Juste un mot sur la 1° lecture tirée de la 1° lettre de St Jean. Les lettres de St Jean, nous les lisons chaque année durant le temps de Noël aux messes de semaine, nous avons commencé hier, et elles vont nous occuper un moment. Quand il écrit ces lettres, St Jean, que nous avons fêté hier, est au soir de sa vie, une longue vie semble-t-il. Ce qui lui tient le plus à cœur, c’est de transmettre le cœur de la foi avant de partir. C’est pour cela qu’on a parfois l’impression qu’il rabâche. Je ne pense pas que ce soit en raison de son âge avancé parce que ça ne serait pas gentil de dire que tous ceux qui ont un âge avancé rabâche et surtout, ça ne serait pas vrai ! Par contre, et ça c’est vrai, ils aiment revenir sur ce qui leur parait le plus important, sur ce qu’ils veulent transmettre aux générations qui viennent. C’est ce que fait St Jean et c’est pour cela que ses lettres ou au moins les extraits que nous avons à la messe sont à méditer patiemment, il faut les passer et les repasser dans notre cœur comme on le fait avec un bon vin qu’on passe et repasse dans la bouche pour en extraire tous les arômes.
Personnellement, les paroles de cette 1° lecture que j’ai envie de repasser dans mon cœur, ce sont les derniers versets : « Mes petits enfants, je vous écris cela pour que vous évitiez le péché. Mais si l’un de nous vient à pécher, nous avons un défenseur devant le Père : Jésus Christ, le Juste. C’est lui qui, par son sacrifice, obtient le pardon de nos péchés, non seulement les nôtres, mais encore ceux du monde entier. » Voilà un bel encouragement : Jésus est venu sur terre pour que nul d’entre nous, mais, au-delà de nous, pour qu’aucun être humain ne traine toute sa vie ses péchés comme un boulet. Certes, si on en croit l’expérience des Dalton dans Lucky Luke, on peut marcher avec un boulet, mais c’est quand même bien plus difficile, ça devient aussi très vite fatiguant ! Alors bénissons le Seigneur qui nous a envoyé Jésus pour nous libérer de ce boulet qu’est le péché.
Venons-en à l’Evangile, c’est un parfum de drame qui flotte aujourd’hui sur Bethléem avec ce massacre des saints innocents perpétré par Hérode qui oblige la Sainte Famille à fuir en Egypte. Je voudrais souligner 3 points.
1/ Noël, ce n’est pas une belle histoire de bisounours. On parle beaucoup de la magie de Noël et c’est vrai qu’il y a quelque chose de merveilleux à Noël, mais restons réalistes ! Quand Dieu décide de venir dans le monde, c’est, comme le disait St Jean pour arracher le péché du cœur de l’homme. Ce n’est pas une mince affaire. Satan qui, comme le dit la formule de renonciation au mal est l’auteur du péché, ne va pas laisser le Seigneur agir à sa guise. Il va se déchainer pour tenter de faire capoter cette mission de libération, mission à peine commencée, en inspirant ce massacre à Hérode. Dès que le Seigneur agit en faveur de la libération des hommes, le Malin se déchaine.
Rappelez-vous, ça avait déjà été le cas avec Moïse. Moïse avait été mystérieusement préparé pour être l’instrument de la libération que le Seigneur voulait offrir à ce peuple dont il avait entendu les cris, vu la souffrance. Eh bien, Moïse avait déjà échappé miraculeusement à ce terrible massacre programmé par la cruelle décision de Pharaon de noyer tous les garçons à leur naissance. C’est toujours comme ça, dès que le Seigneur engage son œuvre de libération, les forces du mal se déchainent pour l’empêcher de réaliser son plan de Salut.
Le massacre des saints innocents sera la première des manifestations auxquelles Jésus devra faire face pour mener à bien cette lutte pour notre libération qu’il est venu engager. Ne nous étonnons donc pas, quand nous voulons collaborer à la mission de Salut du Seigneur, d’avoir des combats à mener. Il n’y a que les tièdes que le Malin n’attaque jamais car leur tiédeur est déjà sa victoire !
2/ Un mot sur l’historicité de cet événement. Si vous lisez des commentaires sur cet épisode, il se pourrait que certains vous déstabilisent parce qu’ils remettent en cause la vérité de cet événement. Certains exégètes accusent l’évangéliste Matthieu d’avoir tout inventé pour livrer une magnifique composition littéraire qui lui permettait de présenter Jésus comme le nouveau Moïse ! Et, pour appuyer leurs dires, ils expliquent que nulle part ailleurs, dans la littérature de l’époque, on ne trouve mention de cet événement dramatique. De fait, le grand historien de l’époque, Flavius Joseph, n’en parle absolument pas.
Mais s’appuyer sur cet argument pour remettre en doute la vérité des faits, c’est oublier que Bethléem était un tout petit village. C’est ce que souligne Benoit XVI-Ratzinger dans sa grande étude sur Jésus. Il explique donc que ce massacre n’a pas provoqué la mort de milliers d’enfants mais de quelques dizaines seulement. Dans ces sociétés où la mortalité infantile était très répandue, la mort de quelques dizaines d’enfants, même s’il s’agit d’une mort violente et abjecte n’est pas un événement suffisant pour qu’il soit retenu comme marquant pour la grande histoire. Mais, évidemment, cet événement sera marquant pour l’histoire chrétienne qui, elle retiendra l’événement et voilà pourquoi en dehors de l’évangile de Matthieu, il n’y a pas de traces de cet événement.
De toutes façons, parmi les historiens, ils sont nombreux ceux qui ont souligné la personnalité troublée d’Hérode. Ce qui rend le massacre tout à fait plausible. Je vous donne quelques faits. Hérode avait fait noyer son beau-frère, assassiner son beau-père, puis assassiner un autre beau-frère, ensuite c’est sa femme qu’il fait tuer et, puis deux de ses enfants et encore un troisième, juste 5 jours avant de mourir ! Il avait tellement peur que quelqu’un lui prenne le pouvoir qu’il n’avait confiance en personne.Enfin, bien conscient que personne n’allait le regretter quand il mourrait, il avait demandé qu’à sa mort on assassine un certain nombre de notables du pays, comme ça, si on ne le pleurait pas, lui, on pleurerait quand même le jour de sa mort. Avec un aussi triste individu, complètement malade, tout était donc possible, notamment ce massacre des saints innocents !
3/ En venant dans notre monde, Jésus a voulu tout connaître de ce que vivent les hommes, excepté le péché. Oui, il aura tout connu, même la difficile condition de réfugié. Il a fallu que la sainte famille parte, espérant que sur leur passage les gens ne leur ferment pas la porte au nez en leur expliquant qu’on ne peut quand même pas accueillir toute la misère du monde ! Ils sont donc partis en Egypte et ils y ont été accueillis. Les chrétiens coptes d’Egypte aiment montrer les lieux où la Sainte Famille a été accueillie et accueillie en Egypte, ce pays qui, pour les juifs, est le symbole même du mal. C’est d’Egypte que Dieu avait libéré son peuple parce qu’il avait entendu ses cris, il a eu pitié de ce peuple dont il a fait son peuple parce qu’il avait été réduit en esclavage par Pharaon et les Egyptiens. Quel retournement ! Le pays symbole du mal devient le pays d’accueil de la Sainte famille permettant à l’histoire du Salut de continuer son cours. Pour moi, c’est une belle leçon qui nous est donnée, une invitation pressante à ne jamais porter de jugements définitifs ni sur des pays, ni sur des peuples … ni sur les personnes d’ailleurs ! Cet exemple de l’Egypte qui accueille la Sainte Famille en fuite, nous invite vraiment à porter un regard d’espérance sur les personnes et les peuples. Je conclus en soulignant deux points à partir de cette histoire dramatique :
– D’abord un appel à la résistance, au combat spirituel. Inutile de se lamenter sur les forces du mal qui se déchainent pour contrecarrer le projet général du Salut dans le monde si nous, nous ne faisons rien pour lutter, pour résister à notre niveau, si nous nous installons dans une forme de complicité tranquille avec certaines formes du mal, des petites magouilles répétées, des jugements définitifs sur des personnes, des catégories de personnes, des relâchements coupables dans notre lutte contre telle ou telle de tes faiblesses, que sais-je encore. J’aime cet appel vigoureux de Paul dans l’épitre aux Romains : « ne te laisse pas vaincre par le mal. » Et j’aime par-dessus tout le conseil si pertinent qu’il rajoute immédiatement après : « Mais sois vainqueur du mal par le bien ! »
– Ensuite, comment, en ce jour, ne pas évoquer cet enfant dont le visage a été apposé sur le mur de Ste Bernadette à Lourdes, cet enfant qui représente tous les enfants martyrs, victimes d’abus dans l’Eglise. Rappelons-nous ces paroles si fortes de Mgr Eric de Moulins-Beaufort qui s’adressait à cet enfant et au-delà de lui à tous les enfants bafoués : Il est trop tard pour que nous puissions essuyer vos larmes. Il ne l’est pas de nous souvenir de vous. Votre image placée sous nos yeux, nous voudrions qu’elle imprègne nos âmes. Désormais, je ne peux entrer dans une église, pour y célébrer le mystère de la vie et de l’amour plus forts que la mort, sans porter le stigmate de votre visage qui pleure, si pauvre, si touchant, si seul, si désemparé, et si digne surtout. Tout le bien du monde ne rachète pas les pleurs d’un enfant.