Nous ouvrons le livre des Actes des Apôtres qui sera le fil rouge des premières lectures de ce temps pascal. Toutefois, ne nous y trompons pas, tous les événements qui sont rapportés n’ont pas eu lieu après Pâques, mais après Pentecôte. La lecture commençait d’ailleurs par ces mots : Le jour de la Pentecôte, Pierre, debout avec les onze autres Apôtres, éleva la voix … Il aura fallu les 50 jours du temps pascal et le don du Saint-Esprit pour que Pierre et les apôtres puissent tout à la fois digérer les événements de la passion/résurrection et en comprendre le sens. Ce discours de Pierre que nous avons entendu et que nous continuerons d’entendre demain est donc la relecture que le Saint-Esprit a permis à Pierre de faire de tous ces événements. Puis dans les jours qui suivent, nous verrons comment les apôtres, comment la 1° communauté se met au service de la puissance de vie du ressuscité qui veut toucher tous les cœurs.
Aujourd’hui, nous avons donc entendu la 1° partie de ce discours-relecture de Pierre. Que pouvons-nous en retenir ? J’ai envie de le résumer par ces mots : quoiqu’il se passe, quoiqu’il nous arrive, Dieu reste à la manœuvre. Vous relirez le texte, c’est vraiment étonnant, Dieu est le sujet de la plupart des verbes. L’insistance est tellement marquée qu’on pourrait presque finir par se demander : mais est-ce que c’est Dieu qui a voulu tout ça ? Est-ce que c’est Dieu qui a voulu que la violence se déchaine contre Jésus ? Est-ce que c’est Dieu qui a voulu la défaillance des apôtres et de Pierre en premier ? Du coup, la question se pose : fallait-il autant de violence pour que nous soyons sauvés ? Evidemment, non ! Je l’ai dit, ce discours est une relecture de foi et non pas une narration des événements. Ce n’est pas Dieu qui aurait voulu la souffrance de Jésus, ce n’est pas Dieu qui aurait inspiré la violence des hommes et la faiblesse des apôtres. Non, ça s’est passé comme ça et, hélas, ça continue encore à se passer comme ça dans notre monde soumis à la violence, à l’égoïsme individuel des personnel et collectif des peuples.
Ce qui est sûr, c’est que toutes ses souffrances générées par ces situations font poser la question : mais où est Dieu ? Que fait-il ? Pourquoi n’intervient-il pas ? Eh bien, finalement, c’est à ces questions que répond le discours de Pierre. Dieu n’a pas voulu la souffrance, il n’a pas inspiré la violence, mais quand tout cela s’est passé, Dieu restait à la manœuvre. Il n’a pas dit : les hommes n’en valent pas la peine, je jette l’éponge, que tout se passe comme ils l’ont décidé ! Non ! Dieu est intervenu au cœur de ces événements pour en inverser la logique. La logique ça aurait dû être la victoire de la haine mais Dieu a inversé cette logique et ce n’est pas la haine qui l’a emporté, mais l’amour grâce au pardon, grâce à l’offrande de la vie de Jésus dans l’amour. Voilà ce que signifie le fait que Dieu soit le sujet de tant de verbes. Nous connaissons tous la très belle formule : Dieu sait écrire droit sur des lignes courbes. Oui, ces lignes de la passion étaient courbes et même carrément tordues par la violence, la haine, l’injustice, mais Dieu a su écrire droit l’histoire du Salut, il est resté à la manœuvre. Et, peu à peu, grâce à l’engagement de témoins, saisis eux-mêmes par cette puissance de vie et d’amour du ressuscité, les ténèbres ne pourront plus jamais gagner du terrain sans que de valeureux combattants ne les combattent. Voilà donc quelques clés pour entendre les 1° lectures de ce temps pascal.
Venons-en à l’Evangile ! Je voudrais souligner deux points, le 1° point concerne la manière dont Jésus va appeler ses disciples dans l’apparition aux femmes et le 2° point, concerne la peur des autorités juives obligées d’inventer un mensonge pour empêcher la propagation du message de la résurrection. Premier point, il vraiment étonnant ce mot que Jésus utilise pour désigner ses apôtres lorsqu’il apparait aux femmes : allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée.
Vous avez bien entendu, il les appelle « ses frères », c’est la 1° fois que Jésus utilise ce mot de « frères » pour désigner ses apôtres. Il est quand même extraordinaire Jésus, ils l’ont tous, ou presque tous, abandonné et lui les appelle « ses frères » ! Il ne dit pas aux femmes : allez dire à ces faux-frères que j’ai quelques comptes à régler avec eux.
Non ! Il dit : Soyez sans crainte, allez annoncer à mes frères qu’ils doivent se rendre en Galilée : c’est là qu’ils me verront. Il les appelle « ses frères » et il leur donne rendez-vous en Galilée, là où ils ont vécu ce temps de compagnonnage si merveilleux. Comme le disent les jeunes : trop fort, Jésus ! La lettre aux hébreux dira que Jésus n’aura jamais honte de nous appeler ses frères. Hb 2,11 A chaque fois qu’il pourra nous arriver, nous aussi, de renier Jésus, de l’abandonner et que la culpabilité nous anéantira, rappelons-nous bien cette parole : Jésus n’aura jamais honte de nous appeler ses frères et allons-vite, le plus vite possible nous jeter dans ses bras de crucifié-ressuscité éternellement ouverts pour nous accueillir.
Le 2° point concerne donc cette peur des juifs qui sont obligés d’inventer un gros mensonge pour éviter à la nouvelle de la résurrection de se propager. Pourquoi avaient-ils donc si peur de laisser cette nouvelle se propager ? Tout simplement parce que cette nouvelle a la puissance de la dynamite et vous allez voir que ce n’est pas exagéré de dire les choses ainsi. Pour vous le faire comprendre, je vais vous raconter cette histoire que vous connaissez peut-être mais elle est tellement savoureuse que ça fait toujours du bien de la réentendre, je l’ai lue sous la plume du père Cantalamessa.
En 1930, un certain Boukharine, directeur du tristement célèbre journal russe, la Pravda, dont le nom, tenez-vous bien, signifie « la vérité » était chargé de faire en sorte que la propagande, la vérité du parti, se diffuse dans tout le pays et particulièrement la propagande athée. Un jour, il a voulu vérifier si la nouvelle vérité, la nouvelle religion de l’athéïsme s’était suffisamment implantée dans le pays. Il organisa donc un très grand rassemblement à Kiev, prononcer ce nom dans l’actualité du moment, nous invite à les garder dans notre prière. Une foule considérable était là et Boukharine est monté sur le podium pour prononcer un discours fleuve qui avait pour but de ridiculiser la foi chrétienne et de démontrer la vérité et les bienfaits de l’athéïsme. Son discours a été tellement brillant qu’il a été applaudi de manière sincère et soutenue par tous les participants. Boukharine était sûr d’avoir emporté la partie, enfin son peuple sortait de l’obscurantisme. Grand Seigneur, il proposa que si un penseur voulait lui apporter la contradiction, il lui laissait le micro et le laisserait s’exprimer librement. Il était sûr qu’après sa brillante démonstration personne n’oserait le faire. Mais voilà qu’un homme sans prestige lève la main et accepte de relever le défi, il monte sur l’estrade, il prend le micro et adresse ces simples mots : « Christ est ressuscité ! » toute la foule, comme elle en avait l’habitude répond en chœur : « Il est vraiment ressuscité ! »
Pauvre Boukharine ! Il a suffi de 3 mots pour que s’écroule sa longue démonstration, et ces 3 mots, prononcés ce jour-là, ont peut-être été le début de la fin de cette monstrueuse machination qui avait eu pour but de chasser définitivement Dieu de la société. Ce vaste empire du mensonge a donc commencé à être ébranlé par ces 3 petits mots prononcés sur une estrade à Kiev par un témoin anonyme : « Christ est ressuscité ! » Plus tard, un autre témoin, beaucoup moins anonyme, devant une très grande foule réunie, non plus à Kiev mais à Rome, explicitera la puissance que ces 3 mots contiennent en eux : « N’ayez pas peur ! Ouvrez, ouvrez toutes grandes les portes au Christ ! À sa puissance salvatrice ouvrez les frontières des États, les systèmes économiques et politiques, les immenses domaines de la culture, de la civilisation, du développement. N’ayez pas peur ! Le Christ sait ce qu’il y a dans l’homme ! Et lui seul le sait ! » Comme nous pouvons le constater l’annonce de la résurrection du Christ contient en elle-même la puissance de la dynamite. Cette annonce a dynamité un système qui semblait indéboulonnable il a commencé à être ébranlé par ces 3 mots : « Christ est ressuscité ! » Du coup, on comprend mieux la peur des autorités juives mais aussi notre responsabilité de transmettre ce message qui a la puissance de dynamiter tout ce qui n’est pas animé par l’amour, la justice en nous et autour de nous : Christ est ressuscité ! … il est vraiment ressuscité !