31 mai : Visitation de la Vierge Marie. Le Salut est bien là, mais caché !

Nous avions le choix paour la 1° lecture, j’ai choisi celle qui était tirée du livre de Sophonie. Sophonie fait partie des « petits prophètes » qu’on appelle ainsi car leurs livres sont moins fournis que ceux d’Isaïe, de Jérémie, d’Ezéchiel. Sophonie, contemporain de Jérémie, prophétisait sous le roi Josias au 6° siècle. Le roi Josias, c’est celui qui a lancé une grande réforme pour le pays. Au cours d’un grand ménage dans le Temple, des rouleaux de la Loi ont été retrouvés dans une sacristie du Temple et Josias a voulu profiter de cette redécouverte pour réformer le pays, pour lui redonner des lois plus conformes à la Parole de Dieu. C’est donc plutôt une période d’enthousiasme qui laisse espérer que le Messie promis par Dieu, ce Messie qui apportera le Salut, ne doit plus être très loin ! Sophonie va prophétiser pour confirmer cela mais en insistant pour dire que ce Salut arrivera de manière inattendue et cachée. On comprend que Dieu l’ait choisi, lui, pour annoncer cela puisque son nom, Sophonie, « Tséfaniyah », en hébreu signifie précisément « Dieu se cache ».

Alors, on comprend pourquoi cette lecture a été choisie en cette fête de la Visitation. Il y a d’abord ces paroles d’exultation du début du texte qui correspondent si bien au climat de joie qui traverse cet événement de la Visitation : Pousse des cris de joie, fille de Sion ! Éclate en ovations, Israël ! Il y a encore cette Parole qui évoque si bien la profession de foi d’Elisabeth reconnaissant que le Seigneur, le Sauveur habite en sa cousine qui vient la visiter. Sophonie disait : Le roi d’Israël, le Seigneur, est en toi. Tu n’as plus à craindre le malheur. Elisabeth dira :« Tu es bénie entre toutes les femmes, et le fruit de tes entrailles est béni. D’où m’est-il donné que la mère de mon Seigneur vienne jusqu’à moi ? » Oui, il y a tous ces rapprochements et d’autres, sans doute encore, mais cette première lecture tirée du livre de Sophonie révélant un Dieu au Salut caché convient parfaitement à ce début de l’histoire du Salut. C’est vrai que le Salut, le Sauveur sera caché et que beaucoup d’hommes passeront à côté sans pouvoir le reconnaître.

  • Il est caché dans le ventre de Marie. Si la conception du Sauveur est tout à fait inhabituelle, la grossesse de Marie et la naissance du Sauveur n’auront vraiment rien d’exceptionnel ! C’est vrai le Salut est caché.
  • Il y aura ensuite ces 30 ans de vie cachée où rien ne distinguait cette famille des autres familles, ce Fils de tous les autres fils.
  • Il y aura ensuite ces 3 années de vie publique où Jésus choisira une vie simple, des fréquentations de gens simples, à commencer par ses apôtres et les foules qu’il enseignait, guérissait, nourrissait …
  • Il y aura encore ces 3 derniers jours de la passion où il faudra un sacré regard de foi pour reconnaître le Salut dans sa phase la plus active mais bien caché dans les humiliations que l’on fait subir à Jésus.
  • Enfin, il y aura les 3 heures les plus décisives pour l’histoire de l’humanité où Jésus complètement défiguré sur la Croix mènera à bien sa mission de Salut.
  • Et que dire de ces jours au tombeau pendant lesquels le Salut est plus que caché !

Il peut nous arriver à certains moments de nos vies, quand nous sommes confrontés à des épreuves qui deviennent lourdes et répétitives de nous demander où est Dieu ? Où est son Salut pour nous ? La lecture de Sophonie pourra nous aider à renouveler notre foi en croyant qu’il est là, caché. Dimanche, je nous invitais à bouger pour prendre le Saint-Esprit. Aujourd’hui, nous sommes invités à gratter, à creuser car le Salut est bien là mais caché.

En tout cas, c’est manifeste dans cette scène de rencontre entre ces deux femmes. Une personne extérieure n’y aurait vu que du feu ! Elle n’aurait vu que deux femmes heureuses et étonnamment porteuses de vie. Je dis « étonnamment » car l’une était trop vieille pour porter la vie et l’autre trop jeune ! Mais quand le Dieu de la vie passe en action, il n’y a plus aucune limite à sa puissance, sa vie peut s’infiltrer là où on pensait que ce n’était plus possible, là où on pensait que ce n’était pas encore possible ! Que Marie vienne en Visitation chez tous ceux qui trouvent que, pour eux, le Salut est trop caché.

Pour méditer l’Evangile, je suis allé lire, sur internet, le commentaire d’un pasteur protestant que je consulte de temps en temps car il a une lecture à la fois très exégétique des textes et souvent innovante. J’étais assez curieux de savoir s’il avait commenté le Magnificat car je me disais que le commentaire du Magnificat par un pasteur ne devait pas manquer d’intérêt. Comme, d’ailleurs, le grand commentaire du Magnificat par Luther non seulement ne manque pas d’intérêt mais constitue même un chef d’œuvre. Je n’ai pas été déçu, il avait commenté le Magnificat et même fait plus puisque sa prédication avait été donnée un dimanche qui devait être tout près du 15 août, or pour l’Assomption, nous avons le même texte d’Evangile ! 

Voilà ce qu’il dit en introduction, c’est un peu long, mais je vous le lis car, chaque fête mariale devrait nous encourager à prier pour nos frères issus de la Réforme qui ont été éloignés de Marie, souvent à cause d’une piété mariale déséquilibrée de certains catholiques. Je cite ce pasteur : Si je vous pose cette question : « Mais vous les protestants, vous ne croyez pas à la Vierge Marie ? », beaucoup d’entre vous reconnaîtront une affirmation, souvent maladroite, mais tout de même bien répandue, qui indique la méconnaissance dans laquelle la foi protestante est tenue. Et généralement, suit une autre question : « Mais alors, le 15 août, que faites-vous » ?  Il faut donc répondre avec beaucoup de diplomatie que ce jour-là, nous le passons de la façon la plus simple qui soit, puisque, effectivement, nous n’avons pas comme les catholiques ou les orthodoxes, de célébration concernant l’Assomption de Marie. C’est une question que l’on m’a posée justement hier matin, 15 août. Cette question peut paraître naïve aux oreilles de certains. Les protestants sont des chrétiens qui, parfois, font bande à part, en particulier en ce qui concerne Marie. C’est vrai qu’ils rejettent radicalement un certain nombre de dogmes de l’Eglise catholique, qui leur paraissent éloignés, voire étrangers à la pensée biblique. Puisqu’elles sont plutôt appuyées sur la Tradition et sur la piété populaire, les protestants restent volontairement en retrait sur ces deux fêtes. Ce qui ne les empêche pas d’avoir un sérieux respect, voire un attachement, pour la mère de Jésus. D’ailleurs, au moment de la Réforme, le conflit entre l’Église catholique romaine et les Réformateurs ne portait pas sur la personne de Marie, mais sur le salut par la grâce, au moyen de la foi.  Luther, en particulier, avait maintenu les fêtes de l’Annonciation, de la Visitation et de la Purification, parce qu’elles ont un fondement scripturaire. C’est pourquoi, le 15 août, nous pouvons découvrir ou relire en toute liberté et sans aucune culpabilité, le commentaire fervent que fait Luther du Magnificat dans lequel il reconnaît, je cite : «la douce mère de Dieu, (qui) nous enseigne, par l’exemple de son expérience et par ses paroles, comment on doit reconnaître, aimer et louer Dieu ». Ou écouter avec le plus grand émerveillement, le « Magnificat » de Jean-Sébastien Bach. C’est pourquoi aussi, avec l’ouverture officielle du dialogue œcuménique entre les églises chrétiennes, au 20ème siècle, il était naturel que les protestants se réapproprient, voire, pour certains, se réconcilient avec la figure de Marie, présente dans les Ecritures. Mais, ne nous méprenons pas. L’objet de la foi chrétienne n’est pas Marie, mais bien, Jésus, le Christ. Si Marie ne tient pas une place importante dans la piété protestante, elle est, et elle reste, la mère de Jésus. Les protestants s’accordent à dire qu’elle demeure le visage du tout premier disciple du Christ, et qu’elle est notre sœur dans la foi chrétienne. https://oratoiredulouvre.fr/index.php/libres-reflexions/predications/pour-le-monde-le-cantique-de-marie

Dans la suite de son commentaire, il relit le Magnificat en soulignant toutes les correspondances bibliques car chaque phrase prononcée par Marie est tirée du Premier Testament et il montre comment Marie ne se met pas en avant, ne s’attribue aucun privilège mais dit sa joie d’être celle qui va donner à son peuple le Messie. Tout cela me donne envie de conclure en demandant que Marie soit encore envoyée en visitation dans nos Eglises, chez les catholiques pour qu’ils soient toujours bien conscients que son seul désir est de nous conduire à Jésus et chez les frères issus de la Réforme pour qu’ils comprennent que passer par elle pour rejoindre Jésus ne rallonge pas le chemin, mais ça le rend plus aisé.

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