie-Madeleine ne choque pas Jésus, ce qui le chagrine, ce sont plutôt nos relations trop guidées avec lui !

Et, voyez-vous, la preuve que Marie-Madeleine ne lui manque d’aucun respect, c’est qu’elle ne se jette pas à son cou mais à ses pieds ! « Ces pieds qui ont tant aimé le monde ! » Je ne pense pas que Jésus la repousse quand il lui dit : « Ne me retiens pas. » Mais il veut lui signifier que ce n’est plus à elle de s’occuper de lui, désormais, c’est lui qui va s’occuper d’elle et de tous les hommes, car sa résurrection puis son ascension qu’il évoque, lui permettront d’être présent à tous et à chacun en même temps, ce qu’il ne pouvait pas faire dans sa vie terrestre. Il ne lui interdit pas la relation, mais il commence à l’initier à un autre mode de relation qui sera encore plus grand.

Oui, c’est bien vrai, Jésus avait bien raison : celui à qui on pardonne peu Oui, c’est bien vrai, Jésus avait bien raison : celui à qui on pardonne peu montre peu d’amour mais celui à qui on a beaucoup pardonné montrera beaucoup d’amour ! C’est ce « beaucoup d’amour » que Jésus espère de nous en nous offrant son pardon, beaucoup d’amour à son égard, beaucoup d’amour entre nous. C’est ce « beaucoup d’amour » que Jésus désire bien plus que notre impeccabilité ! Et c’est donc une pécheresse pardonnée, au cœur débordant d’amour, qu’il envoie vers les apôtres, ces pécheurs en attente de pardon, pour signifier que l’évangélisation la plus féconde ne pourra qu’être l’œuvre de pécheurs pardonnés laissant déborder cet amour qu’ils ont reçu sans aucun mérite et qu’ils veulent propager car rien ne sera plus bienfaisant que cet amour.

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