21 mai : 7° dimanche du temps de Pâques. Jésus demande la Gloire … étrange … à moins que …

Homélie pour la messe de clôture de la retraite prêchée à La Flatière

Je ne sais pas si vous êtes curieux ! Si c’est le cas, j’imagine qu’à certains moments vous aimeriez pouvoir vous glisser dans un trou de souris pour entendre certaines conversations. Moi, par exemple, je suis assez fasciné par la rencontre entre Jean-Paul II et Ali Agca, qui avait essayé de l’assassiner. Et, vous savez qu’à un moment donné, Jean-Paul II, sachant qu’il y avait des journalistes qui photographiaient et filmaient, s’est un peu caché, il leur a tourné le dos et s’est rapproché d’Ali Agca pour lui parler sans que personne ne puisse lire, ni sur ses lèvres, ni sur celles d’Ali Agca … qu’est-ce que Jean-Paul II lui a demandé ? Qu’a répondu Ali Agca ? Il y a eu beaucoup d’hypothèses, mais aucune certitude ! Là, si nous avions pu nous mettre dans un trou de souris, nous aurions tout entendu ! Ou encore quand le pape François rencontre certains chefs d’états qui mènent une politique à l’inverse de l’Evangile, opprimant leurs peuples, que leur dit-il ? Pouvoir se glisser dans un trou de souris, à certains moments, ça serait vraiment intéressant !

Eh bien, figurez-vous, qu’aujourd’hui, nous n’avons pas besoin de nous glisser dans un trou de souris pour entendre ce que Jésus dit à son Père quand il s’adresse à lui dans la prière. Vous vous rendez compte, l’Evangile nous rend témoins du dialogue entre Jésus et son Père. Vous ne trouvez pas que c’est quand même extraordinaire de pouvoir entendre ce que Jésus dit quand il prie son Père ? Les textes d’Evangile que nous avons entendu dans cette semaine de retraite étaient tirés de ce qu’on appelle le discours d’adieu de Jésus à ses apôtres, nous en entendrons la fin lundi. Et au début du chapitre 17 commence, sans transition, ce qu’on appelle la prière sacerdotale de Jésus, cette longue prière dont nous avons entendu le début dans l’Evangile d’aujourd’hui et que nous réentendrons mardi car ça sera le même Evangile ! Alors, puisque, grâce à St Jean, nous entendons les mots de la prière de Jésus qu’apprenons-nous sur la prière en écoutant Jésus prier. Je voudrais rapidement souligner 3 points.

1° point : Dieu le Père n’est pas plus bavard avec Jésus qu’avec nous, c’est consolant ! Si nous n’entendons pas beaucoup Dieu dans notre prière ce n’est pas parce que notre prière serait mauvaise, mais c’est parce que Dieu n’est pas « verbeux », il ne se répand pas en paroles. Il parle quand même, mais, de manière assez mystérieuse, c’est dans le silence qu’il se dit.

2° point : quand il prie, Jésus utilise aussi la prière de demande. Sa prière ne se réduit pas à des demandes, dans l’Evangile de Matthieu et de Luc, nous sommes rendus témoins de sa prière de louange : Père, je proclame ta louange, ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout petits ! Jésus sait louer, mais il sait aussi demander comme nous l’entendons aujourd’hui. Mais, comme nous le verrons dans un instant, sa manière de demander et ce qu’il demande, cela peut nous aider à purifier nos propres demandes.

3° point : La prière de Jésus, même si elle est un dialogue d’amour entre lui et son Père n’est jamais intimiste, on l’entend bien dans le texte d’aujourd’hui, Jésus n’évacue jamais les hommes de son dialogue d’amour avec le Père, ses frères les hommes restent l’horizon de sa prière. Peut-être avez-vous été choqués en entendant qu’il ne prie pas pour le monde. Il faudrait plus de temps que je n’en dispose dans cette homélie pour expliquer cette mention. Croyez en tout cas qu’elle ne signifie pas que Jésus se désintéresse du monde. Le reste de sa prière prouve bien que l’horizon de sa prière, ce sont ceux que le Père lui a donnés.

Avec ces 3 points que j’aurais pu développer en en rajoutant d’autres, le fait d’entendre les mots de la prière de Jésus nous donne donc quelques repères pour notre propre prière. Maintenant, attachons-nous à comprendre le contenu de cette prière parce qu’il y a quand même un mot qui peut nous choquer dans la bouche de Jésus, d’autant plus qu’il le reprend 6 fois, c’est le mot Gloire. Avec cette insistance sur la Gloire, on arriverait presque à se demander si, à l’approche de la mort, Jésus n’aurait pas perdu les pédales pour réclamer la Gloire. Comment est-ce possible que l’une des dernières demandes de Jésus à son Père, ce soit la Gloire ? Lui qui a vécu si humblement comme nous avons pu le voir dans l’enseignement sur la « kénose » (abaissement de Jésus qui descend toujours plus bas), comment peut-il finir sa vie en demandant avec insistance la Gloire ?

Là encore je voudrais faire 3 remarques :

1° remarque, elle concerne le sens du mot Gloire dans la Bible. Parce que si on ne comprend pas la signification de ce mot, de fait, ce que Jésus demande dans sa prière, c’est impossible à comprendre, c’est même troublant. Même si je ne connais pas l’hébreu, je connais quand même pas mal de mots grâce à mes études bibliques et je sais que l’hébreu est une langue extrêmement concrète. Elle ne manie pas très volontiers les concepts abstraits ou plutôt qui sait transcrire les concepts abstraits en des termes concrets. Eh bien, en hébreu, il n’y a qu’un seul mot pour désigner la gloire et le poids … je suis donc heureux, ayant un bon poids, j’ai pas mal de gloire ! Ça signifie donc que la Gloire, c’est ce qui a du poids. Du coup, vous comprenez déjà que le monde, pour parler comme St Jean, envisage la Gloire à l’inverse de la Bible. La Gloire dans le monde, ce sont les paillettes, ce qui brille, le succès, c’est-à-dire tout ce qui est très éphémère. Pour la Bible, c’est donc précisément l’inverse, la Gloire, c’est ce qui a du poids, ce qui dure, ce qui n’est pas balayé par le vent. Et finalement, qu’est-ce qui peut résister à tout ? C’est l’amour, c’est ce que dira St Paul en conclusion de l’hymne à l’amour : l’amour ne passera jamais. 1 Co 13,8

2° remarque : En demandant que le Père lui donne la Gloire, on va voir ce que signifie exactement cette demande, je veux souligner que Jésus reconnait que la Gloire, elle est auprès de Dieu, en Dieu. C’est ce qu’exprimera de manière magnifique celle qu’on appelle « la Madre », Thérèse d’Avila : solo Dios basta. C’est ce qu’expriment les psaumes quand ils parlent de Dieu en disant qu’il est notre rocher, c’est-à-dire celui qui tient, celui à qui on peut se raccrocher parce qu’il tient. Du coup, nous pouvons nous poser la question : est-ce que ce à quoi je tiens le plus, c’est vraiment ce qui me fait tenir ? Il y a un certain nombre de réalités auxquelles je tiens et qui, en fait, n’ont aucune vraie solidité. Ce n’est pas en tenant à elles que je vais tenir. Solo Dios basta, Dieu seul, finalement, tient et donc fait tenir. Regardons nos vies avec réalisme pour découvrir que, dans la liste de ce à quoi nous tenons, il risque d’y avoir pas mal de choses qui sont aussi solides que du vent ! Evidemment, je ne veux pas parler des liens d’amour que nous entretenons ! Voilà, me semble-t-il, ce que Jésus veut faire comprendre en disant que la Gloire, elle est auprès de Dieu et que, lui seul peut la donner.

3° remarque : Alors, après toutes ces précisions, peut-on définir plus clairement ce que Jésus demande quand il demande la Gloire, quand il demande au Père de le glorifier ? Nous l’avons donc bien compris, il ne demande pas le succès pour lui, pour sa mission. Rappelons-nous que cette prière est prononcée quelques heures avant son arrestation et que Jésus est très lucide sur ce qui va lui arriver. Il me semble que, derrière sa demande, d’être glorifié, il y a comme 2 demandes.

  • 1° demande : Jésus supplie son Père de pouvoir tenir. Je l’ai dit, la Gloire, c’est ce qui a du poids, ce qui fait tenir, c’est l’amour. Eh bien, Jésus demande de pouvoir tenir dans l’immense épreuve qui se profile, il demande de ne pas manquer d’amour même pour ses bourreaux.
  • 2° demande : s’il ne réclame pas le succès, il demande à son Père la fécondité pour sa mission. Que tout ce qu’il a construit au cours de son ministère public ne s’écrase pas, ne disparaisse pas au moment où il va rejoindre le Père.

Finalement, cette demande de Jésus, nous pouvons la faire nôtre en cette fin de retraite. Nous voulons aussi que tout ce que nous avons reçu dans cette retraite, toutes ces grâces partagées hier soir, ne fondent pas comme neige au soleil, nous voulons que ça tienne. Et comme c’est important de le demander au Seigneur, car il vaut mieux être prévenu, dès que vous allez descendre, celui que j’aime appeler le voleur de grâces va se mettre en action. Il va chercher par tous les moyens à vous déstabiliser pour vous faire croire que tout ce que vous avez reçu n’est qu’illusion et que rien n’a vraiment changé dans votre vie. Ne le laissez pas vous voler toutes ces grâces, don du Seigneur.

Pour rester vigilants, puisque nous sommes dans cette neuvaine de préparation à la Pentecôte. Prions le Saint-Esprit, invoquons-le, ne vivons plus sans le laisser agir. L’Esprit-Saint ne nous quittera jamais, il n’attend que ça : que nous le sollicitions H24 pour que, plus jamais nous ne soyons des dégonflés !

Cette publication a un commentaire

  1. Adéline

    Merci P. Hébert.

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