La liturgie est quand même très bonne avec nous et j’ai envie de dire : surtout avec vous les jeunes qui nous rejoignez pour le temps de ce week-end. En première Lecture, nous lisons depuis notre entrée dans le temps ordinaire, la lettre aux Hébreux, un écrit qui n’est pas toujours simple à comprendre ! On peut dire que ces derniers jours, les textes étaient assez compliqués parce qu’ils faisaient référence à la liturgie du Yom Kippour, la fête du Grand Pardon chez les juifs. Le but était de nous montrer en quoi le sacerdoce du Christ se révélait supérieur à celui des grands-prêtres qui se succédaient pour offrir les sacrifices prescrits. Tout cela nous amenait à une réflexion très profonde sur le sens du sacerdoce du Christ. Et ça tombait bien parce que, ces dernières semaines, il n’y avait que des prêtres en retraite dans notre foyer. Ces lectures étaient donc particulièrement adaptées à eux pour les aider à re-visiter leur manière d’exercer leur sacerdoce. Et voilà que vous arrivez, vous les jeunes qui êtes moins intéressés par les règles du Yom Kippour et celles du sacerdoce et, comme par miracle, la tonalité des lectures change complètement ! C’est une grande réflexion sur la foi qui s’amorce ! Pour être honnête, elle avait commencé hier, mais de manière moins explicite car la lecture arrivait en conclusion de cette réflexion sur le sacerdoce du Christ.
En tout cas, aujourd’hui, cette lecture ne peut que vous parler : qui d’entre vous n’a jamais eu de crise de foi ? Enfin, vous voyez bien de quelle crise de foi je veux parler, pas celles des lendemains de soirées étudiantes, cette crise de foie n’intéresse pas du tout l’auteur de la lettre aux Hébreux ! Il veut plutôt nous parler de ces moments de crise où notre foi en Dieu est secouée, mise à mal. Ça peut venir des épreuves que nous traversons ; c’est vrai que lorsqu’on perd un être cher dans la pleine force de l’âge, bien des questions en forme de pourquoi viennent secouer notre foi. Ça peut aussi venir des épreuves provoquées notamment par la révélation des scandales dans l’Eglise causés par le comportement de prêtres gravement coupables, tout cela peut nous ébranler et nous finissons par nous demander comment continuer à croire, comment continuer à faire confiance à l’Eglise ? Mais ces crises de foi peuvent aussi arriver suite à un endormissement progressif, on lâche peu à peu la prière, la régularité de la participation à la messe et on entre dans une vie de foi médiocre et si elle n’est pas médiocre, elle est, en tout cas, tiède, sans saveur. Et vous le savez, au niveau de la foi, il y a une règle assez paradoxale : quand on s’installe dans la tiédeur, on est cuit !
C’est donc pour réveiller notre foi, pour soutenir notre foi que l’auteur de la lettre aux Hébreux a écrit ces versets. Et, comme il savait que les discours ne passionnent pas forcément, surtout vous les jeunes, il donne des exemples, il nous donne une série de témoins en exemple : les témoignages, ça parle forcément beaucoup plus et on les retient mieux que les discours ! C’est pour cela qu’il va parler d’Abraham, le modèle de la vie dans la foi, mais aussi de sa femme Sara et d’autres. En effet, la lecture liturgique a coupé le texte, mais si vous lisez l’intégralité dans une Bible, vous entendrez aussi le témoignage d’Abel, Hénoch, Noé ou encore celui de Moïse, puis l’évocation du témoignage de foi des juges, des prophètes et du roi David.
Alors, évidemment, tous ces témoins peuvent nous paraitre bien loin, mais vous avez entendu cette merveilleuse parole que je nous invite à graver dans nos cœurs : Quand l’Écriture rend témoignage aux anciens, c’est à cause de leur foi. Il est possible que, vous aussi, quand vous pensez aux « anciens » de vos familles, vos grands-parents, vous pensiez à la beauté, au courage, à la persévérance de leur foi. C’est sûrement le cas pour vous les jeunes, mais c’est aussi le cas dans bien des communautés où nous sommes émerveillés de la foi qui a soutenu l’ardeur de ceux qui ont commencé toutes ces fondations. Quand l’Écriture rend témoignage aux anciens, c’est à cause de leur foi. Nous pouvons tous, en entendant cette phrase, rendre grâce à ces anciens de nos familles, de nos communautés dont le témoignage de foi explique que, vous comme nous, nous soyons là aujourd’hui. En effet, la foi ne tombe jamais sur nous comme ça, même s’il peut y avoir des expériences de conversions fulgurantes, il y aura toujours, à un moment ou à un autre, des personnes-témoins qui vont intervenir et qui compteront dans notre cheminement. Si nous résumons ce que nous apprenons du témoignage de foi des anciens, selon l’auteur de la lettre aux Hébreux, ce sont 3 effets très bénéfiques de la foi que je me propose de développer un peu.
Le 1° effet de la foi, dit-il, c’est de posséder ce que l’on espère, je cite : la foi est une façon de posséder ce que l’on espère. Autrement dit la foi permet de goûter, par anticipation, ce qu’il nous sera donné de vivre quand nous serons avec Dieu pour toujours. Si vous êtes invités dans un grand restau et qu’on vous envoie le menu un mois à l’avance, vous allez subir une torture psychologique en pensant au temps qu’il vous reste avant de pouvoir déguster ces plats qui vous font saliver. Eh bien, la foi, nous donne de goûter par avance à l’amour dans lequel nous serons baignés quand nous serons pour toujours avec Dieu ! Alors, nous ne pouvons que supplier : Pour goûter toujours plus et mieux ce que tu nous promets, Seigneur augmente en nous la Foi !
Le 2° effet de la Foi, c’est de connaître les réalités qu’on ne voit pas. Autrement dit, la foi nous permet de comprendre. Aujourd’hui, nous fêtons St Thomas, un grand maître qui nous aide à mieux comprendre. Mais c’est St Augustin que je veux citer car, ce qu’il dit, remet les pendules à l’heure ! Nous nous pensons souvent que lorsque nous comprendrons mieux, alors nous pourrons mieux croire, non ! St Augustin, à la suite de l’auteur de l’épitre aux Hébreux dit le contraire, c’est le fait de croire plus, mieux qui nous fera entrer dans une meilleure compréhension. Je cite St Augustin : La compréhension est la récompense de la foi. Ne cherche donc pas à comprendre pour croire, mais crois afin de comprendre, parce que si vous ne croyez pas, vous ne comprendrez pas.Ceci dit croire plus nous encouragera à chercher, à nous former et donc nous permettra de mieux comprendre.Nous ne pouvons donc que supplier : Pour mieux comprendre, Seigneur augmente en nous la Foi !
Enfin, le 3° effet de la foi, c’est de pouvoir obéir, je cite la lettre aux hébreux : Grâce à la foi, Abraham obéit à l’appel de Dieu. Obéir, quel gros mot ! On ne l’aime pas forcément quand on est jeune, je me rappelle ma propre période rebelle dans ma jeunesse ! Mais obéir, ce mot, dans la Bible, a un sens précis, il vient du latin ob-audire, c’est-à-dire qu’il dérive du verbe écouter. On ne peut obéir que lorsqu’on a écouté et compris que celui qui nous parle nous aime de manière inconditionnelle et que ce qu’il nous demande ne peut qu’être l’expression de sa volonté toujours bonne à notre égard, ce qu’on appelle la bienveillance. La foi me donne alors l’audace de risquer des paroles, des actes d’engagement qui peuvent paraître folie aux yeux des autres, mais j’ose parce que j’ai entendu la douce Parole du Seigneur qui m’y invitait. Et, après avoir demandé l’aide de personnes pour m’aider à discerner que cet appel venait bien du Seigneur, je réponds enthousiaste, j’obéis car je sais que ma réponse me conduire à plus de vie, plus de bonheur. Alors, encore une fois, nous ne pouvons que supplier : Seigneur augmente en nous la Foi !
Avec tout cela, l’auteur de la lettre aux Hébreux, a donc souligné 3 effets bénéfiques de la foi, mais il n’a pas développé ce qu’est essentiellement la foi, à savoir une relation vivante avec une personne. Du coup, l’Evangile est très intéressant car il vient compléter cette dimension fondamentalement relationnelle de la foi que la lettre aux Hébreux n’a pas développé. J’ai souvent cité dans mes homélies cette définition de la foi qui m’avait été donnée dans une retraite : la foi, ce n’est pas croire que Dieu existe, c’est croire que, moi, j’existe pour Dieu. Croire que Dieu existe, on voit dans les Evangiles, que même les démons arrivent à le dire, ce n’est donc pas une performance ! Mais croire que, moi, j’existe pour Dieu, alors là, c’est fort ! Croire que, moi, minuscule fourmi dans l’univers, Dieu s’intéresse à moi, ça c’est fort ! Et quand, en plus, on rajoute que cette minuscule fourmi n’en fait souvent qu’à sa tête et que malgré tout, Jésus a voulu donner sa vie pour elle, alors là, c’est trop fort ! Il me semble que c’est ce que Jésus essaie de faire comprendre aux apôtres terrorisés dans la barque secouée par les vagues. Pourquoi avez-vous peur ? Est-ce que vous croyez que je vous aime, que je m’occupe de vous, que vous existez pour moi et que vous êtes extrêmement précieux à mes yeux ? Si vous le croyez, pourquoi avoir peur ?
Le problème, c’est que, nous, nous aimerions que Dieu nous prouve son amour en chassant toutes les tempêtes, en nous faisant toujours naviguer, toute notre vie, par temps calme. Mais ça, c’est impossible ! Les tempêtes ne viennent pas de Dieu, c’est la vie avec sa part de mystère, ce sont aussi parfois nos choix tordus qui les provoquent. Mais Dieu, nous dit, la preuve que je t’aime, que tu comptes pour moi, c’est que dans toutes tes tempêtes, je serai avec toi ! Et, Jésus l’a prouvé, il n’a pas demandé de débarquer avant la tempête, il a accepté de vivre la tempête en étant dans la barque avec eux. Voilà la vraie foi : croire que, même, quand il semble dormir, il est là, vraiment là. Alors, nous ne pouvons que supplier : Seigneur augmente en nous cette foi-là pour que, plus jamais, nous ne laissions la peur nous dominer, cette peur qui est précisément le contraire de la foi.
Amen !
Merci pour cette belle citation de st Augustin notamment !
Adéline