16 mai : 7° dimanche de Pâques. Nous avons connu l’amour et nous y avons cru !

Le hasard du calendrier fait que nous avons entendu en 1° lecture, le même texte que vendredi qui était le jour de la fête de Saint Matthias. Je ne vais donc pas redire ce que j’ai déjà dit, c’est pourquoi je vais me concentrer sur la 2° lecture et l’Evangile. Et c’est bien comme ça car je me rends compte que je ne commente pas souvent la 2° lecture le dimanche. C’est vrai que c’est plus difficile de parler de la 2° lecture qui arrive souvent comme un cheveu sur la soupe ! En effet, la réforme liturgique du concile a bâti un lectionnaire dans lequel la 1° lecture a été choisie pour faire écho à l’Evangile. Première lecture et Evangile se répondent toujours, alors que la 2° lecture, c’est l’extrait d’une lettre d’un apôtre, qu’on lit en lecture continue plusieurs dimanches de suite, elle n’a donc pas forcément de rapport avec la 1° lecture et l’Evangile. Mais aujourd’hui, les circonstances font que je vais m’y intéresser et, de fait, il est bien intéressant cet extrait de la 1° lettre de Saint Jean.

Nous le savons, Jean écrit ses lettres au soir de sa vie qui semble être une longue vie puisque ses écrits datent des années 100. C’est vrai qu’il devait être assez jeune quand il a été appelé par Jésus, mais quand même, pour l’époque, ça fait une vie assez longue. Alors, sachant cela, quand on lit ses lettres, on pourrait être tenté de penser que son grand âge excuse le fait qu’il semble rabâcher toujours la même chose : mes bien-aimés, aimons-nous bien ! Mais les personnes âgées ne rabâchent pas. En fait, le temps qui passe leur a permis de faire le tri dans leurs souvenirs. Elles disent parfois, j’ai la mémoire comme une passoire, c’est justement une très belle image parce que la passoire, elle fait le tri, elle laisse passer tout ce qui est petit, inutile, sale et même toxique pour ne retenir que le bon. C’est donc le bon, le meilleur des souvenirs qu’il garde des enseignements de Jésus que Saint Jean nous transmet dans ses lettres. C’est ainsi, me semble-t-il que nous devons comprendre ses insistances qui semblent des redites.

Personnellement, il y a une parole de cette lecture qui me touche particulièrement parce qu’elle évoque un souvenir très précis : « Et nous, nous avons reconnu l’amour que Dieu a pour nous, et nous y avons cru. » Quand j’étais responsable de la Pastorale des Jeunes dans mon diocèse, j’aimais emmener des groupes de jeunes dans un carmel assez ouvert et accueillant dans lequel les carmélites, pour la plupart, étaient jeunes et très belles ! Les jeunes que je conduisais étaient toujours scotchés de voir ces très belles femmes » enfermées » comme ils disaient. Et comme, nous avions à chaque fois un temps de rencontre avec deux ou trois d’entre elles, ils leur posaient la question : mais pourquoi vous avez fait ce choix ? Et elles répondaient toujours de la même manière. Est-ce que tu as lu la parole qui se trouve gravée au-dessus de la porte d’entrée de notre bâtiment communautaire ? Cette Parole, c’était justement celle que j’ai citée mais en condensé : « Nous avons connu l’amour et nous y avons cru. » Dans ce monastère, les sœurs élèvent des moutons, produisent du fromage et fabriquent des chaises et tabourets avec un paillage très au point. Mais évidemment ce n’est pas l’attrait pour les moutons, ni pour la production de fromage ou la fabrication de chaises qui peut expliquer que ces femmes, très belles et parfois surdiplômées aient choisi de venir s’enfermer dans ce lieu ! La seule explication possible qui puisse rendre compte de ce que tant de personnes considèrent comme un coup de folie, elles ont choisi de l’inscrire au-dessus de leur porte d’entrée : « Nous avons connu l’amour et nous y avons cru. » Jésus leur a tapé dans l’œil, a touché leur cœur et elles ont tout quitté pour le suivre.

Et les membres de Foyer, vous croyez que c’est parce qu’ils et elles aiment les lessives sans fin, les ménages perpétuels, les réparations et entretiens toujours à reprendre qu’ils sont venus vivre ensemble ? Bien sûr que non ! Eux aussi peuvent dire : « Nous avons connu l’amour et nous y avons cru. » 

Remarquez, c’est la même chose pour les couples, vous croyez que c’est la joie d’avoir la perspective de dormir à côté d’un ronfleur toute sa vie qui les a fait quitter la tranquillité d’un studio d’étudiant ? Evidemment, non : « Ils ont connu l’amour et ils y ont cru. » Il n’y a que l’amour qui soit capable de nous faire faire des choix engageants, il n’y a que l’amour qui puisse nous faire oser donner notre vie, nous donner, dans le quotidien parfois si répétitif et si peu gratifiant.

Tout cela signifie que lorsque nous connaissons un coup de mou dans notre vocation, dans notre identité, lorsque nous nous interrogeons sur le sens de notre vie donnée quelle que soit la forme sous laquelle nous nous donnons, ce dont nous avons besoin, ce n’est pas de réaménagements de nos emplois du temps, de redéfinitions de nos perspectives, de séances de développement personnel, ce dont nous avons besoin, c’est d’être renouvelé dans l’Amour. 

Or ceux qui ont participé à ces jours de retraite savent désormais que l’Amour a un nom et un visage, c’est l’Esprit-Saint. Selon la belle définition de Saint Augustin, le Père, c’est Celui qui aime, le Fils, c’est Celui qui est aimé et qui ne garde rien de l’Amour qu’il reçoit le rendant au Père et le distribuant à ses frères et l’Amour, c’est l’Esprit-Saint. L’Amour, c’est l’Esprit-Saint, c’est pour cela qu’un renouvellement du don du Saint-Esprit est un renouvellement de l’Amour, nous l’avons vécu ce matin avec les retraitants, mais c’est sûr que nous en avions déjà eu un avant-goût au cours de la prière d’hier soir. Et quand le don de l’Esprit est renouvelé en nous, chacun peut retrouver cette ardeur et ne pas dire en utilisant le passé et un ton nostalgique : « il fût un temps où j’ai connu l’amour, l’amour de mon conjoint, l’amour de Dieu et où j’y avais cru, mais c’est si loin ! Maintenant j’essaie d’assumer, de durer, jusqu’à extinction ! » Et vous comprenez bien que l’ardeur renouvelée, elle ne se déploiera pas seulement dans notre vie spirituelle. J’ai expliqué que le Saint-Esprit s’occupe de la totalité de notre personne, pas seulement de notre âme, mais aussi de notre cœur, de notre intelligence, de notre caractère, de nos émotions, de notre affectivité et jusque de notre sexualité et même encore de la manière dont nous gérons les sorties de notre portefeuille, il peut aussi intervenir pour nous aider à réguler nos intempérances dans tant de domaines. Bref, je ne peux pas tout détailler, quand il nous visite, c’est comme ces super-produits nettoyants qui agissent du sol au plafond, en nous, le Saint-Esprit vient tout restaurer, tout ! … de la pointe extrême de nos doigts de pieds jusqu’au sommet de notre crâne déplumé ou bien couvert !

Mais il n’y a pas de raison qu’il n’y ait que les retraitants qui puissent repartir en ayant été renouvelés dans l’amour, visités et restaurés dans la totalité de leur personne. Tout le monde y a droit : les jeunes qui sont venus animer l’école de prière, les membres du Foyer et vous tous qui nous avez rejoints pour cette messe. C’est pour que vous ne passiez pas à côté de cette possibilité de vous laisser renouveler dans l’amour en accueillant à nouveau la puissance du Saint-Esprit que je vous cite cette Parole d’un Père de l’Eglise des premiers siècles, il s’agit d’un diacre, St Ephrem de Syrie. Cette parole, je l’avais découverte dans la magnifique encyclique sur l’Eucharistie du pape Jean-Paul II. Je le cite : « Jésus appela le pain son corps vivant, il le remplit de lui-même » jusque-là rien d’extraordinaire, St Ephrem parle de la présence réelle en utilisant cette belle formulation : il remplit le pain de lui-même, c’est la suite qui est merveilleuse. « Jésus appela le pain son corps vivant, il le remplit de lui-même et de son Esprit. […] Et celui qui le mange avec foi mange le Feu et l’Esprit. » 

Vous avez bien entendu : Celui qui mange avec foi l’Eucharistie mange ce pain qui, non seulement est rempli de la présence de Jésus, mais qui est aussi plein du Feu de l’Esprit. Alors, sans avoir participé à la prière de renouvellement du don du Saint-Esprit ce matin, quand vous viendrez communier, si vous vivez cette démarche dans la foi, vous recevrez le pain et le feu, c’est-à-dire que, vous aussi, vous serez visités et restaurés du sol au plafond. Et s’il y en a parmi vous qui ne peuvent pas communier en raison de leur situation, dites-vous toujours qu’on peut aussi manger le pain des yeux dans les temps d’adoration eucharistique et que la prière de bénédiction que vous pouvez toujours demander, en vous glissant les bras croisés sur votre poitrine, dans la file de ceux qui vont communier, peut avoir la même action car le Saint-Esprit a plus d’un tour dans son sac pour rejoindre ceux qui sont dans des situations compliquées. Grâce à cette citation de St Ephrem, vous comprenez que ce renouvellement profond, cette restauration, elle n’a pas lieu uniquement quand on vit un temps de grâce comme une retraite spirituelle, c’est dans chaque communion vécue avec foi que nous recevons le pain rempli de la présence de Jésus et chargé du feu de l’Esprit.

Désormais, quand vous vous rendrez compte que vous devenez de plus en plus tièdes pour aimer le Seigneur, votre conjoint, vos enfants, vos collègues de travail, vos profs, vos élèves, vos frères et sœurs en communauté, vous connaissez le traitement et l’ordonnance a une validité permanente !

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