31 décembre : Dieu fait du camping … mais pas comme les Pic !

Au cours de mes homélies, j’ai déjà fait allusion deux fois à un film dont j’ai changé un peu le titre. Avec les retraitants, j’avais pris le temps d’expliquer un peu le contenu et pourquoi j’en parlais. Pour vous qui ne participez qu’à la messe de la retraite, j’avais été plus évasif en vous invitant à demander au St Esprit qu’il vous éclaire ! Je vais être bon en vous expliquant quand même que ce film, c’est : il faut sauver le soldat Ryan, c’est un film assez violent, mais il peut devenir une belle parabole de la détermination de Dieu à nous sauver, à tout mettre en œuvre pour nous sauver, c’est pourquoi j’avais changé le titre en disant : il faut sauver le soldat Hébert, invitant chaque retraitant à mettre son nom à la place du mien pour mieux s’émerveiller de tout ce que Dieu, en Christ, a fait pour lui.

On va rester dans le cinéma, même si je vais très peu au cinéma et que je regarde très peu de films ! Avec les retraitants, alors que ce n’était pas du tout prévu dans mes notes, j’ai déjà évoqué ce film pour parler de certaines raideurs qu’il pouvait y avoir dans la vie spirituelle. Il s’agit d’un film qui n’est pas un chef d’œuvre de l’art cinématographique, mais comme il avait eu du succès, je m’étais dit que ça serait bien que je puisse le voir, il s’agit du film camping ! La vedette, c’est l’humoriste Franck Dubosc qui joue le rôle d’un play-boy raté. Mais ceux qui m’intéressent le plus, ce sont les Pic, un couple belge, je crois me rappeler, plus tout jeune. Eux, ils viennent au camping des flots bleus depuis des années et des annnées avec leur caravane et le plus important c’est qu’ils sont toujours au même emplacement : le 17. Il faut le faire quand même, faire plus de 1000 km avec une caravane pour venir depuis des années dans le même tout petit bout de terrain. Mais c’est comme ça, les vacances, c’est l’emplacement 17 ! Et cette année, c’est le drame, la gérante du camping, suite à un problème informatique a déjà attribué le 17, ils devront aller au 16. Mais ça, ce n’est pas envisageable parce que pour eux le camping, c’est le 17. 

Pourquoi je vous raconte ça ? Tout simplement parce que notre Dieu, vous ne le saviez peut-être pas, mais il est lui aussi est un adepte du camping ! Dans le très beau et très sérieux prologue de Saint Jean que nous avons entendu cette merveilleuse déclaration qui synthétise le mystère de l’Incarnation : « Et le Verbe s’est fait chair, il a habité parmi nous. » Cette phrase, les traducteurs ne la traduisent jamais littéralement, sans doute parce que ça demanderait trop d’explications. Mais la traduction littérale serait : « Et le Verbe s’est fait chair, il a planté sa tente parmi nous. » Le verbe grec eskènôsen qu’on a traduit par « habiter » c’est en fait le verbe du camping. Dieu est un adepte du camping !

Mais alors, si Dieu est un adepte du camping, il est à l’inverse de la famille Pic, lui, ce n’est pas le 17 qui l’intéresse ! Si Dieu aime le camping, c’est précisément parce que ça lui permet d’être mobile, ça lui évite d’être cloué en un lieu sans pouvoir visiter les autres. En principe, c’est ça l’avantage du camping, puisqu’on a une habitation légère, on peut bouger et découvrir plein de lieux. L’entêtement des Pic à vouloir rester sur le 17 est stupide ! Pourquoi choisir le camping si on veut toujours rester au même endroit ? Autant louer un bungalow ! Mais Dieu, lui, il aime le camping, précisément pour la chance qu’il offre de rester mobile. Et ne croyez pas que je suis en train de vous amuser en disant que Dieu aime le camping. Sa première expérience de camping, ça a été la longue traversée du désert, 40 ans de camping. 

En effet, vous savez que, durant tout le temps de l’Exode, Dieu était logé dans ce qu’on appelait « la tente de la rencontre » qui était précisément le lieu où on pouvait le rencontrer. Dans cette traversée du désert, tout le monde logeait sous la tente. Dès que le peuple s’arrêtait, un immense campement de toiles de tentes se déployait, des tentes faites avec des peaux de chameaux. Tout le monde était sous la tente, Dieu aussi. Je me rappelle ce prêtre de notre diocèse, qui a été un de mes anciens profs et qui quelques années après sa retraite avait été nommé aumônier des gitans. Cette nomination m’avait beaucoup surpris, il paraissait tellement dans les nuages si peu empathique ! Mais lui, il a pris au sérieux cette nomination, puisqu’il avait une retraite confortable, il a acheté une caravane pour vivre au milieu d’eux, au moins le temps des pèlerinages. C’est ce que Dieu a fait pendant l’Exode, il avait promis d’accompagner son peuple, alors il vivait comme eux sous la tente.

Et Dieu a pris goût au camping ! Alors quand David lui propose très généreusement de lui construire un très beau Temple pour que Dieu soit au moins aussi bien installé que le roi, Dieu n’est pas très chaud, il le fait savoir par l’intermédiaire du prophète Nathan. C’est vraiment à regret qu’il va accepter de se sédentariser, il aimait beaucoup plus le camping ! Parce que Dieu avait flairé le problème, les hommes allaient lui construire un Temple et bien l’installer mais il avait compris que, désormais, ça serait « chacun chez soi » ! Quand on veut te voir, on vient au Temple, pour le reste, nous chez nous, toi chez toi ! Il avait bien été obligé de finir par accepter mais Dieu gardera toujours cette nostalgie du camping. D’ailleurs, dès que son peuple part en Exil à Babylone, le prophète Ezéchiel voit la gloire de Dieu qui quitte le Temple pour rejoindre les exilés à Babylone. Dieu ne voyait pas comment rester loin de ceux qui allaient vivre cette terrible épreuve.

Alors, quand les temps furent accomplis, c’est-à-dire quand il s’avéra opportun de lancer l’opération « il faut sauver le soldat Hébert » Dieu a envoyé son Fils parmi les hommes pour sauver les hommes. Mais il lui a dit : Mon fils, ne te laisse pas avoir, ne te laisse pas enfermer, reste mobile, choisis le camping ! Et voilà pourquoi Saint Jean, le théologien, le mystique, pour résumer le mystère de l’Incarnation, écrit cette phrase si étonnante : « Le Verbe s’est fait chair, il a planté sa tente parmi nous » ! Et on voit bien que Jésus n’a jamais accepté de se sédentariser, il y tenait à sa mobilité : « Le Fils de l’Homme n’a même pas une pierre où reposer sa tête ! »

Je n’ai encore pas trouvé d’études, il faut dire que je n’ai pas trop cherché non plus, mais je ne suis jamais tombé sur une étude qui dise le nombre de kilomètres que Jésus a parcouru au cours de son ministère, ça existe pour Paul, mais jamais vu pour Jésus ! Peut-être que mon ancien prof de Bible pourrait s’amuser à faire ce relevé en suivant la chronologie d’un évangile … ça doit être assez impressionnant ! Si tu le fais, tu n’oublieras pas de compter les aller-retours à Sephoris chez les grands-parents avant le ministère public, les pèlerinages à Jérusalem pendant les 30 ans de la vie cachée et les nombreux chantiers sur lesquels il s’est rendu avec Joseph. En tout cas, le témoignage clair que nous donne les Evangiles, c’est que pendant son ministère public, Jésus tenait à sa mobilité comme à la prunelle de ses yeux. Partout où il y avait un soldat Hébert à sauver, il fallait qu’il s’y rende ! Son identité, c’est Emmanuel, Dieu avec nous, c’est sa mission, elle ne s’accorde pas avec la sédentarité ; Jésus n’a pas dû passer beaucoup de soirées pantoufles !

Eh bien, mes amis, c’est une bonne nouvelle pour nous, il est toujours Dieu avec nous, il continue le camping, mais désormais, c’est dans chacune de nos âmes qu’il a choisi de planter sa tente. Chers retraitants, cette belle semaine va bientôt toucher à sa fin, mais n’ayez pas peur de rentrer chez vous ! Puisque le Seigneur ne s’est plus jamais sédentarisé, ni à Jérusalem, ni à Rome, ni à Chateauneuf, non seulement il vous accompagnera, mais il vous précède déjà, rentrez chez vous tranquillement ! Comme il est beau, comme il est grand le mystère de la Foi !

Cet article a 3 commentaires

  1. wilhelm richard

    après une année de labeur, nous terminons par une homélie détente !!

  2. wilhelm richard

    Après une annee de labeur, nous finissons par une homelie detente.

    1. Père Roger Hébert

      Merci Richard ! C’est le même Esprit qui nous donne de pouvoir faire de l’esprit !

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