Quelles belles figures inspirantes que ces deux femmes que sont Noémi et Ruth. Je ne sais pas s’il existe une patronne des belles-mères, s’il n’y en a pas, Noémi pourrait bien le devenir ! Et je ne sais pas non plus s’il existe une patronne des belles-filles, s’il n’y en a pas, Ruth pourrait le devenir. Vous avez entendu comme moi, la grandeur d’âme qu’il y a derrière la proposition de Noémi, la belle-mère à sa belle-fille, Ruth. Noémi rend sa liberté à sa belle-fille quand celle-ci a perdu son mari, elle comprend que cette jeune femme n’ait pas envie d’être encombrée par sa belle-mère : « Tu vois, ta belle-sœur est retournée vers son peuple et vers ses dieux. Retourne, toi aussi, comme ta belle-sœur. » Vous comprenez pourquoi je dis qu’elle pourrait être la patronne des belles-mères !
Et vous avez entendu aussi la réponse de Ruth : « Ne me force pas à t’abandonner et à m’éloigner de toi, car où tu iras, j’irai ; où tu t’arrêteras, je m’arrêterai ; ton peuple sera mon peuple, et ton Dieu sera mon Dieu. » Du coup, vous comprenez aussi pourquoi je propose Ruth comme patronne des belles-filles puisque, librement, elle choisit de rester avec sa belle-mère pour la soutenir. Bonne nouvelle que ce texte, si parmi vous, il y a des belles-mères qui ont des problèmes avec leurs belles-filles, qu’elles invoquent Noémi … d’ailleurs, demain, entre autres, c’est la fête des Noémi ! Et s’il y a des belles-filles qui ont des problèmes avec leur belle-mère, qu’elles invoquent Ruth.
En tout cas, Dieu va bénir cette décision de rester avec sa belle-mère parce que ça va lui permettre de faire une très belle rencontre et, grâce à cette rencontre, des siècles plus tard son nom sera citée dans la généalogie de Jésus … mais, cette belle rencontre et ses conséquences, c’est pour demain et je ne veux pas totalement couper l’herbe sous les pieds au prédicateur de demain, le père Eric !
Venons-en à l’Evangile. Je serai presque tenté de lancer un concours pour voir s’il y a parmi vous des ceintures noires de caté ! Vous avez entendu la question qui est posée à Jésus par un docteur de la loi : « Quel est le premier de tous les commandements ? » Et vous avez aussi entendu la réponse de Jésus : « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de tout ton esprit. Voilà le grand, le premier commandement dit Jésus. Et le second lui est semblable : Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Sachant qu’il y a 10 commandements, qui parmi vous, étant ceinture noire de caté, serait capable de me donner le numéro du commandement que cite Jésus ? Pour donner plus d’enjeu, je pourrais dire que celui qui est capable de me donner le bon numéro gagnera son poids en kouign-amann, ce fameux gâteau breton si diététique !
Bon, je réponds vite parce que je ne voudrais pas que ça me coute trop cher ! Mais en fait, je n’ai pas pris de risques car, dans sa réponse, Jésus ne cite aucun des 10 commandements ! Jésus avait bien flairé le piège qui lui était tendu, d’ailleurs le début de l’Evangile nous laisse bien entendre que cette question du docteur de la loi n’était pas innocente et qu’elle était posée dans un contexte très polémique : « Les pharisiens, apprenant que Jésus avait fermé la bouche aux sadducéens, se réunirent, et l’un d’entre eux, un docteur de la Loi, posa une question à Jésus pour le mettre à l’épreuve. » Jésus a flairé le piège et il ne va pas tomber dans le piège, s’il avait répondu en citant l’un des 10 commandements, il était sûr que ça allait créer une violente polémique, les pharisiens allaient l’accuser de brader les autres commandements qu’il ne citait pas !
Jésus refuse donc de citer un commandement pour dire que c’est celui-là le plus grand, et, à la place, il cite une première parole tirée du Deutéronome qui se situe précisément quelques versets après l’énoncé des 10 commandements et il la complète par une autre parole tirée du Lévitique. En procédant de cette manière, Jésus ne voulait pas seulement se sortir d’une mauvaise passe, il voulait surtout faire une profonde catéchèse profitant de la question tordue qui lui était posée. C’est magnifique de découvrir que, pour Jésus, toutes les occasions sont bonnes pour catéchiser, pour évangéliser, même les controverses, même les pièges tendus, il est capable de tout transformer en occasions favorables pour évangéliser. Jamais il ne cherchera à humilier ses détracteurs en leur clouant le bec, toujours il en profitera pour évangéliser. Prenons du feu … et c’est bien l’expression appropriée puisque c’est le feu de l’Esprit brûlant en lui de manière permanente qui lui inspire ces réponses si judicieuses … qu’il brûle aussi en nous pour nous inspirer le même comportement.
Alors quel va être le contenu de la catéchèse de Jésus ? En l’écoutant, je retiens deux points qui me semblent essentiels. Il y en aurait d’autres possibles, mais qu’il n’est pas possible de développer dans le temps d’une homélie.
Le 1° point, c’est que, en citant ces deux paroles de l’Ecriture, Jésus va recentrer le débat concernant ce qui est essentiel dans la vie de foi. On sait que, chez les docteurs de la Loi, il y avait justement une activité très prisée qu’ils avaient agrémentée de manière ludique : il s’agissait de résumer toute la loi en ne se tenant que sur un pied ! Pourquoi sur un pied ? Parce que l’être humain n’étant pas un flamand rose, il ne peut pas rester des heures sur un pied ! Il fallait donc être capable d’extirper de la loi, c’est-à-dire des 10 paroles de vie et des 613 prescriptions qui les complétaient ce qui était le plus essentiel. Et c’est là qu’il y avait des débats sans fin pour savoir pourquoi untel avait privilégié telle prescription au détriment de telle autre. Ils passaient des heures pour ne pas dire des journées à disserter là-dessus. Jésus ne veut pas entrer dans ce jeu parce qu’il a compris qu’en procédant ainsi on perdait de vue l’essentiel. Et l’essentiel, Paul le formulera de manière si percutante dans l’épitre aux Romains, cette épitre dont nous avons suivi le mouvement dans la retraite fondamentale, il dira : l’accomplissement parfait de la loi, c’est l’amour. Rm 13,10. Les docteurs de la Loi avaient fini par perdre de vue quel était l’objectif fondamental de la Loi. Le respect des commandements n’était qu’un moyen au service d’un but : vivre et grandir dans l’amour, dans l’amour à l’égard de soi-même, des autres, et de Dieu et cela dans un parfait équilibre. Eux, ils braquaient le projecteur sur les commandements, sur la littéralité de la loi ce qui leur faisait oublier l’esprit de la loi, le but de la loi. C’est ce que Jésus veut leur rappeler en citant ces deux paroles de l’Ecriture. Oui, c’est bien vrai, l’accomplissement parfait de la loi, c’est l’amour. Et si pour vivre l’amour, tu dois enfreindre un commandement, il faut le faire, Jésus le montrera avec la règle du sabbat, cette règle sacrée en osant guérir le jour du sabbat. Il le fera sans scrupule car il sait que l’accomplissement parfait de la loi, c’est l’amour. Si Jésus était physiquement présent parmi nous, il refuserait d’entrer dans les débats qui agitent l’Eglise en matière de liturgie et il rappellerait aux partisans de la stricte observance que l’accomplissement parfait de la loi, c’est l’amour. Ça, c’était le 1° point de la catéchèse de Jésus.
Le 2° point que je veux retenir de cette catéchèse de Jésus concerne la 2° parole de l’Ecriture qu’il cite : « Tu aimeras ton prochain comme toi-même. » Pour citer une parole de l’Ecriture qui souligne l’importance de l’amour du prochain, Jésus avait l’embarras du choix ! Mais il a choisi celle-là à dessein, celle qui fixe comme règle d’aimer l’autre comme soi-même. Cette citation ne nous simplifie pas la tâche quand on est prédicateur parce qu’immédiatement des questions, voire des objections se posent entendant cette consigne : aimez les autres comme vous-mêmes !
- D’abord, ne serait-ce pas égoïste d’aimer les autres comme nous, c’est-à-dire de nous prendre comme mesure de tout ? Ne serait-ce pas encourager un certain égoïsme, un auto-référencement comme aime le dire le pape François ? Je me rappelle des paroles terribles de cette chanson terrible qu’on entendait à la radio quand j’étais plus jeune : Je me fous de vous, vous m’aimez, mais pas moi, confidence pour confidence, c’est moi que j’aime à travers vous !
- Autre objection : et ceux qui n’arrivent pas à s’aimer parce qu’ils ont été tellement blessés qu’ils ne se considèrent plus comme aimables, comment ils vont faire pour aimer les autres puisqu’il faut les aimer comme soi-même ?
J’avais lu, il y a quelques temps déjà, l’explication que donnait un exégète. Il expliquait que lorsque la bible avait été traduite en grec, le mot utilisé qui a donné « comme soi-même » n’ait pas été le meilleur. La tournure hébraïque devrait plutôt être traduite par « qui est comme toi » « Tu aimeras ton prochain qui est comme toi. » C’est-à-dire que c’est d’abord une insistance sur la dignité de tout être humain. Chaque être humain est un être humain comme toi. Si on opte pour cette manière de comprendre, je trouve que tout devient plus clair !
D’abord, ça signifie que nous n’avons pas à faire de différences en décidant d’aimer telle catégorie d’êtres humains et en délaissant telle autre, tous les êtres humains sont comme toi, sont d’autres toi-même, tu ne peux en exclure aucun. Et ensuite cette tournure hébraïque insiste aussi sur le besoin fondamental de chaque humain d’être aimé. « Tu aimeras ton prochain qui est comme toi » c’est-à-dire qui, comme toi, a besoin d’être aimé pour vivre. C’est-à-dire, reprends conscience que le besoin le plus vital de chaque être humain, c’est d’être aimé, considéré, de pouvoir exister dans le regard de quelqu’un qui l’aime. Alors, sois ce quelqu’un pour tous ceux qui s’approchent de toi et tu auras parfaitement accompli la Loi.
Les premières lectures de Ruth de ces vendredi et samedi me font penser à une publicité chantée par le grand Richard Gotainer, au début des années 80 :
Dis, donne-moi en un peu de ton corps sage,
Le grand Booz t’aime tant,
Belle des champs !!!!
En espérant ne pas payer des droits d’auteur à la Sacem…… Nous n’allons quand même pas en faire tout un fromage car les produits laitiers sont nos amis pour la vie.