23 juin : fête de la nativité de Jean-Baptiste. Le beau nom de Jean : le Seigneur fait grâce

Normalement la nativité de Jean-Baptiste est fêtée le 24 juin, mais il y a un télescopage avec la fête du Sacré Coeur, elle est donc avancée d’un jour !

Dans la Tradition juive, ce n’était pas le jour de la naissance, mais pour la circoncision, le 8° jour après la naissance, que le prénom était donné aux garçons. Aujourd’hui, le choix du prénom est souvent une cause de discussions animées entre les parents. Ce n’était pas le cas à l’époque biblique où le fils premier-né portait systématiquement le nom de son père. Jean dit le Baptiste ne portera pas le nom de son père, Zacharie, mais ce changement n’a pas été un problème entre Zacharie et Elisabeth. En effet, il convient de nous rappeler que, Jean, c’était le nom que l’ange avait comme imposé pour cet enfant. Les versets qui précèdent le texte que nous avons entendu le précisaient. Ce nom de Jean va, par contre, faire problème pour l’entourage puisque la tradition n’a pas été respectée. L’enfant ne s’appellera ni Zacharie ni Ben-Zacharie pour dire fils de Zacharie, il s’appellera Jean, le choix est arrêté, c’est l’ange qui l’a demandé, il n’y a pas à revenir dessus. Les parents n’ont pas pensé contester un seul instant ce choix, eux qui ont été si contents de pouvoir accueillir cette naissance quasi-miraculeuse au vu de leur âge.

Vous pourriez me dire qu’on fait vraiment toute une histoire pour un prénom et que c’est étonnant que l’évangile accorde une telle importance à ce détail. Après tout, l’essentiel et le plus décisif, c’est que ce vieux couple ait pu avoir un enfant ; après, que cet enfant s’appelle Zacharie, Jean ou Tartempion, est-ce si important que ça ? Eh bien oui ! Parce que, dans la Bible, très souvent, les noms ont une portée symbolique, particulièrement les noms que Dieu propose, mais pas seulement ceux-là. C’est, bien sûr, le cas du nom de Jésus, Yehoshuah, en hébreu, nous savons tous que ce nom signifie : le Seigneur sauve. On peut dire que, avec ce nom, sa mission lui colle à la peau : il est venu pour apporter le Salut de Dieu. Oh, Jésus de Nazareth n’était pas le 1° à porter ce nom, bien avant lui, Josué, par exemple, dans le 1° Testament portait déjà ce même nom et il le portait bien puisque c’est lui qui fera entrer le peuple juif en Terre promise. 

Mais, revenons à Jean dit le Baptiste, et maintenant, nous comprendrons plus facilement pourquoi il semble si essentiel qu’il s’appelle Jean et non pas Zacharie ou Ben-Zacharie. Oui, car il s’appelait bien Jean, on a rajouté Baptiste ensuite parce qu’il passait son temps à baptiser dans le Jourdain. Mais son nom, c’est Jean. Or, Jean, en hébreu se dit Yehohanan, vous voyez tout de suite que la 1° partie du nom est semblable à celle de Jésus, Yehohanan et Yehoshua, il est donc également question de Dieu dans le prénom de Jean. Mais, pour lui, la signification, ce n’est pas le Seigneur sauve comme pour Jésus, mais le Seigneur fait grâce. Avant de chercher à comprendre la portée de ce nom, je fais remarquer que le passage de Zacharie à Jean marque une rupture : cet enfant ne s’appellera pas comme son père parce qu’il est là pour préparer une rupture ou plutôt une grande nouveauté et quelle nouveauté : le passage du 1° au Nouveau Testament. 

En effet, Jean-Baptiste recevra également le titre de précurseur, il est là pour annoncer Jésus qui vient et c’est avec Jésus que va s’effectuer ce passage du Premier Testament au Nouveau Testament. Vous comprenez maintenant que ce nom de Jean qui lui est destiné le dit fort bien puisqu’il signifie : le Seigneur fait grâce. Je voudrais maintenant développer la signification concrète de ce nom, les perspectives nouvelles qui sont annoncées dans ce nom inédit. Le Seigneur fait grâce ! Voilà une jolie formule, mais si, comme les élèves qui font une dissertation, on vous demandait de commenter cette formule, peut-être que vous seriez un peu en difficulté. Il y a comme ça, un certain nombre de formules que nous utilisons, elles sont très pratiques, mais nous ne réfléchissons pas suffisamment sur leur sens ! 

 « Le Seigneur fait grâce » on pourrait l’expliquer en reformulant de cette manière : Le Seigneur donne. C’est bien cette expression qui va marquer le passage du Premier Testament au Nouveau Testament. Dans le Premier Testament, Dieu est plutôt vu comme quelqu’un qui exige, qui demande toujours plus aux hommes. Je ne dis pas que Dieu était ainsi, mais c’est ainsi que les hommes le voyaient ! C’est pour cela qu’il y avait, dans le Temple, tous ces sacrifices, il fallait donner à Dieu et plus on souhaitait obtenir ses faveurs, plus il fallait lui donner. Pour une petite faveur, on offrait des tourterelles, pour une grande faveur, un mouton et pour une très grande, un bœuf ! 

C’est très clair, dans ce système des sacrifices mis en place par les hommes, il y avait cette idée que Dieu exigeait beaucoup des hommes. Mais ce n’est pas tout, vous savez que la Loi était aussi cet ensemble très contraignant fait des 10 paroles de vie auxquelles on avait ajouté les 613 prescriptions à respecter scrupuleusement. On en n’avait jamais assez fait, Dieu exigeait beaucoup des hommes et ne semblait jamais satisfait, il fallait toujours en rajouter.

Et voilà que Jean, cet enfant qui vient de naître annonce un autre enfant qui naîtra bientôt. Avec eux, c’est une ère nouvelle pour la foi qui va s’ouvrir. Pour bien le manifester, le 1° des deux enfants portera ce nom extrêmement symbolique de Jean, pour faire intelligent, on pourrait dire que c’est un nom programmatique : le Seigneur donne ! Vous entendez : ce n’est plus le Seigneur exige toujours plus, mais le Seigneur donne. Et comme la traduction exacte, c’est le Seigneur fait grâce, on peut entendre derrière ce mot grâce 3 autres mots qui vont l’expliciter : gracié, gratuit, gracieux. Le Seigneur fait grâce, ça signifie que, tels des condamnés, nous sommes graciés, nous n’avons plus à porter la malédiction des conséquences du péché. Le Seigneur fait grâce, ça signifie que nous sommes graciés gratuitement, ce n’est pas l’homme qui devra payer pour réparer les conséquences du péché. Le Seigneur fait grâce, ça signifie que, puisque nous sommes graciés gratuitement, nos vies peuvent devenir gracieuses comme on dit d’une danse qu’elle est exécutée de manière gracieuse. Libérés du poids du péché, nous pouvons déployer nos vies, déployer toutes nos potentialités, du coup, nous pouvons aussi être plus gracieux puisqu’habités par la grâce. C’est tout cela qu’annonce le nom de cet enfant, on n’est donc pas étonné qu’avec un tel enjeu, il y ait eu du combat pour le faire admettre !

Jean-Baptiste lui-même aura un peu de mal à entrer dans cette ère nouvelle, sa prédication sera encore imprégnée par l’image d’un Dieu qui exige beaucoup. Mais on ne peut pas lui en vouloir car il est la charnière entre le Premier et le Nouveau Testament. Avec Jean-Baptiste, Jésus n’est pas loin, mais il n’est pas encore là ! On ne peut donc pas en vouloir à Jean-Baptiste d’avoir du mal à passer de « Dieu exige » à « Dieu donne ». Par contre, nous, si nous, nous restons dans le « Dieu exige toujours plus », nous n’avons aucune excuse ! Ça fait quand même 2000 ans que Jésus est venu ! Pourquoi dans nos têtes, y a-t-il toujours cette idée que nous n’en aurons jamais assez fait ? Que Dieu est sévère, exigeant, qu’il ne sera jamais satisfait ? 

Dans mon diocèse, on raconte cette histoire qui a toutes les chances d’être vraie ! Au moment de la confirmation, les évêques avaient l’habitude d’interroger quelques enfants pour vérifier qu’ils étaient bien préparés. Un de mes évêques, au moment du concile, va dans une paroisse et donc, au cours de la célébration, interroge un enfant : dis-moi quel est le mot qui peut résumer toute la vie chrétienne ? L’enfant est rouge de confusion, il ne peut pas répondre ! Le curé qui a peur de se faire taper sur les doigts lui souffle : la charité ! L’enfant a entendu, pas l’évêque qui était devenu un peu sourd, soulagé, l’enfant répond donc très fort : la charité, monseigneur ! Et l’évêque le reprend en lui disant : non, mon enfant, c’est le devoir ! Histoire tout à fait plausible !

Il ne s’agit pas d’accabler cet évêque qui était de son temps, mais nous pouvons quand même nous questionner : Pourquoi n’arrivons-nous pas à entrer dans la joie de cette nouvelle ère, annoncée par Jean-Baptiste et inaugurée par Jésus : Dieu donne. Comme il doit être malheureux le Bon Dieu de voir que les hommes, enfin ceux qui cherchent à lui plaire, s’activent sans arrêt et se comportent comme des fourmis besogneuses fières du DEVOIR accompli, en oubliant de lever les yeux pour découvrir tous les cadeaux que son amour a préparé. Le Bon Dieu reste les bras chargés de tous ses cadeaux en se demandant quand nous allons enfin arrêter de croire que ce qui le rend heureux ce sont nos efforts. Non, ce qui le rend heureux, c’est de donner, de se donner et de trouver des hommes qui accueillent ce don et qui s’en réjouissent.

Et pour nous, spontanément, quel est le mot qui résume toute la vie chrétienne ? CHARITÉ, une charité rendue possible parce que donnée par pure grâce ou est-ce le mot DEVOIR ? Que par l’intercession de St Jean-Baptiste, nous puissions vivre de la grâce.

Cet article a 2 commentaires

  1. Jean Marc

    Merci père Roger de cette homélie très explicative, qui, à la veille de mon ordination diaconale, me rappelle que :tout et grâce.
    Je remercie mes parents de m’avoir donner ce prénom de jean Marc.

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