23 juin mercredi 12° semaine ordinaire. Une question d’actualité : comment un arbre mauvais peut-il donner de bons fruits ?

Voilà le 3° jour consécutif que Dieu parle à Abraham, je devrais plutôt dire Abram puisque son nom n’a pas encore été changé. Et de quoi parle Dieu ? Eh bien, il parle de la descendance d’Abram et il fait pour Abram et sa descendance des promesses extraordinaires. Lundi, c’était la promesse d’un pays, une promesse confirmée hier avec un ajout de taille, la descendance d’Abram sera aussi nombreuse que les grains de poussière de la terre entière. Aujourd’hui, la promesse est confirmée avec une autre image, la descendance sera aussi nombreuse que les étoiles du ciel. Merveilleux ! Oui, mais il y a quand même un hic et Abram ose le faire remarquer : de descendance, il n’en a pas ! Et le texte, lundi, précisait qu’Abraham avait 75 ans et qu’il n’était pas marié avec une jeunette ! Mais qu’importe pour Dieu, sans difficulté, il confirme la promesse. Nous apprendrons vendredi que cette promesse ne s’accomplira que 24 ans plus tard quand Abraham aura 99 ans. 

Alors, bien sûr, il ne faut pas prendre ces mentions d’âge au pied de la lettre, les orientaux ont l’exagération facile ! Mais quand même, tout cela signifie qu’Abraham était bien vieux et que la promesse n’a pas été accomplie immédiatement. Pour reprendre une expression souvent utilisée en politique à propos de ceux qui nous gouvernent, là, on peut vraiment le dire : Dieu était le maître des horloges ! Le temps, c’est l’allié principal de Dieu ; d’ailleurs il aime tellement le temps qu’en Jésus, il va épouser le temps en venant dans le temps des hommes. C’est pour cela qu’il ne faut jamais tuer le temps, en effet, Dieu est dans le temps. Remplissons le temps d’amour, c’est tellement mieux puisque Dieu aime le temps. Mais c’est vrai, Dieu a une manière bien à lui de gérer le temps, une manière qui nous échappe totalement. A ses yeux mille ans sont comme un jour ! Et, nous le savons grâce au prophète Isaïe, « au temps favorable, Dieu agira vite. » C’est ce que va découvrir Abraham quand la promesse s’accomplira enfin. 

Mais, en attendant qu’elle s’accomplisse, Abraham est invité à vivre dans la foi, c’est-à-dire dans la confiance. Les promesses des hommes, nous savons ce qu’elles valent, d’ailleurs, un homme politique a dit un jour que les promesses n’engageaient que ceux qui les écoutaient ! Avec Dieu, il n’en va pas ainsi, quand Dieu fait une promesse, il s’engage totalement dans cette promesse, à nous d’entrer dans la confiance en croyant qu’au temps favorable, il agira vite. Je pense que nous avons tous déjà pu le vérifier dans notre vie. La lecture mentionnait « Abram eut foi dans le Seigneur et le Seigneur estima qu’il était juste. » Vivre dans la foi c’est-à-dire la confiance en croyant à l’accomplissement des promesses du Seigneur, c’est la meilleure manière d’être juste, c’est-à-dire ajusté à Dieu. C’est aussi la meilleure manière de vivre heureux. Nous nous rappelons la béatitude qu’Elisabeth prononce à propos de Marie : Bienheureuse celle qui a cru à l’accomplissement des promesses qui lui furent dites de la part du Seigneur. Alors, qu’Abraham qui est le Père de croyants, le modèle de ceux qui marchent dans la foi, intercède pour nous qui avons tous bien besoin d’obtenir un surcroit de confiance.

Venons-en à l’Evangile qui, lu dans l’actualité des scandales à répétition dans l’Eglise, pose bien des questions. On reconnait un arbre à ses fruits, un bon arbre donne de bons fruits, un mauvais arbre ne peux pas donner de bons fruits. Ce principe de discernement, tout simple et plein de bon sens, a longtemps constitué comme un socle pour poser un discernement éclairé sur ce qui se vivait en Eglise. Tu te poses des questions sur telle œuvre ou telle communauté, eh bien, comme on reconnait un arbre à ses fruits, regarde ce qui vient de cette œuvre, de cette communauté, si c’est bon, tu peux y aller les yeux fermés ! Oui, mais voilà que les scandales à répétition ont révélé que des communautés qui produisaient pourtant de bons fruits étaient dirigées par des hommes qui ont gravement failli provoquant par leurs abus de conscience souvent doublés d’abus sexuels de graves traumatismes chez leurs victimes. Et sur ce plan, les Foyers de Charité n’ont pas été épargnés. Alors Jésus s’est-il trompé ? Evidemment, non !

Pour comprendre comment on peut tenir la parole de Jésus comme un élément de discernement toujours probant sans nier la réalité des scandales, il me semble qu’il faut faire deux distinctions qui s’enrichissent l’une l’autre.

La 1° distinction, elle est d’ordre théologique. Aucun arbre ne peut grandir et porter du fruit sans être irrigué par la sève. Il en va de même pour les personnes, aucune personne ne peut grandir en sainteté et porter des fruits spirituels sans être irriguée par la grâce. Et il existe justement deux sortes de grâce, la grâce qui permet de grandir en sainteté et la grâce qui permet de porter des fruits. La 1°, on l’appelle tout simplement la grâce sanctifiante et la 2°, on l’appelle la grâce charismatique. Quand une personne se laisse saisir par le Seigneur, le Seigneur l’inonde de sa grâce, de ces deux types de grâce sanctifiante et charismatique, et du coup, il grandit en sainteté et va porter des fruits spirituels. Chez certains, ces fruits spirituels vont devenir très visibles, c’est la fondation d’une œuvre, d’une communauté. Mais vous comprenez bien que cette fondation n’est pas seulement, n’est pas d’abord l’œuvre du fondateur, mais le fruit du travail de la grâce charismatique en lui. Nous le savons, St Paul, l’a affirmé dans la lettre aux Romains, les dons de Dieu sont sans repentance : ce qu’il a donné, jamais il ne le retire. Ce qui signifie que la grâce charismatique restera opérante même si le fondateur se coupe de la grâce sanctifiante. Je le dis plus simplement : si un fondateur dérape, si, comme le disait Jésus dans l’Evangile, il devient un faux prophète, se présentant déguisé en brebis, alors qu’au-dedans de lui, il est un loup vorace, ce fondateur, par son comportement inqualifiable, il se coupe de la grâce sanctifiante, il s’éloigne de Dieu. Mais ce que Dieu a donné par lui, il ne le reprend pas parce que les dons de Dieu sont sans repentance, la grâce charismatique reste bien agissante. Voilà pourquoi une œuvre, une communauté peut porter de beaux fruits alors que le fondateur est véreux. Et j’ai beaucoup parlé des fondateurs, mais hélas, il n’y a pâs qu’eux qui sont en cause. Evidemment, le fait que le fondateur se soit coupé de la grâce sanctifiante, le fait qu’il s’éloigne du Seigneur en menant une double vie et en affichant un comportement si hypocrite ne sera pas sans conséquences sur l’œuvre où la communauté dans laquelle certains vont se retrouver profondément et durablement blessés et ne pourront entrer dans un processus de reconstruction que lorsque la justice sera passée et si le fondateur est mort, il sera nécessaire que les responsables de l’Eglise puissent accueillir ces personnes blessées en leur reconnaissant le statut de victimes et en implorant leur pardon.

La 2° distinction, elle est d’ordre pratique. Il ne faut pas confondre, l’œuvre et le fondateur. Hélas, nous avons appris à nos dépens que cet amalgame si souvent fait n’a rendu service à personne. En mettant tant de fondateurs sur un piédestal, en ne parlant de certaines communautés que comme la communauté du père untel, en acceptant que certains de ces fondateurs gouvernent comme des potentats indétrônables, nous avons tout simplement l’Evangile. Dans son magnificat, Marie annonçait clairement que, le Seigneur, « par la force de son bras, disperserait les superbes et qu’il renverserait les puissants de leurs trônes. » Ce n’était pas la promesse d’une révolution comme on aimait lire ces versets dans les années 68, mais simplement le rappel que sur le trône, il ne peut y en avoir qu’un, c’est le Seigneur. Donc tous ceux qui ont usurpé une place qui n’était pas la leur ont fini par être déboulonnés même si ça ne s’est pas fait de leur vivant comme ça aurait dû se faire. Et la mention du magnificat qui précise que c’est « par son bras » que le Seigneur agira laisse clairement entendre que ce sera une œuvre de libération. En effet, dans le Premier Testament, quand il est fait mention du bras de Dieu, c’est toujours pour parler de la force que Dieu mettra en œuvre pour libérer son peuple. Le déboulonnage de ces commandeurs aura été une grande épreuve pour ceux qui se sont engagés dans l’enthousiasme et qui se rendent compte qu’ils ont été trompés, mais au bout du compte, l’opération vérité, très douloureuse à mener, se révèle bien une opération de libération et une promesse de résurrection quand la communauté et ses membres blessés pourront sortir de ce tombeau dans lequel le fondateur les a enfermés. 

La leçon est donc claire, il ne faudra plus jamais confondre la communauté avec le fondateur. Il faudra toujours se rappeler que, quelque soit l’homme qui est le fondateur ou le successeur ou le collaborateur, il n’est qu’un homme fragile et que la fécondité n’est que l’œuvre du travail de la grâce à travers lui. Le principe de Jésus reste donc pertinent : plus un arbre est bon, plus il donne de bons fruits et moins, il y a des fruits gâtés qui risquent de tout contaminer. 

Animés par la foi confiante d’Abraham, ouvrons-nous au travail de cette grâce pour que, à la mesure qui est la nôtre, nous portions de beaux fruits qui rendent gloire à la puissance de Dieu qui accepte de passer à travers les pauvres que nous sommes pour accomplir des merveilles.

Cet article a 3 commentaires

  1. Adéline

    « au temps favorable, il agira vite ». Amen !

    Merci pour l’explication de la différence et du lien entre les 2 grâces.

    La 3ème grâce vous remercie :-)))

  2. MARIE JOSEPHE BLAIN

    Merci pour toutes les communautés trahies! Leur charisme a porté tant de  » chercheurs « !
    Concernée directement en tant qu’ancienne élève, je n’ai jamais douté de l’œuvre du Seigneur par l’oblation de
    Marthe Robin et le don des membres engagés!
    Oui le temps de Dieu n’est pas le nôtre; c’est juste la monstrueuse souffrance insupportable qui nous rend
    impatients que tout s’assainisse en vérité.
    Ma vision : tous les membres des Foyers et les amis sont crucifiés.
    Le Christ qui a été seul sur la croix, nous accompagne. Sa Grâce en surabondance pour ses brebis!
    En union
    MJB

    1. Père Roger Hébert

      Merci pour votre merci !

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