31 mais : fête de la Visitation Faire toute chose bien volontiers !

« Si j’avais été prêtre, j’aurais appris l’hébreu et le grec comme cela j’aurais connu le vrai texte des Écritures dicté par le Saint Esprit. » C’est Thérèse de Lisieux qui a dit cela. Je suis prêtre, hélas, je ne connais pas l’hébreu et j’ai beaucoup oublié le grec appris au séminaire, mais il m’en reste quand même suffisamment pour lire et comprendre à peu près le texte d’un Evangile. Dans l’Evangile d’aujourd’hui, il y a une petite expression grecque qui mérite notre attention.

1/ Dans nos traductions, il est écrit que Marie se met en route avec « empressement » d’autres traductions disent « en hâte » ou « rapidement ». Et, souvent, on s’extasie devant Marie qui se met en route rapidement. Mais je ne suis pas sûr que faire les choses rapidement, ça soit toujours une qualité ! Il y a beaucoup trop de choses que je fais rapidement, souvent même bien trop rapidement et ce n’est pas une qualité ! C’est bien trop rapidement que je prends des nouvelles de personnes en difficulté ; bien trop rapidement que je salue ceux que je croise ; bien trop rapidement que je lis mon courrier ; et même bien trop rapidement que je prie. Il ne faudrait surtout pas que j’invoque l’attitude de Marie pour me donner bonne conscience car ce n’est pas du tout le sens du mot qui est utilisé dans le texte. 

Et puis cette manière de traduire ne rend pas forcément compte de ce que Marie a dû vivre intérieurement pour prendre cette décision de partir visiter sa cousine Elisabeth. C’est encore Thérèse de Lisieux qui disait : « J’ai entendu très peu de prédications sur la Sainte Vierge qui m’aient intéressé ! » Vous imaginez bien qu’une telle parole, ça met la pression quand on est prédicateur et qu’on doit prêcher sur Marie ! Mais ce qui est intéressant, c’est l’explication que donne Thérèse : pourquoi les prédications entendues ne l’intéressaient pas ? Tout simplement disait-elle parce qu’au lieu de rapprocher Marie de nous, bien souvent elles l’éloignent. Et c’est un peu vrai, il y a des prédications qui feraient presque de Marie la 4° personne de la Trinité ! Non, Marie est l’une d’entre nous, certes préservée du péché, mais elle est de la même humanité que nous. Alors n’allons pas trop vite pour souligner le fait que Marie se met en route rapidement, qu’elle court sur les montagnes pour aller aider sa cousine et lui porter la bonne nouvelle. Oui, mais peut-être que ce n’est pas venu aussi vite que ça !

On le sait, une femme, dans les premiers temps de sa grossesse, d’abord elle est fatiguée et en plus, elle a besoin de temps d’intimité avec cette vie qui se développe en elle. En plus, Marie et Joseph auraient sûrement eu besoin de temps à deux pour réenvisager leur vie, leur avenir, car l’annonce de l’ange était venue tout bouleverser. On peut imaginer, sans être iconoclaste que Marie n’a peut-être pas pris la décision aussi vite que ça de partir visiter sa cousine Elisabeth. Il y a sûrement eu un débat intérieur en elle et avec Joseph. Dire cela, ça rapproche Marie de nous et je vous assure que ça ne l’éloigne pas de Dieu !

Oui, Marie a pu vivre un débat intérieur et un débat avec Joseph pour savoir s’il était opportun de partir tout de suite visiter Elisabeth. Mais parce que, depuis l’Annonciation, elle était remplie du Saint-Esprit, ce débat intérieur sera tranché, elle partira. Et elle partira sans regret en se disant, je fais ma B.A. mais je serai tellement mieux à Nazareth. Et c’est là que le texte grec est précieux car l’expression qui es utilisée dans le texte nous dit que Marie s’est mise en route « meta spoudès » et c’est cette expression qu’on a traduit par « avec empressement » mais il y aurait une autre manière de la traduire, on pourrait dire « bien volontiers » Marie se met en route « bien volontiers. » Et du coup, ça devient très parlant pour nous qui vivons cette retraite sur le St Esprit. Le St Esprit, c’est Celui qui a aidé Marie à choisir de vivre bien volontiers ce qu’elle n’aurait pas forcément choisi de vivre spontanément. J’imagine que ça doit vous arriver de sentir qu’il faudrait que vous fassiez quelque chose, mais que vous n’avez pas forcément envie de faire. Eh bien, voilà le miracle que peut opérer le St Esprit en nous, il peut nous rendre capable de tout faire « meta spoudès » de tout faire bien volontiers même ce que nous n’aurions pas forcément envie de faire. 

Comme la vie serait belle, pour nous, mais aussi pour tous ceux qui nous entourent, si nous nous mettions à tout faire « meta spoudès » bien volontiers. C’est vraiment la grâce que nous pourrions demander que nous Marie nous obtienne en cette fête de la Visitation. Quand il nous faudra vivre quelque chose que nous ne sommes pas spontanément prêts à vivre, pas préparés à vivre que Marie nous obtienne cette grâce du Saint-Esprit de pouvoir le vivre bien volontiers. Quand le réveil sonne, le matin, apprenons à nous lever « bien volontiers », ça change toute une journée. Quand le téléphone sonne et qu’on voit s’afficher le nom de quelqu’un qui nous fatigue, répondons « bien volontiers. » Quand un service nous est demandé, répondons « bien volontiers. » Quand le Seigneur nous appelle à une démarche compliquée, répondons « bien volontiers. » Tout ce qui est fait « bien volontiers » nous pouvons le faire dans la joie alors que tout ce que nous faisons contraints et forcés finit pas nous déssécher !

Il y a un autre point dans ce texte que je voudrais vous partager, un point que le grec nous aide à souligner et ce point est très beau et plein d’humour. Le texte nous dit que lorsque Marie entra dans la maison de sa cousine, en entendant la salutation de Marie, Jean-Baptiste se met à tressaillir. Le verbe grec qui est utilisé ici, vous le connaissez sûrement même si vous n’avez pas fait de grec, il s’agit du verbe « sirtakô. » C’est ce verbe qui a donné son nom à cette dans grecque bien connue, le sirtaki. Quand Marie entre dans la maison et se met à parler, Jean-Baptiste, dans le sein d’Élisabeth se met à danser le sirtaki. Et qu’est-ce qui provoque ce tressaillement si plein d’allégresse ? Ce ne sont pas les mots que prononce Marie, mais c’est le fait que Marie est emplie de la présence de Jésus qui se développe en son sein. Marie s’est laissé visiter par le Saint Esprit, Jésus a pris en corps en elle et du coup, là où elle passe, on se met à tressaillir, à danser de joie. 

Vous connaissez sans doute cet épisode su Premier Testament (2 S 6) où l’Arche d’Alliance revient à Jérusalem. L’Arche d’Alliance, pour les juifs, c’était la présence même de Dieu, cette présence qui les avait accompagnés tout au long de leur marche dans le désert. Eh bien, quand l’Arche revient à Jérusalem, David est fou de joie, il se met à danser en étant d’ailleurs très peu vêtu, ce qui va mettre sa femme dans une colère terrible. Elle trouve que son mari de roi s’est ridiculisé aux yeux de son peuple. Mais, David, homme de foi explique qu’il ne pouvait pas faire autrement, c’était plus fort que lui, Dieu revenait habiter au cœur de son peuple, il ne pouvait faire autrement que danser de joie. Marie est souvent appelée la nouvelle Arche d’Alliance, car c’est elle désormais qui porte la présence du Seigneur et du coup, sur son passage, il se passe la même chose que sur le passage de l’Arche, on danse de joie.

Je le disais ce matin, en citant St Ephrem, quand nous venons communier, si nous accomplissons cette démarche avec foi, nous mangeons le pain et le feu, c’est-à-dire que nous devenons comme Marie, habités par la présence du Seigneur et enflammés par l’action du Saint-Esprit, c’est-à-dire que nous devenons à notre tour des arches d’Alliance. Certes, nous ne serons jamais des arches d’Alliance aussi lumineuses que Marie pouvait l’être car notre péché voile assez vite la présence que nous avons reçue, mais nous devenons quand même des arches d’Alliance c’est-à-dire porteurs de la capacité de faire danser le sirtaki autour de nous. Vous avez sûrement déjà rencontré de ces personnes au contact de qui vous vous sentez bien, vous vous sentez devenir meilleurs, ce sont des Arches d’Alliance. Que Marie nous obtienne la grâce de le devenir de manière plus constante et c’est ainsi que nous pourrons répondre à cette belle invitation que lançait mère Térésa qui aimait dire : ne laissez personne venir à vous et repartir sans être devenu meilleur !

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