1O mai : 5° dimanche de Pâques … un HLM particulier

Quand je repense à la vie de la 1° communauté, je suis toujours émerveillé, non pas tant à cause de ces belles photos qui nous sont offertes, photo où tout le monde est bien beau, j’en ai déjà parlé. Mais en raison des défis auxquelles ils ont été confrontés et le peu de moyens, en dehors de la foi, qu’ils avaient à leur disposition pour les régler. Pour me faire comprendre, je prends un exemple de l’actualité douloureuse que nous sommes en train de vivre : quand il y a eu ces bruits qui couraient à propos de mauvais agissements du père Finet, le père modérateur a consulté le conseil pontifical dont dépendent les Foyers et la conférence des évêques de France. Il avait aussi à sa disposition le Droit Canonique et les différents textes législatifs du pape et des évêques sur le sujet. Il a donc pu bénéficier de tous les conseils et accompagnements dont il avait besoin, même si, après, bien sûr, personne n’a fait le job à sa place. Mais il savait à qui s’adresser, à quelle porte il fallait frapper pour qu’on l’éclaire et c’est tellement important dans ces moments-là de pouvoir s’appuyer sur les autres, sur la fraternité vigilante de l’Eglise.

Mais, à Jérusalem, quand les problèmes ont commencé, les apôtres ne pouvaient pas consulter Rome parce que Rome, c’était eux ! On imagine donc qu’ils se réunissaient, qu’ils priaient comme des pauvres en appelant le Saint-Esprit qu’ils avaient reçu et que Jésus leur avait annoncé comme le paraclet, c’est-à-dire l’avocat qui viendrait toujours à leurs côtés quand ils seraient perdus et attaqués. On peut dire la même chose par rapport aux grands défis doctrinaux qui se sont posés assez vite. Parce qu’avant de partir, Jésus n’avait pas rédigé le Catéchisme de l’Eglise Catholique ! Il a fallu faire face, élaborer peu à peu le contenu de la foi de l’Eglise sans aucun livre de référence, même les Evangiles n’étaient encore pas écrits ! Repenser à tout cela, c’est renouveler notre foi, notre confiance en la puissance du Saint Esprit qui n’a jamais lâché la main de ceux qui lui tendaient leur main en l’appelant au secours.

Et nous voyons bien que, dans la 1° lecture, c’est un de ces défis redoutables qui nous est rapporté. Ce défi est redoutable parce que derrière le bien des personnes se cache aussi l’avenir de cette première communauté. Dans toute la Bible, les veuves, avec les orphelins, sont une figure emblématique de la pauvreté. A l’époque, évidemment, il n’y avait ni pension de réversion ni aucune aide sociale. Les veuves se retrouvaient dans un extrême état de dénuement, livrées à la convoitise de certains hommes qui n’hésitaient pas à profiter de cette situation. 

Dans la Bible, on voit que Dieu a fait de l’attention aux veuves un marqueur essentiel de la fraternité solidaire. La première communauté l’avait bien compris, mais la manière dont elle prenait soin des veuves n’était pas ajustée car, en s’occupant des pauvres, elle créait une nouvelle catégorie de veuves encore plus pauvres, les veuves d’origine grecque. Si pour soulager des pauvres on crée des pauvres encore plus pauvres, évidemment, ça ne va pas !

Et le défi est d’autant plus redoutable que, derrière le bien des personnes, il y a un autre enjeu, c’est l’unité de la communauté. Or la communauté risquait de ne pas mesurer cet enjeu parce qu’elle pouvait être grisée par son succès, en effet le texte nous dit que le nombre des chrétiens augmentait sans cesse. C’est un risque encore actuel, le succès peut toujours anesthésier et empêcher de voir la gravité de certains problèmes qu’on jugera marginaux en comparaison des succès, alors qu’ils sont majeurs. Le risque était grand devant le favoritisme  honteux dont bénéficiaient certaines veuves, favoritisme qui ressemblait étrangement à de la discrimination raciale que les étrangers se disent : puisqu’on ne s’occupe pas de nos pauvres, on va créer notre communauté à nous.

La solution qui va être trouvée va tout à la fois régler ce problème scandaleux et préserver l’unité de la communauté. Et il fallait trouver une solution qui permette de tenir les deux en même temps car si on avait trouvé un moyen pour nourrir les veuves les plus pauvres mais que ce moyen les éloignait de la communauté, elles auraient perdu la vraie richesse. Car la vraie richesse, c’est la communauté. C’est ce que manifeste si bien tous les combats théologiques postérieurs qui luttaient contre les hérésies. Le mot grec « airesis » qui a donné hérésie, il signifie tout à la fois une opinion qui s’écarte de la vérité qu’une déchirure, une division. Les hérésies théologiques ont menacé l’unité de la communauté tout comme cette hérésie que je ne sais pas par quel mot désigner, disons une hérésie comportementale, une manière de se conduire qui met en péril l’unité de la communauté. En ces jours, il nous est bon de réentendre que la communauté est finalement notre seule vraie richesse. Demandons au St Esprit qu’il nous éclaire comme il a éclairé la 1° communauté pour que notre unité soit préservée, pour que dans cette épreuve, nous puissions mesurer que notre communauté est encore bien plus précieuse que tout ce que nous avions pu imaginer jusqu’à maintenant.

D’ailleurs, on peut lire l’Evangile, au moins la 1° partie, comme une invitation à prendre soin de la vie communautaire. Il y a une déclaration de Jésus dans cet Evangile que je trouve étonnante : « Dans la maison de mon Père, il y a de nombreuses demeures. » Je ne sais pas comment vous comprenez cette parole, je ne sais pas s’il y a une image qui se forme dans votre esprit quand vous entendez ces mots qui parlent d’une maison avec plusieurs demeures. Moi, ça me fait penser à HLM, mais pas les HLM qu’on connait où chacun est barricadé dans son appartement mais un HLM comme ces maisons familiales dans les pays orientaux, où on rajoute un étage à la maison à chaque fois qu’un enfant se marie. Alors, ce n’est pas simple tous les jours de vivre comme ça les uns sur les autres, et c’est bien le cas de le dire puisque les appartements se superposent. Mais, même avec des tiraillements parfois quotidiens, il ne viendrait à l’esprit de personne de partir pour aller chercher la tranquillité ailleurs parce que la famille, c’est sacré ! 

Vous pouvez avoir d’autres images, moi, c’est celle qui me vient à l’esprit. Et elle est assez parlante parce que, dans ce type d’habitation, tout le monde est obligé de prendre soin de tout le monde ! Je ne sais plus si je vous ai déjà raconté cette histoire que les rabbins aiment bien raconter, justement pour souligner l’importance de la communauté. Ils racontent que des personnes sont partis faire une excursion sur un lac, ils ont embarqué sur un petit bateau et voilà que, au beau milieu du lac, l’un des passagers sort une perceuse et qu’il se met à faire un trou sous son siège. Les autres, vous l’imaginez bien lui sautent dessus pour l’en empêcher et lui, il leur dit : je fais bien ce que je veux puisque c’est sous mon siège que je perce le trou, ça ne vous regarde donc pas ! Evidemment, ça les regardait ! Eh bien dans une maison où il y a plusieurs demeures, tous ceux qui habitent sont forcément liés. 

Alors, on peut voir dans cette image la nécessité d’intensifier les relations œcuméniques car toutes nos Eglises, sont autant de demeures dans la maison du Père. On peut voir également dans cette image la nécessité d’intensifier les relations entre toutes les communautés d’un même diocèse : les paroisses, les mouvements, les communautés religieuses, le foyer que sais-je encore car toutes ces communautés, sont autant de demeures dans la maison du Père. On peut y voir encore la nécessité d’intensifier la communion entre tous les Foyers du monde. On peut enfin y voir la nécessité de prendre soin de la vie communautaire dans chacune de nos communautés pour que nous ne soyons jamais des individus juxtaposés et donc isolés. Nous devons nous sentir fraternellement responsables les uns des autres parce que lorsqu’il y en a un qui a la mauvaise idée, de faire discrètement un trou chez lui, en pensant qu’il peut bien faire ce qu’il veut puisque c’est chez lui, c’est l’ensemble qui se retrouve fragilisé !

Cet article a 2 commentaires

  1. ANGE Barbar et Emmanuel

    père Hébert,
    Merci infiniment Seigneur pour nous nourrir par ces lumineuses homélies de ton serviteur le père Hébert…
    En partage cette si belle vidéo d’un ami des foyers de charité,directeur du Seminaire de Toulon,aux paroles si justes et éclairées sir le père Finet:

    https://youtu.be/8k6qbx1-_VE

    1. Père Roger Hébert

      Merci pour vos encouragements … oui l’homélie est bien belle !

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