26 août : Paul était-il orgueilleux ?

Dans la 1° lecture tirée de la 2° lettre aux Thessaloniciens, il y a de l’anecdotique et du théologique parfois un peu déconcertant.

L’anecdotique, c’est la finale : « La salutation est de ma main à moi, Paul. Je signe de cette façon toutes mes lettres, c’est mon écriture. » C’est anecdotique, mais intéressant quand même ! Nous apprenons ainsi que ce n’est pas Paul qui écrivait lui-même les lettres qu’il envoyait aux communautés chrétiennes. Il les faisait écrire … par qui ? Nous ne le savons pas ! Peut-être un frère chrétien de la communauté qui maniait bien la plume ou un écrivain public à qui il avait recours. Evidemment, c’est bien Paul qui rédige et dicte la lettre. Pourquoi n’écrit-il pas lui-même ? Il semble qu’il avait une écriture malhabile, il le dit lui-même dans la finale de l’épître aux Galates : « Regardez ce que j’écris en grandes lettres pour vous de ma propre main. » On peut comprendre à cette confidence sur les grandes lettres qui dépareillent avec le style du reste de la lettre qu’il n’écrivait pas très bien. Eh bien, quand on n’écrit pas très bien, c’est un acte de charité que de faire écrire par quelqu’un d’autre ce qu’on veut écrire parce que, si on écrit, c’est pour être lu et compris ! Aujourd’hui, par charité, ceux qui ont une très mauvaise écriture tapent leur lettre à l’ordinateur … mais souvent, comme Paul, pour qu’il y ait quand même un lien plus personnel, ils écrivent quelques mots manuscrits à la fin de leur lettre tapée. Ça c’était l’anecdotique, mais de l’anecdotique qui a son intérêt parce que si Paul avait tout écrit à la main, peut-être ses lettres auraient-elles été difficiles à déchiffrer, elles ne sont déjà pas toujours simples à comprendre, si en plus elles avaient été illisibles, ça aurait été très compliqué !

Venons-en au théologique et un théologique qui peut parfois nous agacer parce que Paul à plusieurs reprises va se présenter comme un modèle à imiter. Et là, il le fait clairement : « Vous savez bien, vous, ce qu’il faut faire pour nous imiter. » Et il va développer un sujet qui lui tient à cœur, c’est le travail parce qu’un véritable apôtre ne peut vivre dans l’oisiveté. Mais approfondissons cette question de l’imitation et ce qu’il y a par derrière.

Paul était-il orgueilleux pour se présenter si régulièrement comme un modèle à imiter ? Peut-être y avait-il chez lui, depuis toujours une tendance à être assez fier de ce qu’il était. Il n’hésitera jamais à aligner tous ses titres et ses mérites. Nous connaissons le célèbre passage de la lettre aux Philippiens : « J’aurais pourtant, moi aussi, des raisons de placer ma confiance dans ce que je suis. Si un autre pense avoir des raisons de le faire, moi, j’en ai bien davantage : circoncis à huit jours, de la race d’Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu, fils d’Hébreux ; pour l’observance de la loi de Moïse, j’étais pharisien ; pour ce qui est du zèle, j’étais persécuteur de l’Église ; pour la justice que donne la Loi, j’étais devenu irréprochable. » Commentant tous ces titres le père Cantalamessa écrivait qu’il y avait là tout ce qu’il fallait pour instruire le procès en canonisation de Paul dans le judaïsme. Paul n’aura jamais de scrupule à dire qu’il est quelqu’un de bien, ce n’est vraiment pas l’homme de la fausse humilité. 

Vous savez, ces gens qui se rabaissent pour qu’on les encense mieux ensuite ! Non, ça, ce n’est pas Paul, ce qu’il a de bien à dire sur lui, il n’attend pas que les autres le disent à sa place ! J’imagine qu’avant sa conversion, cette propension à dire lui-même du bien de lui, ça a dû énerver pas mal de ceux qui vivaient avec lui ! Mais, après sa conversion, la tonalité n’est plus du tout la même ! Oh, il ne va pas se mettre à se mépriser, lui il n’aura jamais besoin de faire une formation pour retrouver l’estime de lui-même. Mais, après sa conversion, il va tout remettre à sa juste place et cela en deux directions précises.

1/ Ce qu’il est n’a finalement pas grande importance. J’ai cité le passage de la lettre aux Philippiens dans lequel il n’hésite pas à décliner tous ses titres de gloire, mais vous savez comment se termine cette énumération : « Mais tous ces avantages que j’avais, je les ai considérés, à cause du Christ, comme une perte. Oui, je considère tout cela comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. À cause de lui, j’ai tout perdu ; je considère tout comme des ordures, afin de gagner un seul avantage, le Christ. » Et, particulièrement dans l’épitre aux Romains, Paul expliquera que, pour son Salut, ce qui compte ce n’est pas ce qu’il est, tout ce qu’il a fait de bien, ce qui compte, c’est ce qu’est le Christ et tout ce qu’il a fait pour lui. Ce qui permettra au père Cantalamessa de donner ce résumé si percutant de la théologie du Salut qui est l’originalité du christianisme : « Toutes les religions vous diront ce qu’il faut faire pour être sauvé, le christianisme est la seule religion qui dira ce que Dieu a fait, en Jésus, pour vous sauver. » Peu importe les titres de gloire de Paul, ce qui compte, c’est le Christ, ce qu’il est, ce qu’il a fait.

2/ Ce que Paul est et ce qu’il fait n’est donc pas l’essentiel, mais alors pourquoi se donne-t-il comme modèle à imiter ? Tout simplement parce qu’il a pris conscience que ce qu’il est devenu, il l’est devenu par la grâce de Dieu. Il l’exprimera très clairement dans la première lettre aux Corinthiens : « Ce que je suis, je le suis par la grâce de Dieu ! » C’est pour cela que Paul ne cherche pas à minimiser ses qualités, les minimiser, ce serait minimiser la puissance de la grâce qui a été et qui reste à l’œuvre dans sa vie. D’ailleurs, dans cette déclaration de la 1° lettre aux Corinthiens, il s’empresse de rajouter sans rougir : « Et sa grâce, venant en moi, n’a pas été stérile. » Comme pour souligner que la grâce a vraiment bien travaillé en lui, que les résultats sont étonnants !

Qu’il nous soit donné, à l’image de Paul, de savoir reconnaître le travail de la grâce en nous ! C’est le seul moyen d’éviter deux pièges aussi néfastes l’un que l’autre : la mésestime ou l’orgueil. Avec le psalmiste, n’ayons pas peur de chanter : « je te bénis, Seigneur, pour la merveille que je suis ! » Ne pas oser le dire ou pire, ne pas vouloir le dire, c’est mettre en échec le travail de la grâce en nous.

Cet article a 2 commentaires

  1. Wilhelm Richard

    Vos homélies SIgnees de votre main sont toujours SI légèreś, SI l’imites, faSIlement compréhenSIbles et liSIbles.
    Vous avez raison : recherchons plutôt la sainteté divine – et donc éternelle – que la sainteté humaine mais éphémère.

  2. Adéline

    Amen ! Alléluia !
    Psaume 138 !!! 😉

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